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GOERRES Joseph

Publiciste et professeur, (C) (★ Coblence 25.1.1776 † Munich 29.1.1848). Fils de Moritz Goerres(★ 1745 † 1807), négociant, et d’Helena TheresiaMazza (★ 1750 † 1819). ? 1801 Catharinavon Lassaulx (★ 1779 † 1855). Ses études au gymnase à peine terminées, il se rangea dans le camp révolutionnaire. Ses articles dans la Feuille rouge,ses discours au Club patriotique attaquèrent l’Ancien Régime, l’aristocratie et le clergé, mais aussi les excès de l’occupation française. D’abord partisan d’une république cisrhénane, « sœur » de la République française, il se rallia ensuite à la thèse de l’annexion pure et simple, seule susceptible d’associer la puissance de la France révolutionnaire et les qualités morales des Allemands. Mais lorsque ses amis l’envoyèrent à Paris défendre cette position, ce fut le coup d’État de Brumaire, et il revint dégoûté, non seulement des Français, mais de la conception abstraite et morale de la nation. Pendant la période napoléonienne, il fut professeur à l’école secondaire de sa ville natale, poursuivant des recherches dans les domaines aussi divers que la littérature médiévale, le persan ou la cosmologie. Il entra en contact avec le cercle romantique de Heidelberg, séjourna même deux ans à l’université de cette ville à titre de chargé de cours,et y approfondit sa conception de la nation, fondée sur l’unité de langue et sur l’« esprit populaire » (Volksgeist). Sa réputation conduisit les dirigeants prussiens à lui confier en 1814 la direction de l’enseignement en Rhénanie libérée, et la responsabilité d’un journal de propagande patriotique, le Mercure rhénan. Il y manifesta des dons éclatants de polémiste qui firent de lui « le premier grand journaliste allemand ». Mais il gênait de plus en plus ses protecteurs en exigeant la création d’un ordre social et politique nouveau, fondé non en raison mais sur le contrat historique des souverains avec leurs peuples, et se vit d’abord privé de son journal, puis menacé dans sa liberté personnelle (1819). Il se réfugia alors à Strasbourg, où il passa sept ans et demi d’exil (octobre 1819-mai 1827). Collaborant avec les catholiques ultramontains d’Alsace et de Mayence (Raess et l’équipe du Katholik), il revint à la foi religieuse. Mais il fréquenta aussi des savants comme D. Arnold et les deux Schweighaeuser et découvrit avec passion les manuscrits de la bibliothèque. Dans ses ouvrages (L’Europe et la Révolution, 1821) il annonce la fin de l’ère de la raison et l’avènement d’un « Moyen Âge nouveau et supérieur ». Il reconnaît devoir beaucoup à l’Alsace : « Dans ce pays germanique et français, entre deux nations, les esprits sensibles et profonds sont amenés à se chercher une base solide, que seule l’Église peut leur offrir ». Les vingt dernières années de son existence (« ma sixième ou septième vie ») se passèrent à Munich, où le roi Louis Ier l’avait appelé comme professeur à la nouvelle université. Le « cercle de Görres » devint l’un des pôles de la réflexion théologique et politique des catholiques allemands, publiant successivement les revues Eoset Feuilles historico-politiques. Goerres lui-même resta fidèle à ses idées constitutionnelles et corporatistes, plaida pour l’unité « grande-allemande » de l’Allemagne et de l’Autriche, et surtout se fit le défenseur virulent des libertés de l’Église catholique : sa polémique contre l’État prussien (Athanasius, 1838) le plaça à nouveau au premier rang. Par contre, son gros ouvrage sur la mystique chrétienne, qu’il considérait comme l’œuvre essentielle de la fin de sa vie, déçut ses admirateurs. C’est le journaliste et l’homme de contacts, plus que le savant, qui est resté dans l’histoire ; beaucoup de tendances politiques allemandes ont pu se réclamer de l’une ou l’autre des phases de son activité.

Pfleger, Görres und dasElsass, Regensburg, 1910-11 ; E. Wendling, Görres Reiseim Elsass, Strasbourg, 1914 ; P. Wentzcke, « J.GörresunddasElsass », Zeitschriftfür die Geschichte des Oberrheins, 29, 2, 1914, p. 304-319 ; K. A. von Müller, Görres in Strassburg 1819-1820, Stuttgart, 1926 ; J. Droz, L’Allemagne et la Révolution française, Paris, 1949, p. 216-247 ; G. Mann, « J.Görres », Die grossen Deutschen, t. 2, 1956, p. 518-532 ; Neue Deutsche Biographie,VI, 1964, 532 ; J. Droz, Le romantisme allemand et l’État, Paris, 1966, p. 193-203, 276-284 ; R. Epp, Le mouvement ultramontain dans l’église catholique en Alsace au XIXesiècle, Lille, 1975.

Pierre Ayçoberry (1988)