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KUNAST Balthasar Ludwig

Brodeur sur soie, commerçant et collectionneur, (Pl) (★ ? 1589 † Strasbourg, Temple-Neuf, 6.11.1667).

Fils d’Abraham Kunast, étudiant, natif de Dresde, Saxe (lui-même fils de Ludwig Kunast, Amtmann à Dresde), et de Jacobea Kandel, fille de David Kandel ©, et veuve de Hans Kirn, orfèvre. ∞ I 5.12.1614 à Strasbourg, Temple-Neuf, Margaretha Bender, d’EssIingen, Bade-Wurtemberg, veuve de Hans Storck, commerçant. ? II Agnes Schatz, fille de Johann Philipp Schatz ; au moins 9 enfants. Abraham Kunast acquit le droit de bourgeoisie à Strasbourg le 16 octobre 1587 (Livre de bourgeoisie II, c. 585), après son mariage à Strasbourg, Saint-Thomas, le 25 octobre 1586. L’acte de baptême de Balthasar Ludwig Kunast n’a pas été retrouvé. On ne connaît rien des activités commerciales de Kunast. De 1637 à 1638, il représenta les tailleurs au Grand Sénat. En 1666, il demanda au Magistrat d’intervenir auprès du duc Charles de Lorraine © pour qu’il active son procès en cours à Nancy contre les rhingraves (PV XXI, 1666, f. 48v) ; en 1667, il est question d’un capital échangé en 1657 à la tour aux Pfennigs contre un capital wurtembergeois qui lui occasionna une perte de 100 florins (PV XXI, 1667, f. 88 et 92). Kunast doit sa renommée au remarquable cabinet de curiosités qu’il avait constitué à son domicile au coin de la rue Mercière et de la place Gutenberg. Il vendit en 1646 sa première collection pour 5 362 florins au Strasbourgeois Jérôme Berger. Il recommença une nouvelle collection dès 1649 en achetant celle de feu Sébastien Schach. Lorsqu’il mourut en 1667, sa Kunstkammer constituait incontestablement la plus étonnante curiosité strasbourgeoise dont le catalogue Ordentliche Verzeichrtusz derjenigen Stück und Raritaeten so sich in Balthasar Ludwig Künasts E. E. grossen Raths in Straszburg alten Beysitzers und Handelsmanns seel. hinterlassener Kunst-Kammer befunden, Straszburg, bey Joh. Welpern, 1668, in-16°, 42 f., édité par son fils Philippe Louis en 1668, donne un aperçu du riche contenu. R. Reuss © a publié l’analyse du catalogue dans une série d’articles, parus dans les Affiches de Strasbourg entre le 8 septembre et le 20 octobre 1890. Des extraits concernant plus particulièrement l’histoire de l’art furent aussi publiés par G. v. Terey en 1896 dans le Repertorium für Kunstwissenschaft 19, 1896, p. 31-35. Le catalogue de 1668 fut suivi en 1673 par celui de la vente aux enchères publiques, Verzeichnuss aller Naturalien so in Künastischer Kunst-Kammer zu Straszburg zu befinden et Continuatio Künastischer Kunstkammer darinnen verzeichnet die Artificialia und alle andere auszer den Naturalien befindliche Raritäten, so auctionirt werden sollen, également imprimé chez Johann Welper. Ces deux catalogues nous donnent une excellente idée de l’étendue de la culture et du goût de ce collectionneur strasbourgeois en même temps qu’un aperçu de cet extraordinaire cabinet de curiosités dans lequel les antiquités romaines voisinaient avec des animaux empaillés, des ivoires, des objets en verre, des armes anciennes, des instruments de musique, un os géant trouvé dans le Rhin à Worms, des vêtements d’Indiens, une mèche de cheveux d’Albrecht Dürer qui parvint d’abord à Francfort, puis en 1873 à l’Académie des Beaux-Arts à Vienne. L’objet le plus inattendu, provenant peut-être du cabinet de curiosités de Schach, était incontestablement « l’empreinte du premier pas qu’avait fait l’ânesse portant Jésus à son entrée à Jérusalem ». Mais la valeur de la collection de Kunast résidait surtout dans les nombreux objets d’art : 90 tableaux d’artistes peintres strasbourgeois, pour la plupart contemporains de Kunast (Vogtherr ©, Jacob von der Heyden ©, F. Brentel, J.J. Walter © entres autres), 72 aquarelles de Hans Baldung Grien ©, de W. Ditterlin ©, des dessins à la plume ou au crayon de Tobias Stimmer ©, des gravures ou peintures de Dürer, Schongauer ©, Holbein, Rubens et Jordaens, une collection de 2 300 portraits d’hommes célèbres. Le plan de la ville de Strasbourg de Conrad Morant © de 1548, conservé aujourd’hui au Germanisches National Museum de Nuremberg, s’y trouvait également jusqu’en 1673. L’aîné de ses fils, Philippe Louis, procureur auprès du Grand Sénat, épousa le 29 octobre 1687 à Strasbourg, Saint-Thomas, Salomé Saltzmann, fille du professeur de médecine Jean Rodolphe Saltzmann ©. Il rédigea en 1683 une analyse détaillée de ce qui se trouvait jadis dans les deux collections paternelles sous le titre de Museum geminum Künastianum, manuscrit que W. Strobel © qualifiait en 1828 de très important document pour l’histoire d’Alsace, parce que contenant des renseignements qu’on chercherait en vain ailleurs (H. Rott). Ce manuscrit, ainsi que le Chronicon et la Description de Strasbourg, rédigés par le même fils, membre de la société littéraire Poetisches Kleeblatt, périrent dans l’incendie de la Bibliothèque municipale de Strasbourg en août 1870. De nombreux extraits en ont été heureusement publiés par L. Dacheux ©. Malgré la vente d’une partie de la collection constituée par Balthasar Ludwig Kunast, son fils Philippe Louis possédait encore suffisamment d’objets d’art et autres en 1714 pour attirer l’attention de Johann Friedrich von Uffenbach, de Francfort, lors de son séjour strasbourgeois. Dans son journal (Tagebuch) publié par E. Polaczek en 1922, Uffenbach relate ses impressions après la visite de l’extraordinaire collection.

Archives municipales de Strasbourg, Collectanea genealogica ; L. Schneegans, Strassburgische Geschichten, Strasbourg, 1855, p. 32, 34, 107, 117, 124, etc. ; A. Benoît, « Collectionneurs alsaciens », Revue d’Alsace, 1875, p. 58-59 ; R. Reuss, Affiches de Strasbourg du 8.9. au 2.10.1880 ; A. Seyboth, Das alte Strassburg, Strasbourg, 1890, p. 130, 144, 228 ; L. Dacheux, « Fragments de diverses vieilles chroniques », Bulletin de la Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace, 18, 1896, p. 123-181, en part, p. 139, n° 4303 ; G. v. Terey, « Eine Kunstkammer des 17. Jh. », Repertorium für Kunstwissenschaft, 19, 1896, p. 31-35 ; R. Reuss, De scriptoribus rerum Alsaticarum historicis, Strasbourg, 1897, p. 173, 235 ; idem, L’Alsace au XVIIe siècle, II, Paris, 1898, p. 254-255 ; Sitzmann II, 83 ; E. Polaczek, « Das Strassburger Tagebuch des Joh. Friedr. von Uffenbach aus Frankfurt (1712-1714) », Elsass-Lotringisches Jahrbuch, 1, 1922, p. 72, 81, 91-92 ; J. Lefftz, Die gelehrten und literarischen Gesellschaften im Elsass vor 1870, Colmar, 1931, p. 48, 51 et s. ; H. Rott, « Strassburger Kunstkammern im 17. u. 18. Jh., » Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 44, 1931, p. 8-13 ; Archiv für elsässische Kirchengeschichte, 10, 1935, p. 136-137 ; R. Will, « Le portail de l’ancienne chancellerie de Strasbourg », Cahiers alsaciens d’archéologie, d’art et d’histoire, 1959, p. 64 ; J. Hatt, Liste des membres du Grand Sénat de Strasbourg, Strasbourg, 1963, p. 276-277 ; Histoire de Strasbourg des origines à nos jours, sous la dir. de G. Livet et F. Rapp, Strasbourg, III, 1981, p. 103 ; Encyclopédie de l’Alsace, VIII, 1984, p. 4584.

† François-Joseph Fuchs (1994)