Théologien, (Pl) (* Strasbourg 4.12.1751 † Strasbourg 27.5.1831). Fils d’Isaac Haffner (1715-1796), huissier, et de Suzanne-Catherine Graffenauer (†1755), fille de Jean Sigismond Graffenauer, orfèvre. ∞ 5.4.1791 à Strasbourg Catherine Marguerite Kratz, fille de Jean Kratz, médecin, et de Suzanne Salomé Boehm. Études au Gymnase, puis à l’Université de Strasbourg de 1766 à 1776: lettres et théologie, puis séjour prolongé à Goettingen (1776) et à Leipzig (1777), où il subit l’influence du prédicateur rationaliste d’origine suisse Georg Joachim Zollikofer. Il séjourna à Paris pour se familiariser avec la langue française (1779). En 1780, il entra au service de l’Église, où sa carrière fut aussi rapide que brillante. La même année, il devint vicaire, puis prédicateur français à Saint-Nicolas de Strasbourg. À partir de 1782, il dirigea en même temps le collège Saint-Guillaume. En 1788 il fut nommé Freiprediger (prédicateur libre). Il s’engagea en même temps dans une carrière universitaire et devint successivement docteur en philosophie (1782), en théologie (1784). En 1788, il fut nommé professeur à la faculté de Théologie où il enseigna à la fois le Nouveau Testament, la dogmatique et l’histoire des dogmes. Lors de la Révolution, il fut, à l’image de la plupart des intellectuels protestants, favorable aux réformes légales. Mais lors de la vague de déchristianisation, il refusa d’abjurer. Déclaré suspect par les Jacobins, il fut incarcéré le 23 novembre 1793 au Grand Séminaire, où il passa dix mois en compagnie d’autres théologiens. Il a laissé des témoignages émouvants de foi et de courage sur cette période, publiés dans ses Festpredigten (1801) et dans Wofür ich Gott danke. Cette attitude ferme lui valut par la suite un prestige réel. En 1795, il reprit ses activités pastorales à Saint-Nicolas et se préoccupa de la réorganisation des églises d’Alsace. Il est à l’origine d’un plan d’organisation (plan Haffner), jugé par certains trop hiérarchique et trop ecclésiastique, qui contribua à diviser les intellectuels protestants jusqu’après 1802 au sujet de l’élaboration et de la mise en place des Articles organiques de 1802. En 1804, il devint le premier inspecteur de l’inspection Saint-Thomas(1804-1831), et en 1816, il succéda à Blessig au directoire de l’Église de la Confession d’Augsbourg, ce qui lui permit jusqu’à sa mort de peser fortement sur la nomination et les mutations des pasteurs. En 1803, il fut nommé professeur à l’Académie protestante lors de sa création, puis, en 1819, doyen de la faculté de Théologie au moment de sa reconstitution, fonction occupée jusqu’à sa mort. Haffner fut un prédicateur distingué, mais qui malgré sa forme simple s’adressait davantage à une élite intellectuelle. Il a été président de la Société biblique. Esprit très cultivé, il laissa une bibliothèque de 30000 volumes souvent annotés de sa main. Dans ses publications, il stigmatise l’impiété et la superstition. Fortement marqué par le rationalisme des Lumières, il considère la raison «comme une intuition des lois profondes de la vie». «Ce qu’il nommait la Raison s’apparentait au sentiment de Rousseau, au sens moral de Voltaire, à la raison pratique de Kant». Il a bénéficié d’un rayonnement considérable, attesté par les témoignages surabondants à l’occasion du cinquantenaire de son ministère (1830). Il a largement contribué comme «patriarche du protestantisme alsacien» à diffuser un libéralisme fade et moralisant, qui a affaibli la vitalité spirituelle et la pratique religieuse dans la majeure partie des paroisses alsaciennes.
Il a publié des écrits de circonstance tels que De l’éducation littéraire. Essai sur l’organisation d’un établissement pour les hautes sciences (1792), Des secours que l’étude des langues, de l’histoire, de la philosophie et de la littérature offrent à la théologie (1804), ainsi que divers recueils de sermons tels que Predigten und Homilien, 2 vol., 1823 et 1826, et des prédications isolées.
Catalogue systématique de la bibliothèque de feu M.Isaac Haffner, Strasbourg, 1832; J. F. Bruch, Kindheit und Jugenderinnerungen, Strasbourg, 1889; Ch. Th.Gerold, Geschichte der Kirche St. Nicolaus in Strassburg, Strasbourg, 1904; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 1, 1909, p. 686-687; Ch. Th.Gerold, La Faculté de théologie et le Séminaire protestant de Strasbourg (1803-1872), Strasbourg-Paris, 1923; A. Salomon, «Wofür ich Gott danke (texte inédit)», Revue d’histoire et de philosophie religieuses, 3, 1923, p. 534-558; E. Staat, Catalogue raisonné des bibliothèques Ed. Blindt de Strasbourg et I. Haffner (1751-1831), Paris, 1931; L. P. Horst et H. Strohl, Discours prononcé le29 novembre 1931… pour commémorer le centenaire de la mort de Isaac Haffner, Strasbourg, 1932 (avec liste des œuvres); H. Strohl, Le Protestantisme en Alsace, Strasbourg, 1950, p. 379-383; Bopp, Die evangelischen Geistlichen in Elsass-Lothringen, 1959, n°1934, p. 210; Neue Deutsche Biographie, VII, 1966, p. 462; M. Scheidhauer, Les Églises luthériennes en France 1800-1815: Alsace-Montbéliard-Paris, Strasbourg, 1975; Encyclopédie de l’Alsace, VI, 1984,3644; Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, L’Alsace, sous la dir. de B. Vogler, Paris, 1987, p. 184-185.
Bernard Vogler (1989)