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KARPFF Jean Jacques, dit Casimir

Peintre, dessinateur et miniaturiste, (Pl) (? Colmar 12.2.1770 † Versailles 24.3.1829, inhumé au cimetière du Père Lachaise).

Fils de Jean Jacques Karpff, menuisier et tonnelier, et de Marie Madeleine Schindolph. Célibataire. Karpff fut non seulement un dessinateur remarquable, notamment de portraits, mais encore, bien que son art se situât longtemps à rebours du romantisme, il connut une abondante postérité artistique : presque tous les peintres colmariens du XIXe siècle furent ses élèves ou les élèves de ses élèves. D’autre part, il joua un rôle de tout premier plan dans l’identification et le sauvetage du patrimoine artistique haut-rhinois sous la Révolution, comme dans la constitution des fonds qui forment toujours le noyau le plus précieux des collections d’Unterlinden à Colmar. Issu d’un milieu modeste et d’une famille nombreuse, le jeune Karpff fit preuve de qualités intellectuelles et d’aptitudes artistiques précoces qui lui valurent d’être admis au Gymnase protestant de Colmar. Il y fut le condisciple de son voisin et ami d’enfance Jean Rapp ©. Il y reçut les leçons de Joseph Hohr ©. Chez le mécène et collectionneur Frédéric Knoll ©, il reçut en outre les conseils de Philippe de Saint-Quentin et de Bonaventure Lebert ©, peintres venus travailler comme dessinateurs dans les manufactures du Logelbach. C’est également grâce à la générosité de Knoll qu’il put poursuivre des études à Paris, où il entra le 28 juin 1790 à l’Académie royale de peinture et de sculpture, dans l’atelier de Louis David.

C’est dans son atelier, où il eut comme condisciples Girodet, Guérin, Gros, Martin, Gérard et Isabey, qu’il reçut et adopta le surnom de Casimir. Il y traita des sujets historiques et mythologiques dans la veine néo-classique, s’essaya à l’illustration d’Ossian et surtout s’orienta définitivement vers les techniques graphiques : crayon, estompe, plume. Son travail à l’Académie fut couronné en 1791 par une 3e médaille, en 1792 par une 2e. Cette même année, il perdit la protection du comte de Narbonne, ancien ministre de la Guerre, chez qui il logeait au Luxembourg et qui émigra après les événements du mois d’août. En 1793, après un projet de voyage d’études à Rome, qui ne se réalisa pas, malgré l’appui de David, il fut rappelé à Colmar par la loi de réquisition militaire. Il y retrouva la protection de Knoll, chez qui il logea et travailla. Souffrant de rhumatismes, il fut dispensé de service militaire actif sur l’intervention du représentant en mission Foussedoire ©, mais mis à la disposition du district de Colmar. En décembre 1793, celui-ci chargea Karpff, le bibliothécaire Marquaire ©, le pasteur Billing © 1, et l’orfèvre Schrick d’étudier le trésor d’orfèvrerie qui venait d’être découvert à Ribeauvillé, dont le grand hanap. C’est grâce à leur action, qui s’étendit jusqu’en mars 1794, que ces œuvres de grande qualité ne furent pas expédiées à Paris ou à Strasbourg pour y être fondues, mais purent rester à Colmar et plus tard retourner à Ribeauvillé. Le 5 octobre 1794, le directoire du district décida d’adjoindre Karpff à Marquaire pour accélérer le travail de recherche et d’inventaire
des monuments de peinture, gravure et sculpture qui se trouvaient encore dans les maisons religieuses et nobles frappées par les mesures de confiscation révolutionnaires. Ils étaient chargés de les faire transférer à Colmar et de veiller à leur conservation. Du 26 octobre 1794 au 10 janvier 1795, les deux commissaires effectuèrent sept voyages à travers le Haut-Rhin. Leur mission, dont le rapport est conservé dans le manuscrit 761 (1) de la Bibliothèque municipale de Colmar, aboutit d’une part à un enrichissement considérable des collections du « Musée national » de Colmar, où se trouvait déjà depuis décembre 1792 le retable d’Issenheim, d’autre part à la rédaction du premier inventaire scientifique de ces collections. Reçu membre de la Société populaire de Colmar le 16 juillet 1794, Karpff fut chargé de la préparation de la fête commémorative des événements du 10 Août 1792, qui eut lieu le 17 août 1794. Il en dessina les décors, en dressa les plans, en rédigea la relation. Après la disparition de la société en 1795, l’organisation des fêtes patriotiques colmariennes lui resta confiée : la fête de la vieillesse en 1796, une fête sportive en 1800. En 1806, on érigea au Champ-de-Mars sur ses dessins un obélisque en bois en honneur de l’empereur. En revanche, son projet d’un monument commémoratif du général Kléber © ne fut pas exécuté. Le 5 mai 1796, Karpff fut nommé professeur de dessin à l’École centrale du Haut-Rhin, installée dans les locaux de l’ancien collège royal de Colmar, qui abritait déjà le Musée national : il put ainsi continuer à s’occuper des collections qu’il avait largement contribué à y rassembler.

Un projet de retour à Paris pour un séjour de perfectionnement auprès de son maître David n’ayant pas abouti, il enseigna jusqu’à la fermeture de l’établissement en 1803. Le programme des écoles centrales réservant une place de choix au dessin, Karpff fit preuve de remarquables qualités de pédagogue et organisa l’enseignement du dessin en trois classes de niveaux différents. En 1797 et 1798, il se rendit à plusieurs reprises à Paris où grâce à ses relations, David, Reubell ©, il fit réaliser aux frais du département du Haut-Rhin des moulages de statues antiques destinés à une « salle de bosse » qu’il réussit à faire créer dans les combles de l’École centrale. À ses cours, d’inspiration très classique, il tenta également, mais sans succès, d’adjoindre une section d’art décoratif qui eût été directement utile à l’industrie locale. À l’École centrale et dans son atelier privé, installé dans la maison Knoll, Karpff forma jusqu’à une centaine d’élèves par an, parmi lesquels on relève les noms des peintres Étienne Decker ©, Henri Lebert ©, Hohr fils, ou des professeurs de dessin J. B. Boillot © et Martin Rossbach ©. Ses multiples activités officielles à Colmar n’empêchèrent pas Karpff de réaliser entre 1793 et 1806 une œuvre personnelle, consistant essentiellement en un remarquable ensemble de portraits dessinés : ceux du Dr Morel ©, maire de Colmar, de Philippe Yves, accusateur public, de Benjamin Kuhlmann ©, géomètre, de son élève Étienne Decker ©, de Jean-Ulrich Metzger ©, négociateur du rattachement de Mulhouse à la France, du pasteur Billing ©, du général
Rapp ©, de Jacques Reiset, receveur des finances à Colmar ; ses œuvres les plus célèbres furent un ensemble de portraits de Pfeffel ©, lithographiés par Autenrieth, Rothmuller et Flaxland, et dont l’un fit l’admiration de Lavater ©, le fondateur de la physiognomonie.

On lui doit également la vignette de la Société libre d’émulation du Haut-Rhin, dont il fit partie dès sa fondation en mars 1801 par le préfet Noël ©. En 1805, une intervention du préfet F. Desportes © attira l’attention de l’impératrice Joséphine sur le talent de Karpff Lors d’un séjour à Plombières, elle lui commanda son portrait en pied en costume de sacre. Pour terminer ce travail, Karpff quitta Colmar en 1806 pour de nombreuses séances de travail au château de Saint-Cloud. Ce portrait figura au salon de 1809 et lui valut la médaille d’or ainsi que l’appréciation élogieuse de David : « Je vous le répète et je l’assurerai à qui veut l’entendre, que l’on ne peut pousser plus loin l’art du dessin». Resté en possession de Karpff après le divorce impérial, le portrait lui fut racheté pour 7.000 Frs par le général Rapp. Il vécut les vingt dernières années de sa vie à Versailles avec la poétesse Victoire Babois (1760-1839) à laquelle l’unissait une profonde amitié et qui lui dédia quelques pièces de vers. Durant ces années, Karpff ne pratiqua plus guère son art qu’en amateur, réalisant quelques miniatures sur ivoire, illustrant les Élégies et poésies diverses de Victoire Babois, exposant encore aux salons de 1808, 1812, 1814 et 1817. Sa tombe au cimetière du Père Lachaise fut réalisée d’après un de ses propres croquis. Elle offre un bel exemple de l’art funéraire des années 1820. En hommage à celui qu’elle considère comme le fondateur du Musée d’Unterlinden qu’elle gère, la Société Schongauer de Colmar la fit restaurer en 1982. Œuvres dans les musées d’Avignon, de Colmar, de Strasbourg, de Versailles (Lambinet), dans les bibliothèques de Colmar et de Versailles.

Relation de la fête célébrée à Colmar, Département du Haut-Rhin, le 30 thermidor l’an second…, 1794, 13 p. (repris dans : Le Roy de Sainte-Croix, L’Alsace en fête, 1880, p. 404-414) ; Programme de la fête républicaine du 1er vendémiaire an IX…, Glaneur du Haut-Rhin du 27.3.1864.

Archives départementales du Haut-Rhin, Séries L et T ; Bibliothèque municipale de Colmar, Rapport des citoyens Marquaire et Karpff … Inventaire des tableaux existants dans le Musée national de Colmar, Ms 761 (1) ; B. Kuhlmann, Notice biographique sur J.-J. Karpff, Ms 884 ; H. Lebert, Journal manuscrit, 13 vol. ; Lettres et papiers de Casimir Karpff, Ms Ich 93 (disparu, mais description détaillée disponible) ; J. Beauvois, La peine et le bonheur de vivre, biographie de V. Babois (Ms inédit, une copie à la Bibliothèque municipale de Colmar) ; Compte rendu par les professeurs de l’École centrale du Haut-Rhin de leurs travaux scolaires dans les cours de l’an VIII, Colmar, 1800 ; Discours prononcés le 27 mars 1829 aux obsèques de Casimir Karpff, Paris, 1829 ; H. Lebert, « J.-J. Karpff, dit Casimir », Revue d’Alsace, 1856, p. 289-304 (repris dans Ch. Foltz, Souvenirs historiques du Vieux-Colmar, Colmar, 1887, p. 281-289) ; R. Ménard, L’Art en Alsace-Lorraine, Paris, 1876, p. 79 ; P.-E. Tuefferd, « L’Alsace artistique », Revue d’Alsace, 1884, p. 240-244 ; Ant. Meyer, Biographies alsaciennes avec portraits de photographie, 1888-1890 ; J.-B. Fleurent, « Peintres et dessinateurs de Colmar pendant le XIXe siècle », Bulletin de la Société Schongauer, 1893-1902, p. 85-89 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 8-9 ; Catalogue de l’exposition alsacienne de portraits anciens, Strasbourg, 1910 ; S. Rocheblave, « Les artistes d’Alsace à Paris au XVIIIe siècle », i, 1922, p. 80-93 ; Thieme-Becker, Allgemeines Lexikon der bildenden Künstler von der Antike bis zur Gegenwart, XIX, 1926, p. 569-570 ; A. Girodie, « Deux peintres versaillais d’origine alsacienne : Karpff et Wachsmuth », Archives alsaciennes d’histoire de l’art, 1927, p. 183-188 ; J. Joachim, L’École centrale du Haut-Rhin à Colmar, Paris, 1935, p. 83-99 ; L. Kubler, « J.-J. Karpff dit Casimir, conservateur du Musée de Colmar », Annuaire de la Société historique et littéraire de Colmar, 1959, p. 112-126 ; Bénézit, Dictionnaire critique… des peintres, sculpteurs, dessinateurs..., VI, p. 167 ; Encyclopédie de l’Alsace, VII, 1984, p. 4411 ; Bauer-Carpentier, Répertoire des artistes d’Alsace des dix-neuvième et vingtième siècles, Peintres-sculpteurs-graveurs-dessinateurs, Strasbourg, III, 1986, p. 184 ; Ch. Heck, « De l’antique au gothique : redécouverte et sauvegarde de l’art médiéval en Haute-Alsace à la suite de la Révolution », Annuaire de la Société d’histoire et d’archéologie de Colmar, 1989, p. 159-170 ; François Lotz (en collabor. avec J. Fuchs), Artistes-peintres alsaciens d’un temps ancien (1800-1880), Kaysersberg,, p. 85-87.

Iconographie : Autoportrait, lithographié par Mauzaisse (1829) et H. Lebert.

Francis Gueth (1993)