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GRANDIDIER Philippe André

Historien, archiviste, (C) (★ Strasbourg 29.11.1752 † Lucelle 11.10.1787). Fils d’Antoine Grandidier ©. Grandidier fréquenta le collège des Jésuites à Strasbourg de 1762 à 1768; en 1768, il s’inscrivit à l’Université épiscopale de Strasbourg, poursuivit ses études en 1768/69 à Nancy pour les continuer en novembre 1769 à Strasbourg, où il reçut à la fin de cette même année les quatre ordres mineurs. En août 1770, Grandidier obtint le grade de magister artium de l’Université épiscopale. Puis il commença ses études théologiques, mais déjà à cette époque sa prédilection allait à l’histoire. En 1771, il entra au séminaire épiscopal de Strasbourg. À partir de 1772, il suivit de très près l’histoire de son évêché, ce qui lui permit de présenter au cardinal Constantin de Rohan en août 1773 son projet d’écrire une histoire de l’Église de Strasbourg. Le prince-évêque le prit comme secrétaire archiviste et exempta le jeune savant de sa quatrième année d’études théologiques. En contrepartie, le jeune archiviste suivit des cours à la faculté de Droit de l’Université protestante en 1774 (probablement chez Koch). Cette année-là, il accompagna le cardinal de Rohan dans un voyage à travers la Suisse, grâce auquel il put visiter des bibliothèques et quelques archives de ce pays et faire la connaissance d’érudits suisses comme J. R. Sinner à Berne. En septembre 1774, Louis XVI nomma Grandidier chanoine brevétiaire du chapitre royal de Haguenau et le 10 juin 1775 Grandidier fut ordonné diacre. Celui qui a le plus contribué à former le jeune Grandidier fut certainement le suffragant Toussaint Duvernin ©. Outre le voyage en Suisse, Grandidier entreprit plusieurs voyages littéraires en Alsace et dans les pays voisins (1784, 1786 et 1787). En 1776 et 1778, Grandidier publia les deux premiers volumes de son Histoire de l’Église et des évêques-princes de Strasbourg, jusqu’à la fin de l’époque carolingienne. Cet ouvrage, où apparaît tout le sens critique propre à Grandidier, fut accueilli très favorablement par le public érudit. Grandidier entra ainsi dans le monde de l’Europe savante et reçut dès lors les diplômes de 24 académies et sociétés savantes en France, Allemagne, Italie, Suède et Suisse (entre autres : Paris, Académie des inscriptions et belles lettres, Dijon, Besançon, Nancy, Arras, Munich, Mannheim, Erfurt, Homburg, Stockholm, Bâle, Zurich, Rome). De plus, il poursuivit une vaste correspondance scientifique non seulement avec les membres des académies en question mais aussi avec d’importants savants de l’époque. Soutenu par son ami «paternel » le baron de Zurlauben, il noua des contacts avec le cabinet des chartes de Moreau à Paris, qu’il associa avec le centre de recherches des bénédictins allemands de Sankt Blasien autour du personnage de Gerbert von Hornau et conçut le projet d’une coopération étroite entre eux. Grandidier joua un rôle important dans les échanges scientifiques franco-allemands. Mais la mort de son protecteur, le cardinal Constantin de Rohan, survenue en mars 1779, changea totalement sa situation. Après l’incendie du château épiscopal de Saverne, le nouveau prince-évêque, Louis de Rohan, ne montra plus d’intérêt pour ses recherches et ses travaux. Grandidier se vit obligé en 1780 d’arrêter son Histoire de l’Église et des évêques-princes de Strasbourg dont les volumes 3 et 4 étaient bien avancés, mais personne ne se montra disposé à payer l’impression. Grandidier entra dans une période de crise ; il eut dans l’entourage du nouvel prince-évêque des ennemis qui lui envièrent son succès et lui reprochèrent des positions trop hardies. En effet, Grandidier avait critiqué certaines traditions légendaires (Vies de saints) et se montra « philosophe chrétien », ce qui ne fut pas du goût de ses adversaires. Lorsqu’il démontra dans ses Essais historiques et topographiques sur l’église cathédrale de Strasbourg, 1782, l’un des premiers les liens qui existaient entre les anciennes confréries des tailleurs de pierres et des francs-maçons, on le soupçonna d’être lui-même franc-maçon. Il figure dans la liste des membres de la société secrète des Philanthropes en 1775. Autour de 1784, Grandidier, ayant surmonté sa crise, prépara avec beaucoup d’enthousiasme un nouveau grand ouvrage, son Histoire de la Province d’Alsace. C’est là aussi qu’il noua avec la tradition de Schoepflin ©. En mai 1787, ses amis de Paris surent le faire nommer historiographe de France pour la province d’Alsace. Cette même année, Grandidier présenta le premier volume de cet ouvrage, la première histoire d’Alsace écrite par un Alsacien en français. Grandidier y adopta les conceptions nouvelles d’une histoire régionale, développées en France par l’abbé Baudeau (1759), et en Allemagne par l’historien Wenck (1783). Comme eux, Grandidier vit dans une histoire régionale moderne le moyen de décrire les mœurs du passé, les mouvements démographiques, en un mot de présenter à un public cultivé une histoire du peuple au lieu d’une histoire de princes. Ce fut justement à ce public que son style clair, simple et naturel s’adressa. Grandidier était déjà très avancé dans ses travaux du deuxième volume de son Histoire d’Alsace, lorsqu’au cours d’un voyage littéraire à Lucelle une fièvre inflammatoire l’emporta subitement en novembre 1787. L’ouvrage en question resta inachevé : seule la partie des épreuves du volume 2 fut publiée. Grandidier rédigea une série d’articles dans diverses revues françaises et allemandes (voir la liste chez Ingold,Œuvres inédites, I). Il collabora à plusieurs ouvrages collectifs tels que L’Art de vérifier les dates, les Vies de saints, publiées par Godescard, et la Germania Sacra des bénédictins allemands de Sankt-Blasien. Pour cet ouvrage monumental, il avait conçu un plan général et collecté beaucoup de matériaux. Outre les diplômes que Grandidier publia dans son Histoire de l’Église de Strasbourg et son Histoire de la province d’Alsace, il incorpora une grande série de diplômes retrouvés ou corrigés dans les Nova subsidia diplomatica de Würdtwein. Après 1897, on lui reprocha d’avoir falsifié des diplômes (notamment de Schuttern, Ebersheim, Strasbourg) et on le classa parmi les falsificateurs modernes. Certes, les diplômes en question, reproduits par Grandidier, ne résistent pas à la critique moderne, mais ceux qui l’ont accusé ne prennent pas suffisamment en compte les conditions de travail desérudits du XVIIIe siècle. Comme théologien, Grandidier s’occupa de la réforme d’un bréviaire de son diocèse, dont il parla avec franchise dans sa correspondance avec Gerbert et Dom Berthold. Mais il s’adonna aussi au genre littéraire, cependant avec moins de succès que dans ses travaux historiques. Outre ses titres universitaires, on notera qu’il a été nommé protonotaire apostolique, grand vicaire de Boulogne, chanoine de Neuwiller et du Grand Chœur de Strasbourg et chevalier de l’ordre du Latran. Grandidier fut considéré par ses contemporains en France et en Allemagne comme un jeune génie ayant beaucoup de sens critique et doté d’un sens réel de l’histoire. Avec Schoepflin, qu’il dépasse par la modernité de ses vues, il est certainement l’historien le plus doué de l’Alsace au XVIIIe siècle.

Histoire de l’Église et des évêques-princes de Strasbourg, 2vol., Strasbourg, 1776/78; Essais historiques et topographiques sur l’église cathédrale de Strasbourg,Strasbourg, 1782 ;Histoire ecclésiastique, militaire, civile et littéraire de la province d’Alsace,t. 1, Strasbourg ;Œuvres historiques inédites,publiées par J. Liblin, 6 vol., Colmar, 1865-1868; Nouvelles œuvres inédites,publiées par A.M.P. Ingold, 5 vol., Colmar, 1897-1900; Les correspondants de Grandidier,11 vol., Paris, 1895-1898; Une bibliographie complète des publications de Grandidier dans ; Nouvelles œuvres Inédites,t. I publié par A. M. P. Ingold, Colmar, 1897. Les papiers laissés par Grandidier se trouvent au Generallandesarchiv de Karlsruhe.

Les publications sur Grandidier antérieures à 1896 sont notées par A. M. P. Ingold, Nouvelles œuvres Inédites de Grandidier, t. 1, Colmar, 1897, p. 79 ss.; Les publications entre 1897 et 1973 se trouvent indiquées chez J. Voss, «Geschichts wissenschaft und katholische Aufklârung im EIsass. Unveröffentlichte Korrespondenz Philippe André Grandidiers (1752-1787), I. Teil, 1774-1777», Zeitschriftfür die Geschichte des Oberrheins, 83, 1974, p.137-142; II. Teil, 1778-1787, ibid., 85, 1976, p. 253-334 (avec une liste chronologique de la correspondance publiée par J. Voss. Les titres les plus importants: J. L. Sauer, P. A. Grandidier, Historisch-politische Blätter 119, 1897, p. 809-819; H. Bloch, «Die Urkundenfâischungen Grandidiers », Zeitschriftfür die Geschichte des Oberrheins, 51, 1897,p. 460-511; A. Gasser, «Grandidier est-il un faussaire?», Revue catholique d’Alsace, 1898, p. 401-423; A. M. P. Ingold, «Grandidier prédicateur», Revue catholique d’Alsace, 1900, p. 401-426; R. Reuss, «Grandidier est-il un faussaire?», Revue d’Alsace, 1903, p. 5-14; A. M. P. Ingold, «Grandidier liturgiste», Revue d’Alsace, 1904, p. 5-26; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 1, 1909, p.638-639; A. M. P. Ingold, «Grandidier et les savants suisses», Revue catholique d’Alsace 1908, p.520-533; J. Gass, Strassburger Theologen im Aufklärungszeitalter, Strasbourg, 1917 ; A. Gasser, «Les correspondants de Grandidier. Le docteur Maret», Mémoires de l’académie des sciences, arts et belles-lettres de Dijon 3, 1920/21, p. 141-192; J. Gass, «Grandidier et les Rohan», Revue catholique d’Alsace, 1925, p. 28-40; Neue Deutsche Biographie, VI, 1964, p.743; J. Voss, «Grandidier und die Société patriotique de Hesse-Hombourg», Francia, 6, 1978, éd. 1979, p. 629-639 (avec 6 lettres inédites) ; Encyclopédie de l’Alsace, VI, 1984, 3457;Dictionnaire de biographie française, XIII, 1985, 964 ; J. Voss, «Landesgeschichtliche Zielsetzungen in Deutschland und Frankreich im Zeitalter der Aufklärung», Oberrheinische Studien, 7, 1987, p.80-86 et 1988, p. 347-360; J. Voss, «Aus der Werkstattzweier Mediävisten des 18. Jahrhunderts: Die Quellenerschllessung bei Schöpflin und Grandidier», Fälschungen im Mittelalter, vol. IV, Hannover, 1988, p. 319-330.

Iconographie de Grandidier: A. M. P. Ingold, Nouvelles œuvres inédites, t. 1, 1897, p. 77-78 cite notamment un portrait de 1778 (musée de Colmar), pastel en couleur (Besançon, salle de l’Académie). Portrait de la collection Heitz. Reproduction du premier chez Ingold, Nouvelles œuvres inédites, t. 1, p. 11. Buste Grandidier, par J. Riegger, 1896, aux Archives départementales du Bas-Rhin.

Jürgen Voss (1988)