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JAËLL Marie Christine

Pianiste, compositeur, (Pr) ( Steinseltz 17.8.1846 † Paris 4.2.1925).

Fille de Georges Trautmann, agriculteur, maire de Steinseltz ( Oberkutzenhausen 1816 † Steinseltz 1890), et de Christine Schopfer ( Steinseltz 27.9.1818 † Paris 23.10.1878). ∞ 9.8.1866 à Paris Alfred Jaëll ( Trieste 5.3.1832 † Paris 27.2.1882), pianiste, compositeur. Marie Jaëll découvrit le piano à l’âge de six ans et supplia son père de lui en offrir un. Elle prit des leçons et fit des progrès si étonnants que ses parents résolurent de tout faire pour favoriser le développement d’un don aussi exceptionnel. Grâce à leur appui éclairé, Jaëll put suivre les cours de Friedolin Hamma à Stuttgart et d’Ignaz Moscheles, le célèbre pianiste de Leipzig. Accompagnée dans tous ses déplacements par sa mère, Jaëll donna ses premiers concerts à l’âge de neuf ans et connut, à travers l’Europe, la célébrité d’une enfant prodige. Entrée au Conservatoire de Paris dans la classe de Henri Herz, dispensée d’une scolarité assidue pour ne pas entraver sa carrière de concertiste, elle obtint son 1er Prix en 1862. Le pianiste virtuose Alfred Jaëll était alors au faîte de sa gloire : fils du violoniste Eduard Jaell, enfant prodige lui aussi – il s’était fait entendre à 11 ans à la Scala de Milan –, élève de Czerny, ami de Chopin et de Liszt, adulé des mélomanes et honoré des princes, il avait été nommé, le 18 avril 1856, pianiste de la cour royale de Hanovre. Mariés, ils s’installèrent à Paris. Le « couple voyageur » poursuivit à travers l’Europe une carrière éclatante. Marie Jaëll revenait régulièrement passer ses vacances dans la maison familiale de Steinseltz, où elle aimait à travailler à son piano, à ses compositions, à lire et à réfléchir. Par son époux, elle élargit le cercle de ses relations artistiques : elle connut les grands musiciens de l’époque, tel Saint-Saëns, qui leur dédia en 1874 des Variations pour deux pianos sur un thème de Beethoven. Très affectés, en 1870, par la défaite de la France, sans renier tout ce qu’ils devaient à l’Allemagne, l’année même où Alfred Jaëll se voyait offrir la succession de Moscheles à la direction du Conservatoire de Leipzig et de la revue musicale fondée par Schumann, les Jaëll renoncèrent au poste proposé. Le 7 septembre 1872, Marie Jaëll choisit de rester française. En 1871, elle fit connaître ses premières compositions, prémices d’une œuvre d’une grande variété : pièces pour piano (concertos, esquisses, préludes, sonates, valses, impromptus), pour instruments (soli ou orchestre), mélodies, poésies de Jean Richepin et de V. Hugo mises en musique, un opéra (Runéa), un poème symphonique (Ossiane) créé à Paris en 1879. Avec Saint-Saëns et Liszt, elle entretint une collaboration fructueuse et une fidèle amitié. « Un cerveau de philosophe et des doigts d’artiste », disait d’elle Liszt, qui lui dédia sa 3e valse de Méphisto. Elle fut la première à jouer l’intégrale de ses œuvres pour piano (1892), ainsi que l’intégrale des sonates de Beethoven (1893). À partir de 1894, sous l’influence de Liszt, elle se consacra à des recherches sur la pédagogie du piano et développa une conception nouvelle de l’enseignement de cet instrument : en réaction contre l’enseignement traditionnel fondé sur un travail du toucher totalement mécanique reposant sur des exercices répétitifs, Marie Jaëll en appelait, au contraire, dans l’esprit de Beethoven et de Liszt, à l’intelligence du geste, à une pleine conscience du mouvement de la main et de la sensibilité tactile. Elle publia à Paris en 1899 Le Toucher : enseignement du piano basé sur la physiologie (réédition, 1979, Association Marie Jaëll) aussitôt traduit en allemand par Albert Schweitzer ©, alors son élève. Ses recherches, qui s’élargirent, l’amenant même à suivre des cours de physique, de biologie, de mathématiques à la Sorbonne, aboutirent à la publication de nombreux ouvrages théoriques accueillis avec faveur par le monde musical. Sensibilité frémissante, travailleuse infatigable, Marie Jaëll vécut ses dernières années dans son appartement de l’avenue de la Muette sans cesser de publier, d’enseigner, et de donner des auditions au cercle de ses amis et de ses élèves. L’École Marie-Jaëll continue aujourd’hui de transmettre un enseignement qui est loin d’avoir épuisé toute sa richesse et qui considère la pédagogie musicale comme inséparable d’un véritable humanisme. La Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg conserve une collection de papiers personnels de Marie Jaëll (lettres, manuscrits, journal inédits, etc) qui lui ont été remis par Mlle Hélène Kiener, fille de sa cousine germaine. Une plaque commémorative a été apposée en 1966 sur sa maison natale de Steinseltz. Une rue porte son nom à Strasbourg-Robertsau.

Un nouvel état de conscience : la coloration des sensations tactiles, Paris, 1910 (réédition, 1980, Association Marie Jaëll) ; Le mécanisme du toucher : l’étude du piano par l’analyse expérimentale de la sensibilité tactile, Paris, 1897 (réédition, 1982, Association Marie Jaëll). Marianne et Katia Labeque ont enregistré les Valses pour piano à 4 mains de M. Jaëll à Strasbourg, le 10 juin 1979.

J. Bosch, « Über Klavierspiel und Tonbildung nach Marie Jaëlls Lehrweise », Zeitschrift der internationalen Musikgesellschaft 4, 1902-1903 ; A. Oberdoerffer, Nouvel aperçu historique sur l’état de la musique en Alsace 1840-1913, Strasbourg, 1914, p. 39 ; A. Siegfried, Funérailles de Madame Marie Jaëll le samedi 7 février 1925. Paroles prononcées, s.l.n.d. ; idem, « Marie Jaëll, un être extraordinaire », Saisons d’Alsace, 1951, n° 3, p. 293-294 ; J. Chantavoine, « ne amitié alsacienne. La correspondance d’Edouard Schuré et de Marie Jaëll », Saisons d’Alsace, 1951, n° 1, p. 57-73 et n° 3, p. 287-293; H. Kiener, Marie Jaëll 1846-1925 : problèmes d’esthétique et de pédagogie musicales, Paris, 1952 (réédition 1978) ; Die Musik in Geschichte und Gegenwart VI, Kassel, 1957, c. 1660-1663 (importante bibliographie); Riemann Musik-Lexikon I, Mayence, 1959, p. 864 ; Catalogue de l’exposition Marie Jaëll, BNUS, Strasbourg, 1967 ; R. Delage, « Trois figures de musiciens contemporains. II. Marie Jaëll » La Musique en Alsace, 1970, Strasbourg, p. 287-306 (portrait); M. Lang, Bibliographie de l’histoire de la musique en Alsace, Strasbourg, 1970, n° 907, 908, 909 ; O.H. Bertrand, Liszt et la pédagogie du piano: essai sur l’art du clavier selon Liszt, Issy-les-Moulineaux, 1978, p. 52-55 ; R. Minder, « Une certaine Marie Jaëll 1846-1925 », Cahiers Albert Schweitzer 39, 1979, p. 13-14 (portrait) ; Collection Marie Jaëll, Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, inventaire établi par Madeleine Lang, Strasbourg, 1980;  The New Grove Dictionary of Music and Musicians IX, Londres, 1980, p. 461-462 (bibliographie importante) ; M. -CI. Frenea, La musique et la psychophysiologie : exposé, Paris, 1981 (Association Marie Jaëll) ; A. Schweitzer, « Albert Schweitzer, cobaye de Marie Jaëll », Cahiers Albert Schweitzer 45, 1981, p. 15-16 ; R. Delage, « Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg, Section des Alsatiques : collection Marie Jaëll, pianiste, compositeur, auteur 1846-1925. Inventaire établi par Mad. Lang, » Strasbourg 1980, Revue de musicologie 67, 1981, p. 261-262 ; Encyclopédie de l’Alsace, VII, 1984, p. 4301 ; M. Honegger, Dictionnaire de la musique, I, Paris, 1986, p. 615 ; Dictionnaire de biographie française, 1990, 367 ; Th. Klipffel, « Marie Jaëll-Trautmann (1846-1925). Une artiste alsacienne de renommée européenne », L’Outre-Forêt 73, 1991, p. 16-23, portraits.

Jean Happel (1992)