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GOETHE Johann Wolfgang

(★ Francfort 28.8,1749 † Weimar 22.3.1832).

Fils de Johann Kaspar Goethe conseiller impérial et avocat, et de Katharina Elisabeth Textor. Goethe arriva à Strasbourg le 4 avril 1770. Le jeune homme aurait préféré l’Université de Goettingen où l’attirait l’historien Heyne, mais avait cédé aux instances de sa famille, la faculté de Droit de Strasbourg étant l’école de prestige que les Francfortois appréciaient depuis plusieurs générations. Le père de Goethe en avait suivi les cours et son arrière-grand-père maternel y avait soutenu une thèse en 1663. Son projet était simple : se perfectionner en français et étudier le droit. Le séjour de 17 mois en Alsace, riche en découvertes et en choix décisifs, mais aussi en revirements et en ruptures, a fort peu correspondu à ce programme. Descendu d’abord à l’hôtel de l’Esprit, Goethe s’installa ensuite dans l’immeuble du fourreur Schlag, rue du Vieux-Marché-aux-Poissons, et prit ses repas rue Knobloch, actuelle rue de l’Ail, dans la pension des demoiselles Lauth, où se retrouvaient quotidiennement de 10 à 20 commensaux.

Un étudiant « remarqué »

Le jeune Wolfgang ne passa pas inaperçu. Ses amis ont noté une curiosité inlassable et intempestive. Ce comportement « tout fou » et des élans par trop dithyrambiques les inquiétaient parfois. Mais déjà l’étendue de la culture du nouvel arrivant, sa relative facilité à s’exprimer en français, en anglais, en latin – qu’il écrivait couramment – surprenaient ; il avait appris l’hébreu, traduisait Homère sans dictionnaire et, surtout, il maniait avec virtuosité sa langue maternelle allemande. Avec ses compères du Sturm undDrang, (« Tempête et Assaut »), il leur paraissait même abuser de son talent en forgeant des néologismes inédits ou truculents. L’austérité bourgeoise était choquée par ce surprenant touche-à-tout. Le professeur de théologie Élie Stoeber © résume une opinion qu’il prétend répandue : Er muss, wieman fast durchgängig von ihmglaubt, in seinem Obergebäudeeinen Sparren zu viel oder zu wenig haben. Le jugement est corroboré par une série d’appréciations d’autres contemporains, la plupart relatées par Goethe lui-même (« Naseweisheit », « jugendlicherDünkel » « spatzenmässig » « der närrische Goethe » « ein über spannter Kopf ») et qui se résument dans le jugement porté par T.-C. Pfeffel © « homme de génie à ce qu’on dit, mais d’une suffisance insupportable ». Certains intellectuels par contre, l’actuaire Jean Daniel Saltzmann © ou le groupe des collaborateurs de Schoepflin ©, ont reconnu la vraie valeur du jeune prodige et en favorisaient l’épanouissement.

D. Saltzmann et la Société savante

Le « cercle »relativement fermé de la pension Lauth où l’actuaire J.-D. Saltzmann officiait comme mentor sage et paternel était surtout composé d’étudiants, dont quelques-uns d’origine alsacienne. Les étudiants en médecine étaient majoritaires. Parmi eux. Goethe fréquenta Frédéric Léopold Weyland (1750-1785) ©, Johann Heinrich Jung, dit Jung-Stilling (1740-1817). Chez les juristes, il faut citer Henri Léopold Wagner (1747-1779) ©, Jean Conrad Engelbach(1744-1802) et, pour les théologiens, François Chrétien Lerse (1749-1800) ©, Jakob Michael Reinhold Lenz (1751-1792) © et Jean Godefroi Roederer (?1749) ©. On retrouvera ces noms soit dans des épisodes de la vie de Goethe, soit dans son œuvre (le personnage de Lerse dans Goetz von Berlichingen, p. ex.), soit dans l’histoire du mouvement « Sturm und Drang ». À l’occasion, le groupe autour de Saltzmann se constituait en Société savante Gesellschaft der schönen Wissenschaftenou Gelehrte Übungsgesellschaft). Encore après son départ de Strasbourg, Goethe y suscita une cérémonie en l’honneur de Shakespeare, et y fit lire une communication.

« Reçu dans la meilleure société »

Aussi déterminante qu’ait pu être la « petite horde universitaire », Goethe n’y resta pas confiné. Les recommandations de Saltzmann et celles d’amis communs de Francfort lui ouvrirent des portes, et il connut tout ce qui pouvait être intéressant à Strasbourg et en Alsace. Il s’est « promené partout et a tout inspecté » tel un « pic-vert » (Specht) – surnom que lui accola Herder. C’est encore Saltzmann qui lui apprit divers jeux de société et de cartes (« whist, piquet, hombre ») et il fut « reçu dans la meilleure société ». Il avait surtout fréquenté, au début, les milieux piétistes, mais bientôt il connut tout aussi bien leurs adversaires rationalistes que des pasteurs de la campagne. Il eut des rapports suivis avec les historiens de l’Université et des contacts avec certains militaires de la garnison. La situation matérielle aisée du père facilitait ces curiosités et permettait au fils de tenir son rang : pourboires et largesses diverses, envois de fleurs, de fruits et de douceurs aux dames, friseur « à la mode » qui l’affubla d’une perruque poudrée, professeur particulier de danse, d’escrime, de violoncelle, « répétiteur » privé pour la préparation des examens, acquisition de livres, voire prêts d’argent aux amis. Pour autant Goethe ne fut pas absorbé par la vie mondaine de la cité.

À la faculté de Médecine

Délié de l’obligation d’assister aux cours à partir de septembre 1770, il ne lui restait plus qu’à préparer une thèse, sine praeside, ce qui lui laissait du temps pour des investigations historiques et pour « une toute autre Faculté », celle de Médecine. L’étudiant en droit Goethe se vit en effet « entraîné » par cette institution « qui brillait devant les autres » et suivit, avec assiduité, les cours de chimie – sa « fiancée secrète » – chez Jacques Reinhold Spielmann ©, d’anatomie et de chirurgie chez Jean Frédéric Lobstein ©, de clinique chez Jean Frédéric Ehrmann © et même d’obstétrique chez le père de ce dernier, Jean-Chrétien Ehrmann ©.

« Sturm und Drang » – Herder – La poésie populaire – L’art gothique

« Saltzmann parlait le français avec beaucoup de facilité et d’élégance », mais « on ne s’exprimait qu’en allemand à notre table… et même si parmi nos commensaux plus d’un penchait vers la langue et les habitudes françaises, ils se pliaient à l’habitude du lieu tant qu’ils étaient parmi nous ».

La préoccupation initiale de se perfectionner en langue française fut abandonnée au bout de quelques semaines déjà. Un poème en français que Goethe avait rédigé lors du passage de Marie-Antoinette (7-8 mai 1770) fut « cruellement » critiqué pour la langue et la métrique. Et comme « un mauvais génie nous avait glissé à l’oreille que les efforts d’un étranger pour parler le français seraient toujours vains… nous prîmes donc la résolution opposée : de récuser entièrement la langue française et de nous consacrer davantage encore, avec un sérieux forcené, à la langue maternelle ». L’abandon du projet « français » fut favorisé par l’émergence des idéaux du mouvement littéraire dit « Sturm und Drang » (Tempête et Assaut) et la rencontre avec Herder©. L’« événement capital et qui devait avoir pour moi les conséquences les plus Importantes fut la rencontre avec Herder et les liens étroits qui s’ensuivirent ». J. G. Herder (1744-1803), un des théoriciens du« Sturm und Drang »,retenu à Strasbourg de septembre 1770 à avril 1771 par un traitement ophtalmologique chez le chirurgien J.-Fr. Lobstein, ouvrit à Goethe un monde aux antipodes des valeurs françaises qu’il était venu quérir à Strasbourg. Herder détestait la France et l’esprit français. Il encouragea Goethe à approfondir le culte qu’il vouait à Shakespeare, l’initia à ses idées sur l’« origine du langage » et à « la poésie populaire dont il nous engagea vivement à retrouver en Alsace les témoignages ».Wolfgang s’empressa de recueillir des chants populaires « de la bouche des vieilles villageoises » (aus den Kehlen der ältesten Mütterchen). Dans le domaine des valeurs architecturales aussi, les leçons de Herder avaient trouvé un terrain bien préparé. Dès l’arrivée à Strasbourg, Goethe avait été subjugué par la cathédrale et par le personnage d’Erwin von Steinbach ©. « Ayant grandi dans un milieu hostile à l’art gothique » ce « plus grand chef-d’œuvre de l’architecture allemande » fut « une nouvelle Révélation », l’amenant à « oser modifier l’expression péjorative d’architecture gothique et à la revendiquer pour notre nation en tant qu’art de construire allemand ». « C’est ainsi qu’à la frontière de la France nous fûmes soudain libérés de toute manière d’être française » … « j’étais passé du camp français au camp allemand ».

« Der Wanderer » : À la découverte de l’Alsace

Strasbourg n’avait été, dans l’esprit du jeune Goethe, qu’une étape préparatoire avant Paris et Rome. Mais, projeté en 1770 encore, le voyage à Paris fut bientôt abandonné au profit d’une meilleure connaissance de l’environnement régional alsacien. « Les multiples excursions que j’entreprenais dans la région m’avaient valu le sobriquet « der Wanderer ». Tantôt avec des amis, dont Weyland et Jean Conrad Engelbach, tantôt seul, mais muni des meilleures recommandations, Goethe a inlassablement parcouru la province, Strasbourg et ses environs (la Robertsau, la Wantzenau, Hausbergen), Molsheim où l’attiraient les vitraux de la Chartreuse, les champs de bataille de la guerre des Paysans de 1525. Le pays de Bade aussi. Au cours de plusieurs visites en Haute Alsace (printemps et été 1771), il vit l’aérolithe d’Ensisheim et rendit visite à C.-Th. Pfeffel©. « Un pèlerinage à Sainte-Odile, en compagnie de cent, voire de milliers de fidèles » l’impressionna particulièrement… « l’image que je me fis de la sainte et aussi son nom s’imprégnèrent profondément en moi…/… je m’en suis enfin libéré, lorsque j’ai donné ce nom à l’une de mes filles » (le personnage d’Ottilie dans les Affinités électives, (Die Wahlverwandtschaften). Une de ces randonnées le mena, fin juin-début juillet 1770, à Wasselonne, Saverne (visite du château… « avant-garde religieuse d’une puissance royale »), Phalsbourg, Steinbourg, Bouxwiller (évocation de la ville et du Bastberg), La Petite-Pierre, Bouquenom (Sarre-Union), Sarreguemines, Sarrebruck, Deux-Ponts, Bitche, Baerenthal, Niederbronn (visite des antiquités et de la Wasenbourg), Reichshoffen, Niedermodern (visite d’une « mine » de houille) et retour sur Strasbourg par Haguenau. Les passionnantes descriptions et réflexions du voyageur ne font que regretter davantage la perte (volontaire ?) de nombreuses notes et documents du séjour en Alsace.

La passion pour l’Histoire

« Mon attirance pour les monuments archéologiques était passionnée ». L’Alsace préhistorique, romaine ou médiévale, des particularités dialectales et les reliquats de chants populaires ont accaparé son intérêt. Il a lu l’Alsatia illustrata de Schoepflin et fréquenté ses collaborateurs : André Lamey © et les professeurs Chr.-G. Koch © et Jérémie-Jacques Oberlin ©. À plusieurs reprises, ceux-ci lui ont ouvert leurs musées d’antiquités. Au cours de nombreuses sorties, il a repéré les témoignages de la présence romaine (à Sainte-Odile, Niederbronn ou à la Wasenbourg). Il a consulté les archives ; celles de la cathédrale où le facteur d’orgues Jean-André Silbermann © lui copia les plans des fondations. Dans les archives dont s’occupait J.-J. Oberlin, il s’intéressa aux manuscrits médiévaux et aux sceaux anciens ; il avait lui-même constitué une collection de sceaux. Devant tant d’enthousiasme, J.-D. Saltzmann et le groupe des enseignants autour de Schoepflin avaient décidé de le retenir à Strasbourg : « …mon intérêt réduit et je puis dire minimal pour le droit civil ne leur avait pas échappé : ils me connaissaient assez pour savoir combien il était facile de me déterminer ; et comme je n’avais pas fait mystère de mon goût pour une carrière universitaire, ils avaient fait le projet de me recruter pour une chaire de droit public, d’histoire et de rhétorique ». On lui fit même espérer une carrière à la chancellerie des affaires d’Allemagne à Versailles.

Sessenheim et Frédérique Brion

Mais Goethe est avant tout poète. Et on ne saurait évoquer son séjour en Alsace sans insister sur l’idylle – à partir d’octobre 1770 – qui réunit son nom à celui de Frédérique Brion ©, la fille du pasteur de Sessenheim. Les poèmes, la correspondance et la relation de cette merveilleuse histoire d’amour par Goethe dans « Poésie et Vérité » appartiennent au trésor de la littérature mondiale : ils méritent – au moins – d’être lus, et ne peuvent être résumés.

L’étudiant en droit

Les études juridiques n’étaient pas négligées. Divers témoignages des années 1770-1771 attestent que le travail de Goethe fut plus sérieux – et certainement plus contestataire – que le notable du XIXe siècle a bien voulu le révéler. En arrivant à Strasbourg, Goethe n’était nullement un étudiant débutant, même s’il a sans doute exagéré en prétendant « je n’entendais (dans les cours) rien que je ne savais déjà ». Il connaissait par cœur les usuels, se vantait d’être habile dans la consultation du Corpus juris, et il s’était même initié aux subtilités des travaux du savant strasbourgeois J. Schilter ©. Certes, il méprisait – « injustement » dira-t-il plus tard – le droit privé positif, s’intéressant davantage à l’histoire du droit et à sa philosophie, ainsi qu’au droit public. Or, lui expliqua-t-on : « c’est le droit effectivement appliqué qu’il convient d’apprendre… c’est ce que nous exigeons aux examens ». « La voie d’un intérêt actif pour ce type d’étude (m)’était ainsi barrée », mais le candidat s’astreignit néanmoins à préparer, bien plus sérieusement que ne le prétend la légende, que Goethe a lui-même accréditée, les examens oraux qu’il passa le 25 et le 27 septembre 1770 avec les mentions insigni cum laude et mascule.

La thèse : un problème non élucidé…

« À partir de 1770, les intellectuels strasbourgeois sont, dans leur presque totalité, les défenseurs timides, mais adroits de l’esprit nouveau » (Camille Wollbrett). Goethe ne fait pas exception. Si l’ambiance « Sturm und Drang » de cette exubérante jeunesse était plus littéraire que politique, la triade « Amitié – Amour – Fraternité », mot de passe des initiés, avait des résonances peu conservatrices. Le problème posé par la « thèse » de Goethe attire l’attention sur un aspect resté mystérieux du grand homme. Les faits sont connus. Une dissertation qu’il avait longuement préparée avait pour titre : De legislatoribus – Jesus autor et judex sacrorum et prétendait prouver que toutes les religions, y compris le christianisme, avaient été imposées par l’État, qu’il en avait le droit et que le clergé devait enseigner ce culte officiel. La faculté de Strasbourg étant accusée, depuis quelques années, d’enseigner des doctrines gallicanes et fébroniennes, on refusa ce travail, au motif que le sujet traité était trop dangereux au plan religieux et politique. Renonçant au titre de docteur, Goethe se contenta alors du titre de licencié, moins reluisant, mais suffisant pour l’exercice d’une profession juridique dans l’Empire. Il suffisait, pour cela, de soumettre à un jury des « positions » de thèse, non argumentées, et de les discuter oralement lors de la soutenance publique (6 août 1771). Jury : les professeurs Ehrlen©, Kugler ©, Reisseissen © et Treitlinger ©. La procédure était prévue, mais assez rarement appliquée.

Éléments nouveaux à verser au dossier

Lorsque, quarante années plus tard, Goethe donne à entendre, dans « Poésie et Vérité », que nul ne l’avait conseillé ou aidé dans ce travail, on peut être surpris. Il pouvait ignorer –à la rigueur – qu’en 1710 déjà une thèse strasbourgeoise de Balthasar-Frédéric Saltzmann © s’était intéressée à un sujet voisin, ou que son propre grand-père avait affirmé, dans sa thèse de 1715, que « in republica non debet esse duplex potestas : ecclesiastica et politica, sedpoliticaetiamjus sacrorum est vindicandum ». Mais Goethe savait,– élément nouveau à verser au dossier – que le sujet qu’on lui avait refusé avait été présenté, sous une forme plus « historique », la même année 1771, puis complété en 1772, sous le titre « De jure legislatorio Merovaeorum et Carolingarum Galliae regum circa sacra » (2 volumes). La paramnésie de Goethe prend un sens lorsque l’on sait que l’auteur, Jean de Turckheim ©, du même âge que Goethe, faisait partie, avec son frère– également étudiant en droit – Bernard-Frédéric © (? 1752), de l’équipe dirigeante de la maçonnerie européenne, puis des « Philantropes ». De même, il peut être aisément établi que les autres juristes condisciples de Goethe, Frédéric-Rodolphe Saltzmann © (? 1749), Ph. Fr. de Dietrich © (? 1748), Georges Schlosser © qui épousa Cornelia, la sœur de Goethe, et aussi le professeur C.-G. Koch allaient assumer de hautes responsabilités –à l’échelle européenne – dans ces mêmes mouvements, certains également dans l’Ordre secret des Illuminaten. Aucun de ces personnages ne se glorifia au XIXe siècle de ces activités, et l’historien ne peut que constater – et déplorer – que les archives ont été soigneusement purgées des traces et documents compromettants. On notera aussi que c’est au condisciple de Goethe, Frédéric Rodolphe Saltzmann – cousin de l’actuaire – qu’allait finalement échoir le professorat de droit public et d’histoire offert àGoethe, mais que les autorités municipales, émues du contenu « révolutionnaire » avant la lettre de ce cours, écartèrent de l’enseignement universitaire ce jeune homme « subversif » (1775).

Enfin : les 56 propositions imprimées de ce que souvent on appelle, à tort, « la thèse de Goethe » n’ont pas encore été étudiées et commentées comme elles le méritent. Elles ne sont ni innocentes, ni ridicules – comme on l’a longtemps cru. Au contraire : elles résument ou évoquent les problèmes les plus délicats de la philosophie politique à la fin du XVIIIe siècle.

Goethe et l’Alsace après 1771

Goethe a repassé par deux fois en Alsace, en 1775 et en 1779. Lors d’un premier voyage en Suisse, il résida à Strasbourg, du 23 au 26 mai, et le 12 juillet 1775. À un correspondant, il écrivit « …Tout est mieux que Je ne le pensai…/…. Peut-être est-ce parce que j’y ai aimé : mais je trouve tout aimable et bien ici… ». Lors d’une seconde équipée helvétique, cette fois en tant qu’accompagnateur du duc de Weimar, il quitta ce dernier pour s’arrêter à Sessenheim, où il revit Frédérique Brion (25 au 26 mai 1779). Le lendemain, il fut reçu à Strasbourg par une autre ancienne « fiancée », de Francfort, Lili Schönemann ©, désormais épouse de Bernard de Turckheim © et mère de famille. Par la suite, les contacts avec l’Alsace furent épisodiques et plutôt rares. Il échangea une correspondance avec J.-D. Saltzmann, Roederer, et quelques autres anciens commensaux. À Weimar, il reçut certains d’entre eux, tel Lerse (1798) ou, en 1803, le jeune Georges-Daniel Arnold © dont plus tard il apprécia en 1820 la pièce Der Pfingst montag dans un élogieux compte rendu. En 1829 encore, l’octogénaire prit plaisir à lire l’ouvrage que J.-Geoffroi Schweighaeuser © venait de consacrer aux Antiquités d’Alsace. En dehors des poèmes lyriques, plusieurs œuvres capitales de Goethe ont été conçues et partiellement rédigées en Alsace, ou alors elles doivent beaucoup à cette période de sa vie. « Von deutscherBaukunst», fut le premier écrit en prose de Goethe (paru sans nom d’auteur en 1772) ; projets et brouillons de Goetz von Berlichingen, Faust, Mahomet, le Juif errant, Egmont et le Prometheus-Fragment.

Monuments commémoratifs

Goethe a relaté lui-même qu’il a gravé son nom« dans un piller » de la cathédrale (des moulages sont conservés au musée de l’Œuvre Notre-Dame). En Alsace, son souvenir est commémoré à Strasbourg par une statue, place de l’Université, la plaque apposée au 36 rue du Vieux-Marché-aux-Poissons, à Sessenheim par un Mémorial et un buste, à la Wasenbourg par une plaque.

Sources et bibliographie

Les textes en italique de la présente notice sont des citations soit de Goethe, soit de ses contemporains (originales ou traduites).

La bibliographie concernant Goethe est une forêt si touffue qu’il n’est guère possible de citer ici les innombrables publications se rapportant au séjour strasbourgeois.

Pour situer sa vie en Alsace l’autobiographie Dichtung und Wahrheit (Poésie et Vérité), tardive et pas toujours sûre en des points importants, peut être complétée par des témoignages et des correspondances contemporaines.

Sa vie a été minutieusement scrutée, jour après jour, et l’ouvrage récent le plus commode est de Robert Steiger, Goethes Leben von Tag zu Tag, t. I, 1749-1775, Zürich-München, 1982, qui donne le maximum de références, mais en « regestes » seulement. Pour éviter des interprétations trop hâtives, il faut se reporter ensuite aux sources citées, et notamment aux commentaires des principales éditions (p. ex. la Weimarer Ausgabe, 1887-1919, la Gedenkausgabe éditée par Ernst Beutler, 1948-1960, La Hamburger Ausgabe éd. par Erich Trunz, 1948 et sv., ou la réédition par Hanna Fischer-Lamberg des 5 volumes de « Der junge Goethe », 1966 et sv. – des monuments d’érudition). Agréable à lire et assez complet pour l’Alsace, W. E. Oeftering et G. Richter, Mit Goethe am Oberrhein, Karlsruhe, 1981, 288 p., nombreuses illustrations. En langue française, Albert Fuchs, Goethe. Un homme face à la vie, 1946, et le t. XVI de la collection« Recherches et documents » de la Société savante d’Alsace et des régions de l’Est, Goethe et l’Alsace (ouvrage collectif), Strasbourg, 1973, 311 p., où on retrouvera les références bibliographiques pour les travaux et traductions antérieurs en langue française (p. ex. Jean de Pange, 1925, E. Vermeil, 1932).

Marcel Thomann (1988)