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HAAGEN Eugen

Universitaire, (P) (* Berlin 17.6.1898 † Berlin 3.8.1972). Docteur en médecine (1924), assistant à Berlin (1925). Haagen partit en mission aux États-Unis (1928-29), fut détaché à la Fondation Rockefeller de New-York (1930- 1932) où il fut le premier à cultiver le virus de la fièvre jaune. Membre des services d’hygiène du Reich, il fut chef du laboratoire pour la recherche expérimentale cellulaire et virologique (1933). Professeur à l’Institut pour maladies contagieuses Robert Koch de Berlin (1935) lié à l’Institut Pasteur de Paris, membre de la commission du Reich contre le cancer (1935), hygiéniste auprès de la Luftwaffe (1939). Nommé à la faculté de Médecine de la Reichsuniversität de Strasbourg (1942), professeur titulaire d’hygiène et de bactériologie (1943), directeur de l’Institut d’hygiène. Membre du NSDAP (1937), il n’appartint ni aux SA ni à la SS. Son indépendance et sa renommée scientifique lui permirent de n’appartenir pas non plus au Forschungsinstitut dirigé par Bickenbach © et à l’Institut fu?r wehrwissenschafliche Zweckforschung, dirigé par Hirt © en liaison avec l’institut Ahnenerbe. Pourtant, tout comme ses deux confrères, il pratiqua des expérimentations médicales sur l’homme en utilisant les détenus du camp de concentration de Natzwiller (Struthof) comme cobayes. Éminent chercheur (il signa 66 publications), il développa, avec Gildemeister, le vaccin de Cox contre le typhus, désormais appelé «vaccin de Cox-Haagen-Gildemeister»: cette découverte lui valut d’être inscrit sur la liste des candidats au prix Nobel (1938). Insatisfait de son vaccin qui est pourtant toujours en usage actuellement, il profita de la crainte des autorités nazies qu’une épidémie de typhus se répandit en Allemagne par l’intermédiaire des prisonniers de guerre et des détenus des camps, pour reprendre et développer ses travaux. Les premières expérimentations eurent lieu en mai 1943 au camp de redressement de Schirmeck sur 28 détenus polonais renvoyés ensuite au camp de concentration de Natzwiller. Elles firent deux morts. D’autres expérimentations commencèrent le 27 janvier 1944, portant sur 80 détenus tziganes en provenance d’Auschwitz: au moins 29 cas de décès furent enregistrés, et les autres endurèrent d’atroces souffrances. Une troisième série fut prévue pour le début de l’automne 1944, mais ne put avoir lieu à la suite du bombardement d’une partie de son laboratoire à Strasbourg en septembre 1944. Les expériences de Haagen, sur des sujets très fragilisés par la vie du camp, vivant dans un milieu clos et dépourvu d’hygiène, furent probablement responsables de l’épidémie de typhus qui se répandit dans le camp entre avril et juin 1944. En septembre 1944, Haagen quitta Strasbourg et installa son laboratoire à Iéna. Il fut fait prisonnier par les Américains. Libéré en juin 1945, il accepta la proposition des Soviétiques d’ouvrir un laboratoire sur les virus à Berlin. Arrêté à nouveau alors qu’il se trouvait en secteur ouest (1946), il témoigna au tribunal international de Nuremberg. Livré aux Français (1947), condamné aux travaux forcés à perpétuité par le Tribunal militaire de Metz (1952), il fut libéré en 1955. De retour en Allemagne, Haagen obtint un poste de recherche sur les pathologies virales des animaux à Tu?bingen. Il revint à Berlin (1965) et publia un ouvrage sur les maladies virales de l’homme. Lorsqu’il était incarcéré, il clama: «Sans ces Français qui me retiennent prisonnier, je serais Prix Nobel!».

R. Steegmann, Le KL-Natzweiler et ses kommandos, thèse de doctorat en histoire, Université Marc Bloch, 2003, volume 4, et volume 7 pour la bibliographie plus complète; R Wechsler, La Faculté de médecine de la Reichuniversität Strassburg (1941-1945), thèse de doctorat en médecine, Université Louis Pasteur, 1991.

Robert Steegmann (2010)