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GUÉNÉE Bernard

Professeur, membre de l’Institut, (C) (* Rennes 6.2.1927). Fils d’Ernest Guénée, ingénieur en chef des Ponts et Chaussées, délégué à la Reconstruction, et d’Antoinette Caisso. ∞ 1.4.1955 à Paris Simonne Lucas, archiviste-paléographe. Élève à l’École normale supérieure (rue d’Ulm) de 1946 à 1950, agrégé d’histoire en 1950, docteur ès lettres en 1963. Professeur au lycée de Colmar (1950-1952), pensionnaire de la fondation Thiers (1952-1955), professeur au lycée de Chartres (1955-1956), assistant à la Sorbonne (1956-1958), Bernard Guénée a succédé à Robert Boutruche dans la chaire d’histoire médiévale de l’université de Strasbourg; il l’a occupée jusqu’à sa nomination à l’Université de Paris I en 1965; depuis 1995, il a été professeur émérite de cette université. Directeur d’études à l’École pratique des Hautes Études (IVe section) depuis 1980, il est, depuis 1981, membre de l’Institut (Académie des Inscriptions et Belles Lettres). Président du Conseil d’administration de l’École des Chartes de 1988 à 1992, de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres en 1989, de la Société d’histoire de France en 1995, il a été délégué de l’Académie des Inscriptions et Belles Lettres à l’Union académique internationale de 1999 à 2003. Visiting Professor ou Fellow à Yale University (1972) à Oxford (All Souls en 1974) à Princeton (1976), il est Corresponding Fellow de la Medieval Academy of America depuis 1982, de la Royal Historical Society depuis 1987. L’œuvre que couronne en 1995 le grand prix national d’Histoire est considérable et fait de Bernard Guénée un savant dont la communauté scientifique internationale reconnaît la valeur.

Ses recherches, qui toutes explorent les derniers siècles du Moyen Âge, se sont développées dans trois directions. Sa thèse intitulée Tribunaux et gens de justice dans le bailliage de Senlis à la fin du Moyen Age (vers 1380-vers 1550), Paris, 1963, qui a valu à son auteur le premier prix Gobert de l’Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, n’étudie pas seulement le fonctionnement des institutions judiciaires mais s’attache à mettre en lumière dans sa diversité le groupe social que l’exercice de la justice fait vivre; elle montre enfin dans quel sens s’est faite l’évolution de ce «milieu concret».

Après avoir analysé dans un cadre géographique étroit les conditions d’existence d’une société, Bernard Guénée, répondant à l’invitation de Robert Boutruche, directeur de la collection Nouvelle Clio, réussit la synthèse de quelque 750 articles et livres consacrés aux problèmes politiques du Moyen Âge finissant dans l’Occident tout entier. L’Occident aux XIVe et XVe siècle. Les États, dont la première édition est sortie des presses en 1971, a été réédité six fois, traduit en espagnol, en portugais et en anglais, ce qui prouve la qualité des services que cet exposé très clair de problèmes complexes peut rendre à ses lecteurs. La curiosité de Bernard Guénée s’est tournée, dès 1970, vers l’historiographie, sans délaisser tout de suite complètement son chantier précédent, comme l’atteste le recueil d’articles publié en 1981: Politique et histoire au Moyen Âge, partagé par moitié entre l’histoire politique et l’historiographie médiévales. Mais en 1977 déjà, les travaux qu’avait accomplis sous sa direction un groupe de chercheurs et ce qu’il avait découvert personnellement ont fourni l’abondante matière d’un ouvrage intitulé Le métier d’historien au Moyen Âge. Études sur l’historiographie médiévale. Quatre ans plus tard, a paru le fruit des enquêtes et des réflexions consacrées pendant dix ans par Bernard Guénée à Histoire et culture historique dans l’Occident médiéval (réédition en 1991). Ce livre a voulu rendre justice aux historiens de cette époque trop longtemps méprisée et a montré qu’en dépit de ses inévitables faiblesses l’historiographie médiévale est solidaire de la nôtre, ne serait-ce que parce que nous lui devons notre érudition. L’expérience qu’il avait acquise en labourant l’histoire sociale, celle des idées et de leur mémoire, a permis à Bernard Guénée de reprendre l’examen des événements et de leurs acteurs et de les replacer dans une lumière nouvelle. Cette fois encore, la transition se fait sans rupture brusque. Un roi et son historien. Vingt études sur le règne de Charles V et la Chronique du Religieux de Saint-Denis (1999), et L’opinion publique à la fin du Moyen Âge d’après la chronique du Religieux de Saint-Denis (2002), ont montré ce que l’écoute attentive et intelligente d’un témoin peut nous apprendre sur son temps. Entre l’Église et l’État Quatre vies de prélats français à la fin du Moyen Âge (1987) répond aux questions que se pose l’historien à propos de l’ambition, de l’obéissance, de la peur et de la vieillesse au Moyen Âge. Enfin, si Un meurtre, une société. L’assassinat du duc d’Orléans, 23 novembre 1407 (1992), a révélé combien était précaire l’oasis de paix que représentait avant cet attentat le royaume de France et le tourbillon de malheurs qu’il déchaîna, La Folie de Charles VI le Roi Bien Aimé, 2004, nous a appris que l’exceptionnelle ferveur religieuse suscitée par la maladie royale avait donné vigueur nouvelle à cette religion royale..trait fondamental de la France moderne (p. 271). Citons encore Les Entrées royales françaises de 1328 à 1515, éditées en collaboration avec François Lehoux (1968), elles représentaient l’une des formes les plus importantes de cette religion royale ; et en collaboration avec François Avril et Marie-Thérèse Gousset, Les Grandes Chroniques de France, 1987. Il était normal que Pierre Nora ait fait appel à Bernard Guénée pour qu’il contribue à l’évocation des Lieux de mémoire (t. II, p. 6-30 et 189-214). Chevalier de la Légion d’honneur, commandeur de l’ordre national du Mérite, commandeur des Palmes Académiques.

Francis Rapp (2010)

† Paris 25.9.2010

Académie des Inscriptions et Belles-Lettres, site internet, consulté sept. 2019

Philippe Legin (septembre 2019)