Professeur de droit, (Pl) (★ Strasbourg 17.10.1723 † ? 1794 ?).
Fils de Jean René Kugler, d’une famille d’hôteliers qui, avec les familles alliées « tenait » presque tous les hôtels (Jean René Kugler avait l’hôtel Zum Loewen à Strasbourg, un témoin à l’acte de naissance de Jean René Kugler du nom de Jean David Kugler, est hôtelier Auf der grünen Warth, dans leurs actes d’état civil on cite également l’hôtel Zum Krebs, la Maison rouge et Zum Jäger, et de Marie Madeleine Schneider de Bischheim (Episcopi Villae), fille de Jean Georges Schneider, boulanger. ∞ 28.6.1757 à Strasbourg Marie Madeleine Braun († après 1789), fille de Jean Daniel Braun, vornehmer Banquier ; 2 fils (?), Frédéric René (★ 1760) et François René (★ 1762), futurs administrateurs de la ville de Strasbourg, du département du Bas-Rhin puis jurisconsultes à Paris, ont présenté les dissertations (imprimées) sous la présidence de leur père entre 1777 et 1787. Après des études au Gymnase et à l’Université (immatriculé en 1739) puis à la faculté de Droit de Strasbourg, où il a notamment suivi, quatre années durant, les cours de Schoepflin ©, Kugler présenta en 1748 des vindiciae historico-juridicae contre la réformation de l’empereur Frédéric III, et le 22 décembre 1750 soutint une thèse de doctorat en droit, De probatione adulterii secundum leges divinas et humanas. Puis, selon l’usage, il entreprit un long voyage comme précepteur de deux princes de Nassau-Usingen qui le mena à travers plusieurs régions françaises et allemandes, avec un long séjour à Paris où il fréquenta, entre autres, Réaumur. De retour à Strasbourg, on lui confia en 1755 la chaire de droit qu’avait occupée Jean-Frédéric Boeder ©. En 1756, il devint titulaire de la chaire des institutes, en 1760 de celle des pandectes et de droit canon et enfin, en 1770, de celle des pandectes et de droit public où il a succédé à son maître Jean Martin Silberrad © et qu’il occupera jusqu’à son décès. Kugler a été recteur de l’Université en 1757, 1763, 1771, 1781, 1789 et chanoine de Saint-Thomas à partir de 1760. La vie et l’œuvre de Kugler doivent s’apprécier, d’une part en fonction des mouvements d’idées qui ont préparé la Révolution de 1789, d’autre part en liaison avec l’épisode « prérévolutionnaire » de Goethe © à Strasbourg, deux phénomènes peu connus à ce jour. Dans ce contexte, on notera que sous la présidence de Kugler – et il faut savoir que le président est, sauf de rares exceptions, le véritable auteur –, furent soutenues plusieurs thèses de droit qui préparent, au plan doctrinal, la confiscation des biens du clergé et de la noblesse en s’élevant contre les modes d’acquisition de la propriété que sont l’occupation ou l’usucapion. Exemple : la thèse de 1779 intitulée Vindiciae juris naturae et gentium contra usucapionen (64 p. in 4°) où, d’après les auteurs les plus « progressistes » du temps (Leibniz, Wolff, Claproth, Heineccius, Pufendorf, Barbeyrac, Vattel, Domat, etc.), est démontrée l’injustice d’une propriété dont l’ancienneté serait la seule légitimité, avec, sur la page de titre, le slogan « Hundert Jahre Unrecht ist nicht eine Stunde Recht ». Pour les rapports avec Goethe on notera que le 6 juin 1771 son condisciple Jean de Turckheim © avait soutenu sous la présidence de Kugler une thèse en langue latine de 74 p. in 4° sur Le droit de légiférer des rois de France mérovingiens et carolingiens en matière de religion où sont présentées, preuves textuelles scientifiquement présentées (l’école de Schoepflin…) à l’appui, les mêmes affirmations « séditieuses » que quelques semaines plus tard, ex capite religionis et prudentiae, on interdira à Goethe d’exposer à son tour dans une dissertation rédigée et argumentée sur les droits du souverain en matière religieuse. En tout état de cause, Kugler mériterait une étude particulière.
Cf. Programme inaugurale, Strasbourg, 1756 ; 24 des nombreuses thèses « présidées » par Kugler ont été réunies en un volume sous le titre Elementa juris civili, Strasbourg, 1766-1787 ; Berger-Levrault, Annales des professeurs des académies et universités alsaciennes 1523-1871, Nancy, 1890, p. 131 ; Knod, Die alten Matrikeln der Universität Strassburg, 1621 bis 1793, I, p. 419, II, p. 589, 670 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 78 ; F. L’Huillier, Recherches sur l’Alsace napoléonienne, Strasbourg, 1947, p. 301, n. 33 ; I. Jahr, « Die Kugler-Familien in Strassburg », Badische Familienkunde, 1962, p. 48-72, 1967, p. 35-50 ; Himly, Chronologie de la Basse Alsace, Strasbourg, 1972, p. 99 ; M. Thomann, « La Faculté de Droit de Strasbourg dans son environnement social, économique, intellectuel et politique du XVIe au XXesiècle », Les Universités du Rhin Supérieur de la fin du Moyen Age à nos jours, Strasbourg, 1988, p. 71-81 (où on trouvera d’autres références) ; idem, Catalogue-Regestes des Thèses et dissertations juridiques présentées à Strasbourg (1558-1870)(fichiers manuscrits, chez l’auteur). La famille Kugler a déployé, par ailleurs, une intense activité foncière du XVIe au XIXe siècle, dont témoignent plusieurs thèses de caméralisme « rural » soutenues chez Kugler. Épais dossier manuscrit sur ces aspects constitué par M. Jean Vogt, Strasbourg.
† Marcel Thomann (1994)