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KNITTEL Jean Émile

Journaliste, (Pl) (★ Saverne 16.7.1891 † Strasbourg 25.12.1968).

Fils d’Émile Knittel, avocat, et de Marie Salomée Hauser. ∞ E. Dÿck (★ Stargard, Pologne, 26.3.1892) ; 1 fils. Il effectua sa scolarité au Gymnase protestant de Strasbourg où il obtint l’Abitur en 1909. Il entreprit ses études de droit à l’Université de la ville, son père voulant l’orienter vers le notariat. De nature curieuse et d’esprit vif, il se sentait plutôt attiré par le journalisme et fit notamment connaissance de Charles Frey ©, rédacteur à la Bürgerzeitung. Il évolua dans les cercles journalistiques francophiles et aurait même fait partie de comités secrets qui s’interrogeaient sur les modalités concrètes à mettre en œuvre lors du retour de l’Alsace à la France à l’issue du conflit mondial. Ainsi, lors des troubles révolutionnaires de novembre 1918, il fit partie d’une mission qui essaya en vain de joindre les lignes françaises pour demander une arrivée rapide des troupes pour mettre fin aux excès des conseils de soldats allemands. Knittel fit état de cette aventure dans ses Souvenirs des journées révolutionnaires de Strasbourg, parus en 1923. Début 1919, Charles Frey lui proposa de venir au Nouveau Journal mais il préféra l’offre d’Aristide Quillet ©, franc-maçon comme lui, d’occuper le poste d’éditorialiste des Dernières Nouvelles de Strasbourg (Strassburger Neueste Nachrichten) qu’il venait de racheter à Léon Ungemach ©. Dès lors, Knittel occupa cette fonction, couplée avec celle de rédacteur en chef, pendant près de quarante-cinq ans sous les directions successives de Robert et Jean Hoepffner ©, René Royer et Jean Rocant. Il se trouva mêlé de ce fait à l’histoire de l’Alsace, en particulier à celle, fort animée, de l’entre-deux-guerres. Ayant vécu l’enthousiasme alsacien du retour à la France, il mesurait également dans ses éditoriaux les difficultés d’adaptation de la population à la nouvelle situation, comme par ailleurs les maladresses des autorités pour hâter la francisation de la province. Il soutint cependant à fond la politique gouvernementale du Cartel des gauches en 1924 avec les déclarations du président Herriot © sur l’introduction de toute la législation républicaine en Alsace, entraînant l’abolition de la loi Falloux et instituant la séparation de l’Église et de l’État. Ces déclarations servirent de détonateur à la flambée autonomiste chez les politiques et dans la presse. Knittel entra en conflit ouvert avec la presse catholique et le clergé en majorité autonomiste. Ses prises de position, mêlant ironie, sarcasmes et anticléricalisme conduisirent – pour une grande partie – l’évêque, Mgr Charles Ruch © à interdire aux fidèles la lecture des Dernières Nouvelles. Se déclarant partisan d’un régionalisme raisonnable dans les limites de la République, Knittel s’opposa franchement aux leaders autonomistes dont il salua la condamnation à l’issue du procès de Colmar en 1928. Soucieux de l’évolution des rapports franco-allemands, il découvrait avec inquiétude la naissance et la montée du nazisme en Allemagne et s’était alarmé du putsch de Munich. En mai et juin 1930, il publia une longue série de reportages, intitulée « Douze ans après, l’Allemagne d’aujourd’hui » qui soulignait les faiblesses politiques et économiques de la République de Weimar, l’absence d’un parti centriste fort mais analysait surtout le nouveau parti national-socialiste (NSDAP) en relatant sa rencontre avec Hitler. Il était en effet le seul journaliste français, à cette date, à avoir obtenu ne interview du chef nazi. Cette série de reportages fut reprise dans l’ouvrage Au carrefour : vers la république ou la croix gammée que Knittel fit paraître à la mi-septembre 1930, à la veille des élections législatives qui marquaient une spectaculaire percée du NSDAP. Ses critiques s’intensifièrent à la prise de pouvoir de Hitler en 1933 en même temps que ses mises en garde au gouvernement français qu’il jugeait apathique à l’égard de cette menace. Ses articles entraînèrent l’interdiction des Dernières Nouvelles, une première pour un journal étranger, en Allemagne. Bientôt cependant, grâce à ses correspondants et informateurs, il publia des articles sur les autodafés de livres, les manifestations antisémites, la montée de la menace militaire avec le réarmement et l’existence de camps de concentration comme Dachau (6 décembre 1933). Sur le plan de la politique intérieure française, Knittel qui était également chroniqueur parlementaire à la Chambre des Députés ainsi que correspondant de L’Aurore et de L’Œuvre se voulait avant tout impartial et neutre bien que ses sympathies allassent plutôt vers le radicalisme et la gauche. Il se montra réservé face à la constitution du Front populaire. Replié pendant la guerre, d’abord à Bordeaux avec son journal, puis en 1940 à Montpellier, interdit par Vichy malgré un changement de titre en Écho des réfugiés, Knittel put échapper aux recherches de la police allemande et revint en mai 1945 reprendre ses éditoriaux dans les Dernières Nouvelles d’Alsace reparues le 21 décembre 1944. Il y plaida notamment, dans une Alsace meurtrie matériellement et moralement par la guerre et l’annexion, pour la réconciliation et l’apaisement des esprits nécessaires à la reconstruction de la province. Dans cette immédiate après-guerre, il se prononça pour la construction européenne, garante de la paix, et favorisa le développement continu d’une rubrique correspondante qu’il confia à un de ses collaborateurs de longue date, Louis-Édouard Schaeffer ©. Ce dernier aimait qualifier Knittel d’« âme du journal » qui savait animer l’équipe rédactionnelle, faisant preuve à la fois d’humour et de fermeté tout en restant proche de ses journalistes. Sur le plan de la profession, Knittel a présidé l’Association de la presse de l’Est, ainsi que la section bas-rhinoise du Syndicat national des journalistes ainsi que le club Concordia Argentina. Officier de la Légion d’honneur (1948), commandeur du Nisham Iftikar, titulaire de l’ordre Polonia Restituta.

Haegy, Das Elsass von 1870-1932, t. 1, p. 418 et 681, t. 3, p. 217 ; Dernières Nouvelles d’Alsace du 31. 12. 1968 ; D. Wirtz-Habermeyer, Histoire des Dernières Nouvelles d’Alsace, 1987 ; F.-G. Dreyfus, La vie politique en Alsace 1919-1936, 1969 ; P.-J. Schaeffer, L’Alsace et l’Allemagne 1945-1949, 1976.

Jean-Claude Hahn (2006)