Conseiller au Parlement de Paris, érudit, agent secret, (★ Landser 16.9.1729 † guillotiné à Paris 25.7.1794).
Fils de Georges-Adam Goetzmann © et de Marianne Françoise Poirot. ∞ I sans doute à Hegenheim (contrat de mariage du 20 août 1753) Marie Anne Françoise Amann (★ Hegenheim 1732 † Colmar 16.6.1758), fille de Jean Jacques Amann, de Fribourg en Suisse, chevalier de Saint-Louis, qui devint lieutenant-colonel au régiment suisse de Karrer et qui décéda « dans les isles dans le service de sa majesté» le roi de France, et d’Anne-Esther Bacher. ∞ II 6.8.1764 (?) à Paris (?) Gabrielle-Julie Jamart. Louis-Valentin étudia à la faculté de Droit de Strasbourg (immatriculé le 3 novembre 1747, thèse de peculiaribus privilegiis militaribus le 20 août 1749) et devint avocat au Conseil souverain d’Alsace. Il obtint des provisions pour l’office de conseiller substitut du procureur générai au Conseil souverain d’Alsace (2 juillet 1755). En cette qualité il joua un rôle dans l’affaire du fief de Wittelsheim vacant par la mort du commandeur de Hagenbach ©, pendante entre la couronne de France et l’évêché de Bâle où, représentant le procureur général du Conseil souverain d’Alsace, il rendit service à la couronne en distrayant des pièces utiles à S. A. l’évêque de Bâle (1756-1757). En 1757, il avait demandé à cumuler sa fonction avec celle de bailli d’Eschentzwiller qui était dans sa famille depuis 1686, et pour laquelle il avait obtenu des lettres de provision ; sa requête fut repoussée au motif «qu’un substitut qui a la parole et la plume en l’absence des gens du Roi, ne peut pas exercer en même temps un office judiciaire inférieur ». La même année il devint conseiller au Conseil souverain d’Alsace, obtenant du pouvoir une lettre de dispense de parenté (dispense et provision du 30 novembre 1757 ; il était parent des Poirot, Holdt, Gobel…). Il se défit de sa charge en 1766 et alla se fixer à Paris. Il publia nombre d’ouvrages juridiques ou polémiques. En 1768, il fut lauréat de l’Académie royale de Metz pour un mémoire portant sur la ville de Metz. En 1771 il entra, comme titulaire d’un office de conseiller en la grand’chambre, dans la nouvelle compagnie judiciaire créée par la réforme judiciaire du chancelier Maupeou en remplacement de l’ancien Parlement de Paris. Bénéficiant de la protection du gouvernement, Louis-Valentinobtint en décembre 1772, des lettres patentes le nommant commissaire à la caisse des amortissements. Réputé meilleur criminaliste de la compagnie, Louis-Valentin avait été nommé rapporteur dans une affaire opposant Beaumarchais au comte de La Blache (1773). Afin d’obtenir des audiences de son mari, Beaumarchais fit à Mme Goetzmann un présent de cent quinze louis, dont quinze étaient destinés au secrétaire du conseiller Goetzmann, et une montre enrichie de diamants. Mme Goetzmann accepta le présent et promit de tout restituer, dans le cas où Beaumarchais perdrait son procès. Il le perdit; on lui restitua ses cadeaux sauf les quinze louis qui étaient restés dans les poches de Mme Goetzmann! Fâché de la perte de son procès, Beaumarchais protesta contre le détournement commis par Mme Goetzmann. Le conseiller intenta un procès à l’écrivain et ce dernier lui répondit par des mémoires cinglants – mettant les rieurs de son côté –, dans lesquels les quinze louis servirent de pivot à la défense de Beaumarchais. Paris tout entier, la France et l’Europe cultivée, se passionnèrent pour cette affaire embrouillée. Le frère de Louis-Valentin, François Antoine Dominique Goetzmann, chanoine de Lautenbach, invoqua, mais en vain, la protection du duc d’Aiguillon, ministre et secrétaire d’État du département des Affaires étrangères que Louis-Valentin avait autrefois soutenu alors qu’il était en procès avec les parlements de Rennes et de Paris. Par un arrêt du 26 février 1774, le Parlement condamna Beaumarchais et la dame Goetzmann au blâme et à une amende; la dame Goetzmann fut en outre condamnée à restituer les fameux quinze louis, pour être employés au pain des prisonniers de la Conciergerie. Le même arrêt ordonna aussi que les mémoires de Beaumarchais seraient lacérés et brûlés par l’exécuteur de la haute justice, que ceux de Goetzmann seraient supprimés et mit Louis-Valentin hors de Cour (c’est-à-dire qu’il fut déclaré mal fondé en sa plainte en corruption). Implicitement condamné au travers de sa femme, Goetzmann se démit de sa charge (1774). Rentré dans la vie privée, l’ex-magistrat s’adonna à l’écriture et à l’espionnage. À la fin de l’année 1780 il fut, à l’occasion du conflit entre lesInsurgents et la Couronne britannique, envoyé secrètement à Londres par le ministre Sartine ; il devait obtenir des renseignements sur les mouvements et les destinations des flottes et escadres anglaises, calculer la chute plus ou moins prochaine du ministère anglais… Goetzmann aurait déterminé Sartine à hâter l’envoi de l’armée de Rochambeau dans la baie de Chesapeake où elle arrêta les succès de l’armée de Cornwallis. À la fin de l’année 1781, Louis-Valentin reçut l’ordre de retourner en France. Il fut réexpédié à Londres par le ministre des Affaires étrangères Vergennes dans le dessein d’étudier le moyen de hâter la chute du ministère de Lord North. Louis-Valentin aurait ainsi épargné au gouvernement de S. M. la dépense de plusieurs millions. En récompense de ses services, il fut pensionné par le gouvernement. Louis-Valentin vivait entre Paris et la cour. Il avait de fréquents embarras d’argent, ne touchant sa pension qu’irrégulièrement. Le gouvernement l’employa dans différentes affaires. À l’époque de la Révolution, il aurait servi d’agent à la Cour. Incarcéré dès octobre 1793, il fut condamné à mort pendant la Terreur, le 7 thermidor an II, pour avoir participé à la conspiration de la prison de Saint-Lazare.
Travaux de L.-V. Goetzmann (publiés sous son nom ou sous couvert de l’anagramme Zemganno, ou du sigle L.V.G. de Th. qui signifie Louis Valentin Goetzmannde Thurn) :
Description générale de la Province d’Alsace ; Dans toutes les parties de son administration. Avec une Dissertation sur ses limites. Première partie contenant les privilèges généraux de la Province…, mai 1767 (un exemplaire manuscrit se trouve à la Bibliothèque municipale de Colmar,ms 817. A été publié dans Revue d’Alsace 1928, 1930, 1932) ; Traité du droit commun des fiefs, contenant tes principes du droit féodal, avec la jurisprudence qui a lieu dans les pays qui sont régis par le droit commun des fiefs, et notamment en Alsace : suivi d’un chapitre particulier sur le commerce et la multiplication des juifs d’Alsace et de Metz, terminé par un dictionnaire féodal, Paris, 1768, 2 vol. (le 2evol. ayant sans doute paru en 1776) ; Mémoire couronné par l’Académie royale… de Metz, le 18 septembre 1768. Sujet du prix: comment la ville de Metz est-elle passée sous la puissance des empereurs d’Allemagne ? Quand obtint-elle précisément le titre de ville libre impériale ? Quels changements ces révolutions ont-elles opéré dans l’administration de la justice?, Metz, Paris, 1769; Discours adressé à l’Académie de Metz, à l’occasion de sa réception,1769 ; Questions de droit public sur une matière très intéressante, précédé d’une lettre de G. W. Dorff, Amsterdam, 1770; Analyse de l’ouvrage ayant pour titre : «Questions de droit public»…, Amsterdam, 1770; Lettre d’un jurisconsulte français à un publiciste allemand, sur une question de droit public, Londres, 1771 ; La jurisprudence du Grand Conseil examinée dans les maximes du royaume : ouvrage précieux, contenant l’histoire de l’inquisition en France…, Avignon, 1775 ; Les quatre âges de la pairie de France, ou histoire générale et politique de la pairie de France dans ses quatre âges : pairie de naissance, de dignité, d’apanage, de gentilhomme, Maestricht, 1775, 2 vol. ; Essais historiques sur le sacre et couronnement des rois de France, les minorités et les régences, précédés d’un discours sur la succession à la couronne, Paris, 1775 ; Essais politiques sur l’autorité et les richesses que le clergé séculier et régulier ont acquises depuis leur établissement, s.l., 1776 ; Histoire politique des grandes querelles entre l’empereur Charles V et François Ier, avec une introduction contenant l’état de la milice et la description de l’art de ta guerre avant et sous le règne de ces deux monarques, ensemble une notice des plus célèbres sçavans qui ont contribué à la renaissance des lettres, Paris, 1777, 2 vol. ; Histoire politique du gouvernement françois, ou les quatre âges de la monarchie françoise, t. 1er , Paris, 1777, (des quatre volumes annoncés, seul le premier a paru) ; Lettres à un magistrat sur la contestation actuelle entre les libraires de Paris et ceux des provinces, s.l., 1778. Un autre ouvrage, annoncé par voie de prospectus, ne vit cependant pas le jour. Il s’agit du Dictionnaire de droit public, contenant les étymologies, définitions, divisions et principes du droit public de l’empire d’Allemagne, avec un abrégé du droit des ambassadeurs…
Archives nationales, Paris,F7 4584 plaquette 4, pièce 81 ; F7 4728 (2), chemise « Goe-Goi » ; T 1558, chemise « Papiers Goëtzmann » ; W 431 (n° 968), ibid. (n“ 969) dossier « Affaire Boucher, Chénier, Trenk et autres. Conspiration de Saint-Lazare. Seconde fournée »; Procès-verbal de l’Assemblée nationale, imprimé par son ordre, t. 14. Paris, p. 22; ibid. t. 15, Paris, p. 295.
Archives de l’ancien évêché de Bâle,B 237/38 2 von Hagenbach, chemise intitulée «Korrespondenzdes Bischofsmit seinem Agenten in Colmar, dem Wittelsheimer Amtmann Clavé…», lettre de Callot, datée à Hagenbach, 24 décembre 1756 adressée à S.A. le Prince Evêque (contient un document de Goetzmann, 23 décembre 1756, Hagenbach).
Archives départementales du Haut-Rhin,1 B 942 p. 127 à 129 ; 959 p. 355 à 358 ; 960 p. 261 ; 4E 62 Hegenheim (contrat de mariage du 20 août 1753) ; 5G chapitre de Lautenbach, chemise «Familie Götzmann» ; registres paroissiaux de Colmar (catholiques), de Hegenheim, de Landser.
J.-M. Quérard, La France littéraire ou Dictionnaire Bibliographique…, tome 3, Firmin Didot Frères, Libraires, 1830, p. 396-397 (erreur: Louis-Valentinn’a pas été procureur-général à Colmar; fausse date de naissance et de décès) ; ibid., tome 11, 1854-1857, p. 157; E. Michel, Biographie du Parlement de Metz, Nouvian, Metz, 1853, p. 202 ; M. Saint-Marc Girardin, Œuvres complètes de Beaumarchais précédées d’une notice sur sa vie et ses ouvrages, Paris, Ledentu, Libraire-éditeur, 1837 ; L. de Loménie, « Beaumarchais. Sa vie, ses écrits et son temps », in Revue des Deux Mondes, 15.11.1852, tome 16, IV, « Les préludes du procès Goëzman » (p. 671-707), ibid., 1er janvier 1853 tome 1er, V, Le procès Goëzman, (p. 142-179) ; Nouvelle Biographie Générale depuis les temps les plus reculés jusqu’à nos jours… publiée par MM. Firmin Didot Frères sous la direction de M. le Dr. Hoefer, tome 5, Paris, 1853, p. 7 à 10, 13-14, tome 21, Paris, 1857, p. 67-69; Pillot et de Neyremand, Histoire du Conseil Souverain d’Alsace, Paris, chez Durand, Libraire, 1860, p. 124 à 127 (fausse date de naissance) ; P. Huot, « Goetzmann et sa famille (1649-1794)», Revue d’Alsace, 1863, p. 433-444 et 486-495 ; J. Flammermont, Le chancelier Maupeou et les Parlements, thèse présentée à la Fac. des Lettres de Paris, Alphonse Picard, Libraire-éditeur, Paris, 1883 (p. 545 et ibid. n. 1, p. 546 à 548, p. 571 – n. 1) ; Revue alsacienne, 1887-1888, p. 594; Knod, Die alten Matrikeln der Universität Strassburg, 1621 bis 1793, zweiter Band (p. 394, 589) ; E. Glasson, Le Parlement de Paris. Son rôle politique depuis le règne de Charles VII, Librairie Hachette et Cie, Paris, 1901, tome 2 (rend justice à la réforme Maupeou, p. 364…) ; V.M.A. Holdt, « Journal du palais du Conseil souverain, publié par A. Ingold, », Revue d’Alsace (supplément), 1903-1907, t. 1, p. 67, t. 2, p. 6-7, 26, 27, 83, t. 3, p. 147 ; Ch. Hoffmann, L’Alsace au dix-huitième siècle au point de vue historique, judiciaire, administratif, économique, intellectuel, social et religieux, Colmar, 1906-1907, 4 volumes (la table étant très incomplète) ; A. de Saint-Antoine, « Les tribulations d’un solliciteur ou Goetzmannd’après quelques-unes de ses lettres inédites », Revue d’Alsace, t. 58, 1907, p. 469-485, p. 514-532 (incomplet ; sources aux Archives départementales du Haut-Rhin,5 G chapitre de Lautenbach) ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 1, 1909,p. 619-620 (l’année de naissance est fausse) ; H. Weisgerber, « Mémoire sur l’Alsace 1767 » (il s’agit de l’impression du manuscrit de L.-V. Goetzmann, daté de « May 1767 » et intitulé « Description générale de la province d’Alsace dans toutes les parties de son administration avec une dissertation sur ses limites »), Revue d’Alsace, t. 75, 1928, p. 150-169, p. 275-287, p. 583-597 ; t, 77, 1930, p. 131-144, p. 253-268, p. 374-392; t. 79, 1932, p. 35-53, p. 118- 132, p. 229-250, p. 317-328; Catalogue général des livres imprimés de la Bibliothèque Nationale, tome LXII, Paris, 1929, p. 765-767 ; E. Bonfils-Lapouzade, « Les gens du Roi près le Conseil souverain d’Alsace à la veille de la Révolution », L’Alsace française, t. XXIV, n° 41-42, 9-16.10.1932, p. 864 (fausse date de naissance); D’r Elsasser Kalander Hüsfrind – L’Almanach d’Alsace, L’ami du foyer, 1936, « Bedeutende Männer aus dem Sundgau », p. 124 (erreur relative à l’année de naissance) ; E. Wacker, « Landser und seine Herrschaft », Annuaire de la Société d’histoire sundgauvienne, 1937, p. 98 (cite la tombe des Goetzmann, placée dans le clocher de l’église de Landser ; elle se trouve aujourd’hui dans l’ossuaire : la pierre tombale aurait été commandée par L.-V. Goetzmann ; l’article donne quelques indications sur Louis-Valentindont la bonne année de naissance) ; F. Schaedelin, L’émigration révolutionnaire du Haut-Rhin,3epartie, Colmar, 1946, p. 175 ; G. Livet, « Les intendants d’Alsace et leur œuvre (1648-1789) », Deux siècles d’Alsace française, Strasbourg-Paris, 1948, p. 103, 131 ; Fr. Burckard, Organisation, personnel et rôle du Conseil souverain d’Alsace de 1715 à 1790, thèse de l’École des Chartes, 1951, t. 1, p. 111-112, 117-118, t. 2, p. 493; Catalogue général des livres imprimés de la Bibliothèque Nationale, tome 6, Paris, 1957, p. 545-546, tome 7, Paris, 1960, p. 109 ; F. Schaedelin, « Le baron François Nicolas de Spon dernier premier président du Conseil souverain d’Alsace », Annuaire de la Société historique et littéraire de Colmar, VII, 1957, p. 98 (n. 1) (erreur date décès) ; A. Pagny, Le Conseil souverain d’Alsace et l’introduction du droit français (1648-1789), thèse de droit de Strasbourg, 1968, t. 1, p. 85, n. 2, p. 120, n. 1, p. 322, n. 2, t. 2, p. 119, n. 1 ; G. Livet, « Le XVIIIe siècle et l’esprit des Lumières », Histoire de l’Alsace, Toulouse, 1970, p. 327, 328-329 ; M. Bouloiseau, La République jacobine. Nouvelle histoire de la France contemporaine, t. 2, 1972, p. 232 (la conspiration des prisons) ; Ch. Sauter,Wittelsheim. De Jules César à Charles de Gaulle, Colmar, 1974 (affaire du fief de Wittelsheim, p. 89, 100 à 104) ; V. Lipatti, Mémoires de Beaumarchais dans l’affaire Goezman, Paris-Genève, 1974 ; P. Stintzi, Le Sundgau à travers les âges, op. cité, p. 163 ; Dictionnaire de biographie française, XVI, 1983, p. 492 (contient la date exacte de baptême; fausse graphie du nom de la première épouse deLouis-Valentin: elle s’appelait bien Amann et non Amand) ; Encyclopédie de l’Alsace, VI, 1984, 3405-3406 (la date de naissance est fausse ; indique que Louis-Valentin devint bailli d’Eschentzwiller (!) ; oublie de citer qu’il avait été conseiller au Conseil souverain d’Alsace); Encyclopaedia universalis. Corpus 3, 1984, article Beaumarchais, p. 375-378; F. Tischmacher, « La Maison de la famille Goetzmann », Castrum Landisere (Revue d’Histoire éditée par les Amis de la Seigneurie de Landser), n° 1, 1984, p. 79-82 (avec illustrations).
Louis Abel et Patrick Madenspacher (1988)