Prêtre, journaliste, député, (C) (* Hirsingue2.12.1870 † Colmar 11.5.1932). Fils de François Pierre Haegy, agriculteur, et d’Anne Marie Holler, fille d’un meunier de Werentzhouse. Famille d’agriculteurs aisés. Après des études primaires à Hirsingue, Haegy suivit l’enseignement de l’école de latin de son oncle, le chanoine Joseph Haegy, curé de Rouffach (1881-1884). Il poursuivit ses études au petit séminaire de Zillisheim (1884-1887), puis au Grand Séminaire de Strasbourg (1887-1892), où il eut comme condisciples Ignace Fahrner ©,Joseph Gass ©, Charles Sipp © et Denys Will©. Au Grand Séminaire, il participa aux activités du Cercle Saint-Thomas et du Cercle des œuvres où il s’initia à la «question sociale». Il compléta sa formation supérieure aux universités de Munich (1892-1893) et de Wurtzbourg (1893-1896). À Wurtzbourg, il fut l’élève du célèbre apologiste Hermann Schell, un des représentants du Reformkatholizismus, qui publiait alors ses œuvres les plus marquantes. Haegy soutint une thèse de doctorat en théologie, en mai 1896, sur Leben, Schriften, Lehre des Methodius von Olympus. Au cours de ce séjour en Allemagne, Haegy adhéra à la corporation catholique étudiante Unitas et entra en contact avec le Zentrum allemand. Ordonné prêtre le 10août 1895, il fut nommé vicaire à Thann, le 24 mai 1896, en attendant qu’une chaire se libérât au Grand Séminaire. Collaborateur du Mülhauser Volksblatt, interdit en mars 1897, il devint rédacteur en chef du nouveau quotidien catholique de Mulhouse, l’Oberelsässische Landeszeitung, le 1er mai 1897. L’œuvre de Schell ayant été mise à l’index en 1898, l’évêque de Strasbourg renonça à lui confier une chaire d’exégèse au Grand Séminaire. Haegy resta ainsi journaliste jusqu’à sa mort. En juillet 1900, il prit la direction de l’Elsàsser Kurier à Colmar, fonction qu’il assura jusqu’en 1932. En 1918, il devint président de la Société d’édition de la Haute-Alsace, le principal groupe de presse catholique d’Alsace. À côté d’une activité journalistique intense, Haegy joua également un rôle d’éducateur. En 1898, il créa dans la paroisse Sainte-Marie de Mulhouse le premier Cercle d’études sociales (Diskutierklub), qui s’adressait à l’élite des jeunes ouvriers et servit de modèle dans toute l’Alsace. Les premiers dirigeants du syndicalisme chrétien de Haute-Alsace, Jean-Baptiste Gsell, Joseph Joos ©,Franz Fischer © et Camille Bilger © y furent formés. Haegy établit très tôt des relations étroites avec la Centrale sociale de Moenchen-Gladbachen Rhénanie, où il envoya de nombreux jeunes en stage de formation. En 1919, après la rupture des relations avec Moenchen-Gladbach, il créa des «Cours chrétiens sociaux de vacances» pour y former les futurs responsables catholiques aux problèmes sociaux. Le journalisme et l’action sociale menèrent Haegy à la politique. De sa première éducation, il garda toujours le souvenir de la protestation contre l’annexion. Il insistait sur la nécessité de défendre l’«âme alsacienne» qui, pour lui, était imprégnée par le christianisme, élément essentiel du particularisme alsacien. Comme Wetterlé ©, avec qui il entretint de bonnes relations, il fut très tôt partisan de la «démocratie chrétienne» et suivit avec intérêt le mouvement du Sillon de Marc Sangnier. Mais sa conception de la démocratie chrétienne fut toujours cléricale. Pour lui, la démocratie devait être un instrument de conservation ou de restauration de la société chrétienne en Alsace. Sa conception démocratique de l’organisation sociale et politique fit qu’il se prononça très tôt pour la création d’un parti catholique de masses. Ses élèves furent à l’origine du Zentrumsverein de Mulhouse; il participa à la création du Zentrumsverein de Colmar en 1905, et en fut successivement secrétaire, vice-président (1912), puis président(1914). Il était, cependant, hostile à un ralliement trop précoce au Zentrum allemand et se prononça pour la création d’un Centre Alsacien-lorrain en 1906. Haegy fut élu conseiller général du canton de Hirsingue en 1906. Dans le débat sur le projet d’autonomie de l’Alsace-Lorraine en 1911, il adopta une attitude intransigeante, exigeant pour l’Alsace-Lorraine le statut de Bundesstaat, et se prononça pour la rupture avec le Zentrum allemand, dès l’instant où celui-ci approuva un projet d’autonomie restreinte. Lors des élections au Landtag d’Alsace-Lorraine, en 1911, il soutint le Nationalbund lancé par Wetterlé ©, Blumenthal© et Preiss ©. Battu par le socialiste Peirotes© à Colmar, lors des élections au Reichstag de1912, il fut élu dans la circonscription de Sélestat,lors d’une élection complémentaire, à la fin de l’année. Au Reichstag, il se fit l’ardent défenseur des intérêts alsaciens-lorrains. En 1913 et 1914,il participa aux conférences interparlementaires de Berne et de Bâle en faveur de la paix. Malgré son âge et ses fonctions de député, Haegy fut incorporé sous les drapeaux, en 1916, pour l’éloigner d’Alsace. Le 25 octobre 1918, il fut le dernier Alsacien-Lorrain à prendre la parole au Reichstag et condamna la tentative allemande de sauvetage du ministère Schwander © – Hauss ©. À partir de 1918-1919, Haegy devint l’une des principales figures de la vie politique alsacienne, exerçant une sorte de magistère moral, contesté par les uns, respecté par les autres. Président et directeur politique de la Société d’édition de Haute-Alsace, il participa activement à la reconstitution d’un parti catholique alsacien, l’Union Populaire Républicaine (UPR). De mai 1922 à 1932, il fut membre du Comité directeur du nouveau parti. De 1919 à 1932, il fut conseiller général pour le canton de Neuf-Brisach et siégea de 1920 à1924 au Conseil consultatif d’Alsace et de Lorraine. Il fut le premier, en février 1919, à s’élever contre les méthodes assimilatrices de l’administration française et les atteintes à la confessionnalité des écoles. Dès lors, sa politique fut déterminée par la volonté de défendre les traditions et les institutions religieuses et scolaires d’Alsace. Il estimait que des institutions régionales en étaient la meilleure garantie et créa, en 1921,une revue mensuelle, Die Heimat, pour y défendre un régionalisme qui allait au-delà d’une simple décentralisation administrative. Au sein de l’UPR, il eut constamment le souci d’éviter les heurts entre la tendance «autonomisante» et la tendance «nationale». C’est pourquoi il refusa, en juin 1926, de participer au Heimatbund qui préconisait une très large union des milieux régionalistes et autonomistes. Il ne se résigna à la scission de l’UPR qu’après les élections législatives d’avril 1928 et le procès de Colmar de mai 1928. Il se rallia alors à une politique de Volksfront, c’est-à-dire d’alliance avec les partis autonomistes, afin de défendre le particularisme alsacien. En 1929, il échoua aux élections sénatoriales complémentaires du Haut-Rhin contre le député Pfleger.
État-civil de Hirsingue et de Colmar; «Zum 60. Geburtstagdes Herausgebers, Abbé Dr. Xavier Haegy», Die Heimat, novembre-décembre 1930; Im Dienst der Kirche und des Volkes. Festschrift zum 60. Geburtstag des H. Abbé Dr. Xavier Haegy, Colmar, 1930, portraits; C. Didio, «Dr.X. Haegy», Die Heimat, mai 1932; Abbé Dr. XavierHaegy: Eine Sammlung von Zeit-und Lebensbildern, Colmar, 1932; Biographisches Staatshandbuch, Berne,I, 1959-1960, p.448; Ch. Baechler, Le parti catholique alsacien (1890-1939). Du Reichsland à la République jacobine, Paris-Strasbourg, 1982; «Der Elsaesser AbbéXavier Haegy (1870-1932)», L’abbé Xavier Haegy (1870-1932). Une politique au service de l’Église et du peuple alsacien», Archives de l’Église d’Alsace, 1984, p. 287-339; Dictionnaire de biographie française, XVII, 1986, 483-484; Dictionnaire du monde religieux dans la France contemporaine, L’Alsace, sous la dir. de B. Vogler, Paris, 1987, p. 179.
Christian Baechler (1989)