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GODEFROY (GOTHOFREDUS, GOTTFRID)

Denis,(dit l’« ancien » ou le « jurisconsulte » pour le distinguer de deux descendants portant le même nom) juriste, (C puis P) (★ Paris 17. 0.1549 † Strasbourg 7.9.1622). Fils de Léon Godefroy, seigneur de Guignecourt, conseiller au Châtelet, et de Marie Lourdel Fauchet. ∞ 1578 (ou 1573 ?) à Paris Denyse de Saint-Yon d’une famille noble de Paris; 5 enfants dont Théodore (1580-1649),historien-diplomate, et Jacques (1587-1652), célèbre professeur de droit romain à Genève. Études à Louvain, Cologne et Heidelberg, puis retour à Paris où on suppose que, après avoir passé la licence, il fut avocat au Parlement (1575-1576). L’adhésion au calvinisme contraignit en 1579 Godefroy à l’exil, après avoir été fait docteur le 28 décembre 1579 à Orléans. On le retrouve à Genève où il enseigna à partir de 1580 le droit romain pendant dix ans, puis à Gex près de Genève, où il avait été nommé bailli le 11 mai 1589, puis, le 12 juillet de la même année, surnuméraire au Parlement de Paris. Chassé du pays de Gex par l’invasion du duc de Savoie, Godefroy
se retira à Bâle (1590), puis à Strasbourg où, au printemps de 1591, il prit possession de la chaire de droit romain de l’Académie, qu’il occupa jusqu’en 1600. En 1594, la ville de Strasbourg lui confia une mission auprès de Henri IV. La célébrité de Godefroy lui valut une série d’offres flatteuses, qu’il refusa: une chaire à Montpellier, la succession de Donneau à Altdorf, près de Nuremberg, de Cujas à Bourges et, sur proposition de Henri IV, un poste de conseiller au Parlement de Paris. Finalement ce fut l’électeur Palatin Frédéric IV qui réussit à attirer en 1600 Godefroy à son Université de Heidelberg. La mésentente avec des collègues le fit cependant retourner, dès novembre 1601, à son ancien poste strasbourgeois, où il eut encore l’occasion de refuser une chaire deBourges (octobre 1603), celle de Genève (1603), pour à nouveau céder aux sollicitations de Heidelberg. Il y enseigna de 1604 à 1621, en dépit des offres de Franeker aux Pays-Bas (1608), Angers (1609), Valence et à nouveau Bourges (1610). À l’approche des soldats impériaux de Tilly, Godefroy dut s’enfuir en 1621 à Strasbourg où on le trouva cependant trop calviniste pour reprendre un enseignement à l’Académie luthérienne. Il décéda l’année suivante, dans la maison de son ami Bernegger©.

« Le plus docte et le plus profond de tous les interprètes des lois civiles », au jugement du grand d’Aguesseau, Godefroy fut sans doute le plus célèbre des juristes ayant enseigné à Strasbourg. Il est un illustre représentant du mos gallicus, manière « moderne » que prônaient les humanistes français pour l’application du droit romain. Il doit une part de sa renommée a l’édition intégrale du Corpus juris civilis assorti de commentaires, en 1583, qui connut un énorme succès avec de multiples rééditions : 25 avant 1719. Ce n’est que l’édition du Corpus Juris civilis de Mommsen et Krüger (1899 et sv.) qui détrôna celle de Godefroy. Si les mérites deGodefroy en tant que philologue érudit ont été davantage appréciés que ses qualités de juriste, il faut insister sur la nouveauté pédagogique du « séminaire » qu’il a intro- duit dans les études juridiques. L’exercitium privatum de Godefroy se distinguait des disputationes,héritées de la scolastique, par le souci, tout moderne, de faire concourir l’ensemble des disciplines humanistes, et notamment l’histoire et la philologie, à la logique juridique traditionnelle. Avec les exercitia juris practica de son collègue Georg Obrecht©, la méthode de Godefroy a grandement contribué à la réputation européenne de l’Académie, puis de l’Université strasbourgeoise.

Stintzing-Landsberg, Geschichte der deutschen Rechtswissenschaft,1880-1884, t. I, p. 208 et sv., 386 et sv., p. 768 voit en lui un épigone et un grand polyhistorien. Les spécialistes français ont été plus élogieux. Pour Denis Simon, le Corpus juris civilis de Godefroy est « l’ouvrage le plus utile que nous ayons » ; Camus affirme que « …son texte est celui qu’on a adopté pour leçon commune dans les universités et au barreau » ; pour Ferrière, dans son Histoire du droit romain…, « les Notes de Godefroy sont regardées avec raison comme un chef-d’œuvre, à cause de la précision, de la clarté et de la profonde érudition qu’y déploie l’auteur ».

On trouvera dans E. Haag, La France protestante, t. V, 1855, p. 285-287, l’énumération à peu près complète des 52 titres d’ouvrages et d’études de Denis Godefroy ; pour les éditions, du Corpus juris civilis cf. H. Troje, Graecaleguntur, 1972, p. 90 à 103.

Le collègue et ami de Godefroy, l’historien Mathias Bernegger©, a rédigé l’éloge funèbre qui parut à Strasbourg le 10 septembre 1622, le jour de l’enterrement. Réimpression par Loisel dans les Opuscules. Les pièces en vers composées lors de son décès ont été réunies en un volume séparé; Godefroy-Ménilglaise, Les savants Godefroy, mémoires d’une famille pendant les XVIe, XVIIe et XVIIIe siècles, Paris, 1873 ; E. Haag, La France protestante, t. V, 1885, p. 283-288; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 1, 1909, p. 616-617 ; Iwand, Die juristische Fakultät der Universität Strassburg, 1917, p. 9-10; Neue Deutsche Biographie, VI, 1964, p. 656-657 ; A. Schindling, Humanistische Hochschuleundfreie Reichsstadt, 1977, p. 206, 314-316 et passim ; M. Thomann,« Humanisme et droit en Alsace », Grandes figures de l’humanisme alsacien, Strasbourg, 1978, p. 259-285; Dictionnaire de biographie française, XVI, 1982, 437.

Marcel Thomann (1988)