Moine, historien et poète, qui vécut dans le dernier quart du XIIe siècle et au début du XIIle. On n’est renseigné ni sur ses origines – on sait seulement qu’il était allemand -, ni sur ses lieux et dates de naissance et de mort. Entré dans le clergé séculier et possédant des connaissances littéraires très développées, il devint écolâtre (d’où l’épithète scholasticus qui lui est souvent donnée) en un lieu qu’on ne saurait préciser avec certitude, puis, renonçant à cette fonction, se fit moine cistercien et appartint en cette qualité à l’abbaye cistercienne de Pairis près d’Orbey, d’où l’épithète Parisiensis. Il y écrivit, vers 1206-1208 semble-t-il, le De expugnatione urbis Constantinopolitane unde inter alias reliquias magna parssancte crucis in Allemanniam allata est, ouvrage portant aussi le titre un peu abusif d’Historia Constantinopolitana. L’auteur, parfaitement renseigné par Martin, abbé de Pairis, raconte la participation de ce dernier à la quatrième croisade qui, détournée de Jérusalem, son but premier, aboutit en 1204 à la prise de Constantinople et à la fondation de l’empire latin de Constantinople. Martin avait rapporté de cette expédition de très précieuses reliques et avait joui d’une grande autorité auprès des croisés allemands. Aussi le récit de Gunther constitue-t-il une œuvre historique de premier ordre. En outre Gunther termine chacun des vingt-cinq chapitres par un poème religieux adapté à la narration et témoignant d’un rare talent. Gunther de Pairis pourrait être identique à Guntherus, auteur de deux récits épiques, le Solymarius et un des chefs-d’œuvre de la littérature latine du Moyen Age, le Ligurinus. Le Solymarius (sous-entendre Liber), c’est-à-dire le «Livre de Jérusalem», était essentiellement la mise en vers de l’Historia Hierosolymitana de Robert de Saint-Remi de Reims, une histoire de la première croisade. De ce poème écrit vers 1180-1186 et dédié par Guntherus à Conrad, un fils de Frédéric Barberousse, il ne subsiste qu’un fragment de 232 vers. Quant au Ligurinus (sous-entendre Liber), c’est-à-dire le «Livre de Milan», il s’agit d’un brillant panégyrique, long de 6577 hexamètres, de l’empereur Frédéric Barberousse dont il raconte les hauts faits de la période 1152-1160 et notamment la lutte acharnée contre les Milanais qualifiés improprement de «Ligures», d’où la dé-nomination de cette œuvre. Le poète qui l’écrivit vers 1186-1187 et la dédia à l’empereur et ses fils, en puisa la matière pour l’essentiel aux Gesta Frederici d’Otton de Freising continués par Rahewin. Gunther de Pairis pourrait en outre être identique à un religieux, nommé également Guntherus, auteur d’un traité en treize livres intitulé De oratione, jejunio et eleemosyna (de la prière, du jeûne et de l’aumône). Seule la découverte de textes encore inconnus permettrait de trancher définitivement ces questions d’identité et de confirmer éventuellement l’hypothèse vraisemblable et fort séduisante selon laquelle il s’agirait d’un seul et même auteur.
Guntheri Alemanni, Scholastici et prions Parisiensis, Deexpugnatione urbis Constantinopolitana, éd. P. Riant, Genève, 1875, édition reprise dans Exuviae sacrae Constantinopolitanae, t. I, Genève, 1877, p.57-126, ouvrage traduit en allemand: E. Assmann, Gunther von Pairis, Die Geschichte der Eroberung von Konstantinopel (Geschichtsschreiber der deutschen Vorzeit, t. 101), 1956; Gunther der Dichter, Ligurinus, éd. E. Assmann, Scriptores rerum Germanicarum in usum Scholarum, Hanovre, 1987, 648p., ouvrage traduit en allemand: Th. Vulpinus, Der Ligurinus Gunthers von Pairis im Elsass, Ein Epos zum Ruhme Kaiser Rothbarts aus dem 12. Jahrhundert, Strasbourg, 1889, 173 p.; «Le Solymarius de Gunther de Pairis», éd. W. Wattenbach, Archives de l’Orient latin, t. 1, 1981, p. 551-554; Opus pulcherrimum de tribus usitatis christianorum actibus, orationevidelicet, jejunio et eleemosyna… venerabilis patris Guntheri, Migne, Patrologie latine, t. 212, p. 9722.
Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 1, 1909,p. 667; O. Schumann, «Gunther von Pairis», W. Stammler, Die deutsche Literatur des Mittelalters, Verfasserlexikon, t. II, Berlin-Leipzig 1936, col. 113-126; E. Assmann,«Bleibt der Ligurinus anonym?», Deutsches Archiv für die Erforschung des Mittelalters, t. 12, 1956, p. 453-472; Neue Deutsche Biographie, VII, 1966, p. 325; W. Wattenbach et Fr.J. Schmale, Deutschlands Geschichtsquellen im Mittelalter vom Tode Kaiser Heinrichs V. bis zum Ende des Interregnums, t. I, Darmstadt, 1976, p.71-76, avec bibliographie très complète du sujet; Encyclopédie de l’Alsace, VI, 1984, p. 3619; Bibliotheca palatina, Katalog zur Ausstellung in der Heiliggeistkirche in Heidelberg, Heidelberg, 1986, I, p. 1986.
Christian Wilsdorf (1989)