Poète en langue latine, alchimiste, (P) (★ Colmar 19.12.1575 † avant 1642).
Fils de Jacob Kessler, tailleur, et de Catharina N. ∞ 18.4.1602 à Strasbourg, paroisse de la cathédrale, Ursula Nessel, veuve du directeur des travaux (Lohnherr) de la Ville, Johann Hessler (ou Hässler). En 1594, sous le nom de Thomas Ahenarius, il entra en classe de seconde au Gymnase protestant de Strasbourg, en tant que boursier du collège Saint-Guillaume. Bachelier en 1597, il suivit pendant deux ans les cours publics de l’Académie et s’inscrivit en 1599 comme étudiant de maîtrise, grade qu’il obtint en 1601.
Grâce à son mariage, il acquit le 9 novembre 1602 la bourgeoisie de Strasbourg, puis s’inscrivit à la tribu de la Lanterne. La même année, il publia chez A. Bertram ©, imprimeur de l’Académie, un poème de 513 hexamètres dactyliques à la gloire de l’Alsace et de ses hommes illustres, dédié au chancelier de l’Académie J. Ph. Boecklin © et au scholarque H. Baumgarten ©. L’œuvre, d’une agréable facture, où abondent les réminiscences, surtout de Virgile, est conforme à ce qu’on attend d’un poème de ce genre, qui apporte à tous les lieux, événements et personnages le meilleur jour, les éloges ou le respect qui conviennent et assurent au poète la bienveillance du lecteur. En 1608, Kessler publia, chez un imprimeur resté anonyme, un poème religieux, toujours en hexamètres dactyliques : Natalicium Redemptoris Jesu Christi. Il le dédia à deux amis colmariens, dont Martin Birr, qui avait été son camarade d’études au Gymnase. Il maniait la plume avec aisance et agrément, mais on ignore pourquoi il cessa d’écrire. À Strasbourg, pendant des années, on ne trouve plus de traces de la vie, des activités et des ressources de ce Colmarien. Son nom réapparaît à Colmar en 1615. Kessler offrit en effet à la bibliothèque de cette ville, avec une longue dédicace en latin, un livre, le Parcival de Wolfram von Eschenbach (imprimé par Mentelin © en 1477), conservé dans la Bibliothèque du Consistoire protestant de Colmar (Bibliothèque municipale de Colmar, CPC 386), « témoin de la langue ancienne et de la langue moderne dont la Germanie fait maintenant usage, témoin tout à fait sûr de la perfection et de la diversité de cette langue ». Avec la même signature (« Maître Thomas Kessler, Colmarien ») que les poèmes et la dédicace du livre évoqué ci-dessus, parut à Strasbourg en 1628 un recueil en allemand de 200 remèdes et préparations basés sur les sciences spagyriques et hermétiques, dont l’auteur se qualifiait de « chimicus » et rappelait qu’il était bourgeois de Strasbourg (Zweyhundert ausserlesene chymische Process und Stücklein, theils zur innerlichen, theils zur Wund, und äusserlichen Artzney…). L’ouvrage eut sans doute du succès, car en 1629, à la réédition des 200 Process, Kessler ajouta en 2e partie une série de cent autres Process (Bibliothèque municipale de Colmar, XIII-C 6008). Enfin, en 1632, Kessler publia 400 Process en quatre impressions séparées de 100 recettes chacune. Dans la préface de la 1ère série, il dédia son œuvre aux sires Johann Reinhard, Melchior et Clauss von Schauenburg et fait allusion à la querelle qui opposait le groupe des dogmatistes et galénistes à celui des partisans des sciences spagyriques et hermétiques. Il explique à ses « bienfaiteurs et patrons » comment, depuis 26 années de séjour à Strasbourg, il s’est efforcé de compléter ses connaissances et de profiter des opportunités que lui offre cette ville, tout en s’occupant de ses études et de sa famille. Le deuxième fascicule comprend en plus des remèdes « externes ou internes », notamment à base de métaux (mercure contre la peste, l’hydropisie, la syphilis, antimoine contre la lèpre et la goutte), des descriptions de procédés permettant de passer de métaux communs à des métaux nobles, or ou argent. Mais Kessler, prudent, prit soin de citer ses sources ; en provenance d’Angleterre, il collecta des « recettes » des Pays-Bas, d’Allemagne, d’Italie, de France, et proposées par des alchimistes tels que Bernhardus Trevisanus, Basilius Valentinus, Thoma de Bononia, Nikolaus Mirandulanus, Johannes Quercetanus, Paracelse, avec des références explicites à la pierre philosophale, à la teinture de projection et l’élixir de vie et aux témoins oculaires de démonstrations de fabrication d’or à partir de cinabre. Mais Kessler spécifia bien que selon lui, la préparation des métaux nobles dépendait de l’habileté du manipulateur et que Dieu n’était probablement pas favorable à ce type de préparation. Après la mort de Kessler, dont on ne connaît pas la date, sous le titre de Keslerus redivivus (Kessler rendu à la vie) parurent dès 1642 et en-dehors de l’Alsace, des recueils de Process. À Francfort en 1666, leur nombre atteignit 500. En 1730 encore, un anonyme publia et « compléta » un Keslerus redivivus (6 éd., Francfort-sur-le-Main). L’auteur avait donc toujours un public. À côté de ces œuvres personnelles, Kessler traduisit du latin en allemand trois traités de J. Quercetanus (Joseph Du Chesne) sur l’origine des métaux, sur des remèdes à base de métaux et la façon de soigner les blessures par balle.
Archives municipales de Strasbourg, Livre de bourgeoisie II, 819 ; Archives du Chapitre de Saint-Thomas, déposées aux Archives municipales de Strasbourg, 466, Archives du collège Saint-Guillaume (d’après des notes de W. Westphal, communiquées par J. Rott) ; Chr. Joecher, Allgemeines Gelehrtenlexicon, II, Leipzig, 1750, c. 2073 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 23 ; P. Bolchert, Catalogue de la bibliothèque du Consistoire de l’Église de la Confession d’Augsbourg à Colmar, Strasbourg, 1954, préface ; British Museum, General catalog of printed books, Londres, 1959-1966 : H. Dubled, « L’activité littéraire en Alsace aux XVIIe et XVIIIe siècles », Les Lettres en Alsace, Strasbourg, 1962, p. 218 et 231 ; Encyclopédie de l’Alsace, VII, 1984, p. 455 ; J. Betz, Répertoire bibliographique des livres imprimés en France au XVIIe siècle, VII, Alsace, Baden-Baden, 1984.
Lina Baillet et Mathilde Brini (1993)