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GRÜNINGER

Famille d’imprimeurs des XVe et XVIe siècles.

Johann (Reinhard)

Imprimeur, (C) (* Markgröningen, Wurtemberg, vers 1455 † Strasbourg vers 1532/33). ∞ Apollonie N.N. De cette union sont issus au moins 3 fils: Barthel, Christoph et Wolfgang, les deux premiers également imprimeurs. Dans ses premières publications, Grüninger est appelé Johannes Reynardi alias Grüninger ou magister Johannes de Grüningen ou de Greningen. On ignore où il apprit le métier d’imprimeur. Sa présence est attestée à Bâle en 1480. Le 2 octobre 1482, il acheta le droit de bourgeoisie à Strasbourg et se fit inscrire à la tribu de l’Échasse. Dès le 28 août 1483, il sortit en collaboration avec Heinrich von Ingwiller, une édition de la Historia scolastica de Petrus Comestor. L’année suivante il imprima, entre autres, la Margarita Martiniana en grand in-folio, un des plus beaux livres de l’époque. En 1487, il publia un superbe missel pour l’abbaye de Baumgarten, dont l’abbé Nicolas Widenbosch dut emprunter 70 florins pour payer les frais d’impression. Grüninger travailla alors beaucoup pour les clercs et eut avec Johann Prüss © quasiment le privilège des bréviaires et des missels dont des exemplaires furent vendus dans la plupart des diocèses allemands. Grüninger se mit par la suite aussi à imprimer des ouvrages en langue vulgaire: Dasnüw schiff von Narragonia de Sebastian Brant © (1494), des recueils de sermons de Johann Geiler © (Das schiff des heils, 1512; Predig derhimelfart Mariae, 1512), des ouvrages de médecine et de pharmacie (Das Buch der Cirurgia de Hieronymus Brunschwig ©, 1497; Das Buch derrechten kunst zu distilieren, qui connut de nombreuses rééditions; Das Buch der Gesuntheit, 1505; Ein claer bericht yetzt nüw von dem holtz Guaiaco, 1529) ainsi que des traductions d’historiens classiques (Julius der erst Romisch Keiser von seinen Kriegen erstmals usz dem Latin in Tütsch bracht, 1507 et 1508; Römische Historyvsz T. Livio, 1507; Vergilii maronis dryzehenaeneadische Bücher von Troianischer zerstörung, 1515), des traités de cosmographie (Cosmographiae introductio, 1509), des livres populaires (Ein kurtzweilig lesen von Dil Ulenspiegel, 1519; Das buch der hunderl nüwen Historien, 1519). Sur la fin de sa vie, Grüninger publia aussi des ouvrages d’alchimie (Geberi philosophi ac alchimistae maximi de alchimia libri tres, 1529et 1531). Pendant la Réforme, Grüninger continua à peu près seul à imprimer des ouvrages catholiques et eut de ce fait des ennuis avec le Magistrat, notamment après la publication du pamphlet de Thomas Murner©: Von dem grossen Lutherischen Narren (1522), qui fut confisqué. Grüninger travailla aussi pour des commanditaires étrangers, entre autres pour Martin Flach à Bâle, Peter Drach à Spire, Anton Koberger et Willibald Pirckheimer à Nuremberg. Si les livres de Grüninger, notamment après 1500, manquent parfois de soins – fautes typo-graphiques, pagination défectueuse, papier de mauvaise qualité – il n’en est pas de même de l’illustration pour laquelle il fit appel aux bois des meilleurs artistes de l’époque: Hans Baldung Grien ©, Johann Schäuffelin et Johann Wechtelin entre autres. Grüninger employa plusieurs séries d’initiales gothiques historiées et des encadrements de titres d’une rare élégance. Pour la commercialisation de ses livres, Grüninger disposait entre autres d’une boutique adossée à la cathédrale (1508-1514) et d’un dépôt de vente dans la maison zum Rüstenberg à Francfort (1531). La situationfinancière ne semble pas avoir été bonne vers la fin de sa vie, puisqu’il chargea en 1531 son fils Barthel © (Bartholomaeus) de vendre le stock de livres qu’il avait à Francfort et de remettre le produit de la vente au damoiseau Ludwig Wolf de Renchen, sans doute son créancier.

Christoph

imprimeur († v. 1533 ?). Fils de Johann ©. ∞ Clara Nagel († 1537), fille d’Andreas Nagel Qualifié dans divers documents impressor librorum, il semble avoir été l’associé de son père, probablement parce qu’il disposait de ressources personnelles, attestées en 1537 par un document concernant sa femme et ses héritiers, et par l’achat, en 1525, pour 175 florins, d’une maison avec dépendances dans la Utengasse (actuelle rue Sainte-Madeleine), jouxtant par derrière le poêle des Pêcheurs (Archives municipales de Strasbourg, Chambre des contrats t.19 f° 47 r°). G. donna en 1533 à son épouse 300 florins en douaire (Chambre des Contrats t. 30 f° 214 v° – 215 r°). En tout et pour tout, il n’imprima pour son compte personnel que Till Eulenspiegel (1531).

François-Joseph Fuchs (1989)

Bartholomaeus (Barthel)

Imprimeur signant son travail à Strasbourg de 1532 à 1538, et à Colmar de 1539 à 1543. Frère de Christoph ©. On sait très peu de choses de sa vie. Il apprit son métier en travaillant avec son père, puis prit sa relève. Depuis 1524, l’activité de l’atelier du seul imprimeur resté catholique à Strasbourg marquait un certain ralentissement. Pour faire face aux difficultés de trésorerie, Barthel tira tout le parti possible de l’héritage de son père. En 1533, il vendit, avec son frère Wolfgang, la maison de leur père. Il décida de rééditer d’abord des œuvres qui avaient été pour Johann Grüninger des succès commerciaux. Il disposait pour cela d’un important matériel en bois gravés: les illustrations, très appréciées, devaient faire oublier la qualité souvent médiocre du papier qu’il lui fallait bien employer. Ainsi parurent (1532 et1537) deux rééditions du Buch… zu distillieren de Hieronymus Brunschwick © (imprimé au moins six fois de 1505 à 1518) avec Das Buchdes Lebens (Conseils pour une longue vie) de Marsile Ficin. En 1537, ces «Conseils» parurent une deuxième fois seuls (comme déjà en 1521). Le recueil de contes et d’anecdotes du franciscain d’origine juive Jean Pauli: Das Buch Schimpff und Ernst genannt (1ère édition en 1522) fut réédité à trois reprises (1533, 1535, 1538). Reparut également en 1535 le Barbarossa de J.Adelphus, dont Johann Grüninger avait déjà demandé à Farckall en 1530 une nouvelle édition, dix ans après son propre travail. A ces «best-sellers» confirmés, Barthel joignit en 1537 la reprise (J. G.1500 et 1508) de Eyn Schöne unnd warhaffte History von… Hugen Schappier (= Hugues Capet) avec 40 gravures sur bois. Cette traduction d’unrécit en français par Élisabeth de Lorraine, comtesse de Nassau est le premier roman en prose allemande. En 1538, il réédita un petit traité du médecin colmarien Lorenz Fries © sur le thermalisme (1ère édition en 1519). Cinq écrits, que n’avait pas publiés Joh. Grüninger complètent la production strasbourgeoise de Barthel: trois manuels pratiques; Laurent Fries, Synonima (liste de termes médicaux en hébreu, grec, arabe, latin et langues germaniques) (1535); Uldarichus Regius, Utriusque arithmetices epitome, Abrégé d’arithmétique (1536); et Die alten weysen Apophthegmata sapientium, traduits en allemand (1536); enfin deux écrits pour la distraction du lecteur, la traduction d’un roman: Ein schöne hystori (de l’empereur Octavien) (1536) et un dialogue sur l’art de boire par Léonard Schertlein: Künstlich trincken. Ritter signale que «la firme Grüninger fut dissoute en 1538». Barthel alla se réinstaller à Colmar avec le matériel dont il avait besoin, mais un petit nombre de bois gravés. Par l’exemple de Farckall, qui n’avait pas été remplacé, il pouvait supposer qu’une imprimerie y trouverait des conditions favorables, et un client, qui serait aussi un protecteur, se présentait en la personne de Hieronymus Boner, obristmeister de Colmar (= maire), auteur de traductions de textes anciens à partir du latin,original pour les écrivains romains, mais en traduction pour les Grecs. Négligeant ce que ses succès antérieurs devaient aux techniques commerciales de l’éditeur Steyner d’Augsbourg, très sûr de lui, Boner se cherchait un éditeur, à qui il imposerait ses vues. Tout se passa bien pour la traduction de la Chronica de Paul Orose (1539, automne) et un opuscule du médecin Sébastien Austrius de Rouffach: Ein gemein regiment… der gesuntheit, (Comment se maintenir en bonne santé, 1539). L’importance réduite de la production en 1540: …von dem verloren Son… jeu dramatique de G. Wickram interprété par des bourgeois de Colmar pour la Pentecôte de 1540, et la traduction latine de la Missa D. Joannis Chrysostomi, donnée par Erasme, s’explique facilement: Barthel préparait la grande édition de Plutarque traduit par Boner, qui parut le 29 mars 1541. Boner entendait donner des Vies parallèles, une édition unique, illustrée, de 1500 exemplaires (chiffre très supérieur aux tirages habituels des ouvrages de ce genre): Von den leben…der Griechen und Römer. Chaque volume se vendrait un florin, assurant un beau bénéfice: le devis d’imprimerie s’élevait à près de 900 florins. Le Magistrat de Colmar, convaincu par l’obristmeister, avança une bonne partie de l’argent nécessaire. La méconnaissance des règles du marché du livre et les illusions de Boner apparurent avec les résultats de 1542, après les foires de Francfort: il restait 1352 volumes à vendre. Des presses de Barthélémy Grüninger sortit cette année-là une seule brochure de 48 pages de G. Maler: Kurtz Regiment… der pestilentz. L’activité sembla reprendre en 1543: Barthel publia trois œuvres religieuses catholiques, dont d’Ambroise Kempff, Evangelien und Epistlen de près de 300 feuillets in-folio (20 mai 1543). Grâce à un recueil d’Eguenolphe de Ribeaupierre, il existe à la Bibliothèque municipale de Colmar l’unique exemplaire d’un écrit de Jean Hoffmeister, prieur des Augustins de Colmar, ayant échappé à la confiscation ordonnée par le Magistrat de la ville: Warhafftige Entdeckung und widerlegung deren artickel die M. Luther auff das concilium zu schicken…für genommen. Publié sans nom d’imprimeur, mais imprimé avec le matériel de B. Grüninger, avec un avertissement au lecteur du 7 juillet 1539 à Colmar, cet écrit de polémique à propos du Concile déplaisait, entre autres raisons, par son auteur, qui s’était opposé à un édit sur les couvents de la ville, pris en 1538, alors que Boner était Schultheiss. La confiscation confirmée fut une perte sèche pour l’imprimeur et rien ne permit de la compenser. En 1543, pour rembourser la ville de l’argent engagé pour le Plutarque, les biens de B. Grüninger furent confisqués. Il quitta Colmar. Nul ne sait ce qu’il devint.

Lina Baillet (1989)

Archives municipales de Strasbourg, Chambre des Contrats t. 25 f° 329 r° et feuillet intercalé, t. 27 f° 88 v° – 89 r°, t. 28 f° 98 v°, t. 30 f°214 v°-215 r°, t. 33 f° 288 v° et ft intercalé, Série VII,1436 f° 47 r°; Archiv für Geschichte des deutschen Buchhandels, 1880, 5e livraison; A. Seyboth, Das alte Strassburg, Strasbourg, 1890, p. 48, 149, 202; Ch. Schmidt, Répertoire bibliographique strasbourgeois, I, Strasbourg,1894; P. Heitz, Zierinitialen in Drucken des Johannes Grüninger (1483-1531) und des Johannes Herwagen (1522-1528), Strasbourg, 1897; K. Sudhoff, «Die Herkunftdes Strassburger Druckers Johann Grüninger», Zeitschriftfür Bücherfreunde n° 4, 1900-1901, p. 440; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 1, 1909,p. 654-656; H. Römer, «Hans Grüninger und die Buchdruckerfamilie Reinhard aus Markgröningen», Markgröningen im Rahmen der Landesgeschichte I, 1933, p.277-331; W. Cohn, Einblattdrucke der Strassburger Druckerei Johann Grüninger, Strasbourg, 1937 (Einblattdrucke des 15. Jhr, 92); J. Daillon, «Jean Grüninger,imprimeur éditeur à Strasbourg», Arts et métiers graphiques n° 65, 1938, p. 41-46; F. Heitz, «Jérôme Boner, humaniste, diplomate et maire de Colmar», Annuaire de Colmar, 1938; A. Hartmann, Die Amerbachkorrespondenz I, Basel, 1942, p. 66, 83, 117, 303, 404; F. Ritter, Histoire de l’imprimerie alsacienne aux XVe et XVIesiècles, Strasbourg, 1955, p. 81-110, 416-420; F. Ritter, Répertoire bibliographique des livres imprimés en Alsace, t. Il et IV, Strasbourg, 1960; British Museum, Short title catalogue of books printed in the German speakingcountries… from 1455 to 1600, Londres, 1962; Neue Deutsche Biographie, VII,1966, 200-202; L. Baillet, Répertoire des livres imprimés en France au XVIe siècle, Baden, 1968, n° 44: Colmar; F.-J. Himly, Atlas des villes médiévales d’Alsace, Strasbourg, 1970, p. 42; L. Baillet, «Un complément à labibliographie de la ville de Colmar d’André Waltz,(1902), Livres du XVIe siècle», Annuaire de Colmar, 1975-1976; J. Benzing, Die Buchdrucker des 16. Und 17. Jahrhunderts im deutschen Sprachgebiet, 2. Aufl.,Wiesbaden, 1982, p. 75, 437, 443; M. Usher-Chrismann, Bibliography of Strasbourg imprints 1480-1599, Yale, New Haven, London, 1982, p. 402-403; id., Layculture, learned culture, Books and social change in Strasbourg 1480-1599, Yale, New Haven, London,1982, p. 396; J. Muller, Bibliographie strasbourgeoise, Bibliographie des ouvrages imprimés à Strasbourg auXVIe siècle, Baden-Baden, 1986, t. Il, p. 22-50, 345, t.III, p. 391-392.

Lina Baillet et François-Joseph Fuchs (1989)