Artiste peintre, miniaturiste, (C) (★ Sélestat 24.4.1765 † Sélestat 13.6.1830).
Fils de Georges Keman (★ Sélestat 24.4.1734 † Sélestat 23.2.1784), potier de terre, et de Catherine Fabri (★ Sélestat 15.6.1735 † Sélestat 20.11.1804). ∞ 18.6.1797 à Bristol, Angleterre, Hannah Smith (★ Craik ? † Bristol 19.12.1806) ; sans postérité. Issu d’une famille implantée à Sélestat depuis 1639, Antoine Keman ajouta ultérieurement le prénom de son père au sien. Attiré par le dessin et la peinture, Keman fréquenta probablement les ateliers strasbourgeois avant d’entrer en apprentissage à Paris. Son Diarium reste muet sur cette période ainsi d’ailleurs que sur ses maîtres à Paris. Il quitta l’Alsace le 1er août 1784 pour se rendre à pied à Paris. En 1787, Keman revint à Sélestat avec son cousin André Zixt, qui était fixé à Paris. Girodie présume que Keman vint dans la capitale avec une lettre de recommandation auprès de Baer, dit de Sélestat, alors graveur en pierres fines du comte d’Artois, et que ce dernier le recommanda aux frères Diebolt, Jean Michel et Jean Pierre. Comme Jean Urbain Guérin ©, arrivé à Paris en 1785, Keman fréquenta l’atelier de Jean-Baptiste Weyler ©, « dont l’influence s’exerça sur le style et la technique des deux miniaturistes ». De retour à Paris le 13 janvier 1788, Keman fit les portraits des Diebolt, des Zixt, de Beltz et des époux Chenard de la Comédie italienne. Le 2 novembre 1789, il s’en retourna à Sélestat. Il signa 37 portraits de ses proches parents : sa mère, ses oncles Joseph et Jacques Keman, sa tante Anne Marie Keman et sa cousine Françoise Keman, qui épousa en 1798 François Pugin (dont la famille hérita une partie des œuvres de l’artiste). Figurent encore sur cette liste les portraits d’officiers du régiment de La Marck, le baron de Berstett ©, lieutenant, et l’épouse de l’ingénieur d’Arnal. En 1791 à Strasbourg sortit une seconde série de portraits parmi lesquels on compte ceux du fils de F. de Dietrich ©, premier maire de Strasbourg, de Dartein © et de « Madame Desglantine, femme du dit Fabre, célèbre par son Almanach impie de la Révolution française ». Keman quitta la ville et, via Neuf-Brisach, alla à Colmar où il fit entre autres les portraits de Dagon de La Contrie et de M. et Mme Zaiguélius, du Conseil souverain. Par Ensisheim et Besançon, Keman rejoignit Paris où il resta de fin 1791 à mai 1792, une période riche en miniatures. Fuyant la Révolution, il quitta Paris le 21 mai 1792 pour Londres, où il allait jouir d’une honorable clientèle. En 1794, l’Académie royale de la peinture lui attribua une médaille d’argent pour ses dessins. Ses portraits eurent beaucoup de succès, autant auprès de la noblesse anglaise que parmi les nombreux émigrés. Le 13 mai 1796, il partit pour Bristol, où son succès se poursuivit auprès de la gentry grâce à son protecteur Thomas Stokes qui l’invita dans son domaine de Tenby à Hean-Castle, qui devint un musée de ses œuvres. Sir Joshua Scropes, un autre amateur d’art français, fit peindre son portrait à Bath le 10 mars 1797, un travail important qui valut à Keman la commande de dessins en couleurs, bientôt suivis de têtes d’après le duc de Malborough et le maréchal de Turenne, des souvenirs de la suite des émaux d’après les hommes illustres chers à son maître Weyler, et dont Keman réussit à augmenter le nombre, en 1806 à Londres, avec les têtes du maréchal Souvarov, du prince Bagration, de William Pitt et de Lord Nelson. En 1804, Keman fit la connaissance de Frédéric Charles Husenbeth, grand bourgeois de Bristol, qui, après la mort de Mme Keman, lui offrit le gîte à Bristol, non loin de la chapelle catholique dont l’autel abrita à partir de 1813 un grand tableau de la Résurrection au nom de l’inoubliée Hannah. Le Diarium note encore que, de 1814 jusqu’en mai 1816, Keman donnait des leçons de dessin. Le 6 mai 1816, Keman partit pour Londres « pour faire un grand voyage au continent », un circuit le menant à Douvres, à Calais, puis à Beauvais, Paris, Versailles, Lyon, Genève, Vevey, le Grand Saint-Bernard, Milan, Pavie et retour par Côme, Bellinzona, Airolo, pour arriver le 11 juillet 1816 au col du Saint-Gothard, où s’arrêtent les impressions et les commentaires de l’artiste. De retour dans sa ville natale, au sein de la famille Pugin, il s’adonna au portrait, dont une miniature représentant Françoise-Barbe Pugin et sa fille Françoise dans un jardin avec vue sur Kintzheim et le Haut-Koenigsbourg, et à la peinture religieuse, comme en témoigne le grand tableau La Sainte Cène, placé au-dessous de la rosace du grand portail méridional de l’église Saint-Georges, « remarquable par l’harmonie de la composition et par le charme et la fraîcheur du coloris ».
Au Musée de Sélestat : La Flagellation (1781) ; en la demeure de la famille Stokes, domaine de Tenby, Hean-Castle : tableaux à l’huile : Mort de Themistocle (1798), Alfred le Grand (1799), Alexandre domptant Bucéphale (1801), Alcibiade et Samson (1802) ; miniatures : Samaritaine, Mise au Tombeau, Résurrection, Allégorie de la mort de Madame Stokes (1803), Nativité, Fuite en Égypte et Marthe avec sa sœur Marie (1805).
A. Dorlan, Notices historiques sur l’Alsace…, I, Colmar, 1843, p. 382 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 17 ; A. Girodie, « Le « Diarium » du miniaturiste Georges-Antoine Keman de Sélestat (1784-1816) », Archives alsaciennes d’histoire de l’art, 4, 1925, p. 209-246 ; Thieme-Becker, Allgemeines Lexikon der bildenden Künstler von der Antike bis zur Gegenwart, XX, 1927, p. 132-133 ; H. Haug, L’art en Alsace, Grenoble, 1962, p. 200 ; P. Adam, Histoire religieuse de Sélestat, III, Sélestat, 1975, p. 96 ; Bénézit, Dictionnaire critique… des peintres, sculpteurs, dessinateurs…, VI, p. 190.
Portrait de l’artiste par lui-même, miniature conservée au Musée des Beaux-Arts, Strasbourg.
Maurice Kubler (1993)