Résistant, militant communiste, député, (I) (★ Strasbourg 14.5.1914).
Fils d’Isaac Kriegel (★ Dolina, Galicie orientale autrichienne, 16.9.1874 d. Strasbourg 22.5.1936), fripier, puis marchand de chaussures, et de Bronislava (Babetta en allemand) Bernsohn (★ Stanislau, Galicie, 12.1.1885). ∞ I vers 1938 Mala Ehrlischster (★ Varsovie, Pologne, d. Marseille, Bouches-du-Rhône, août 1944). ∞ II 1945 Paulette Le Souef. Son père, immigré à Strasbourg en 1909, fut naturalisé français en 1928. Kriegel fut très vite rebelle à l’enseignement du rabbin Moïse Ginsburger © et abandonna la pratique de la religion juive. Après sa scolarité au lycée Kléber, Kriegel fut étudiant à la faculté de Droit de Strasbourg, dont il fut lauréat (1934). Il était alors l’un des dirigeants de l’amicale des étudiants en droit. Il militait aussi au mouvement pacifiste Amsterdam-Pleyel et au Comité de vigilance des intellectuels antifascistes. Selon certaines sources, il aurait assisté alors à des réunions de la cellule communiste Dimitrov (quartier de la Forêt-Noire). Il passa un diplôme d’études supérieures de droit privé (1935), puis gagna Paris au printemps de 1936 pour y continuer ses études tout en travaillant comme rédacteur dans une compagnie d’assurances. Il adhéra alors à la Ligue d’action universitaire républicaine et socialiste et à la Ligue des Droits de l’Homme, mais également à l’Union fédérale des étudiants très influencée à cette époque par les communistes. Après avoir participé aux grèves de 1936, il devint en 1937 secrétaire général du syndicat CGT des employés d’assurance, ce qui lui valut deux licenciements successifs en 1938. Devenu permanent syndical, il dirigea la Chambre syndicale des employés de la région parisienne. Il aurait appartenu aux Jeunesses communistes pendant une partie de cette période. Élève-officier, il fut exempté pour raisons de santé en décembre 1939 et travailla comme expert juridique. En 1941, il franchit la ligne de démarcation pour rejoindre sa famille à Toulouse. Appartenait-il déjà à cette époque au Parti communiste clandestin ? La littérature historique n’est pas claire à ce sujet. Toujours est-il qu’il entra alors dans la Résistance non-communiste, dans le mouvement Libération-Sud, dont il fut l’un des dirigeants militaires à Lyon sous le pseudonyme de Fouquet. En 1942, il prit celui de Valrimont, emprunté ironiquement au général allemand Warlimont. Arrêté en mars 1943, il fut délivré le 24 mai 1943 par un groupe franc, dont faisait partie son frère Arthur (? Strasbourg 5.10.1923), étudiant en médecine. Il partit alors pour Paris, où il devint délégué national à l’action ouvrière des Mouvements unis de Résistance (MUR), dont il rédigea l’organe clandestin Action. Devenu responsable militaire des MUR et chef d’état-major des Corps francs de la Libération, il fut à ce titre nommé en avril 1944 à l’État-major national des Forces françaises de l’Intérieur, et devint l’un des trois membres du COMIDAC, puis du COMAC (Commission d’action du Conseil national de la Résistance). Pendant les combats de la libération de Paris, il joua un rôle important, ainsi que lors de la capitulation du général von Choltitz, commandant des forces allemandes à Paris. Après la Libération, il devint directeur politique de l’hebdomadaire Action et délégué à l’Assemblée consultative provisoire. Au congrès du Mouvement de libération nationale (23-28 janvier 1945), il défendit contre Claudius-Petit et André Malraux © le projet de fusion avec le Front national, contrôlé par les communistes. En 1945, il fut élu député apparenté communiste à la première Assemblée constituante en Meurthe-et-Moselle. En cette qualité, il fut vice-président de la Haute Cour de Justice. Ce n’est qu’en 1946 qu’il aurait adhéré formellement au Parti communiste. Il fut réélu député en juin et novembre 1946, en 1951 et en 1956, et fut conseiller municipal de Nancy (1947-1963). Il aurait été chargé de contrôler la Fédération communiste du Bas-Rhin de 1947 à 1950. En février 1953, lors du débat en deuxième lecture sur le projet de loi d’amnistie en faveur des « Alsaciens d’Oradour », il fut le porte-parole de son groupe, et accusa le gouvernement Pleven de chercher ainsi à faciliter l’organisation de l’armée européenne, où des soldats français pourraient être commandés par d’anciens SS. Membre suppléant du Comité central du Parti communiste français (1947-1950), membre titulaire ensuite, il devint en 1949 responsable du bureau de presse du parti. Son désaccord avec Thorez sur la déstalinisation et sur l’attitude du parti envers le gouvernement Mendès-France entraîna le retrait de cette responsabilité en 1955. Il fut chargé alors de la coordination des activités du parti en Lorraine et en Alsace. En 1958, il fut nommé rédacteur en chef de l’hebdomadaire France nouvelle. Impliqué dans l’affaire Casanova-Servin, il fut relevé de ses fonctions le 23 mai 1960, et ne fut pas réélu au Comité central au congrès de mai 1961. Sans travail pendant deux ans, il entra comme cadre à la Sécurité sociale en 1964. En 1970, il fut, avec Roger Garaudy, l’un des signataires de l’appel « Il n’est plus possible de se taire » contre Georges Marchais et sa politique. C’est à ce moment qu’il aurait quitté le parti. Il prit sa retraite en 1975 dans la Nièvre. Il est le père de la politologue Blandine Barret-Kriegel.
M. Kriegel-Valrimont a publié : La Libération (les Archives du COMAC) mai-août 1944, Paris, 1964.
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Léon Strauss (1994)