Famille noble (edelfrei) de Basse-Alsace, apparue au début du XIIe siècle avec Otto, avoué de Marmoutier et de Sindelsberg à partir de 1121 au moins, qui est peut-être identique à Otto de Bruchkirche (près de Weyersheim), cité en 1116 et 1129 (Urkb d. Stadt Strassburg I). Son fils Otto est le premier à se nommer de Geroldseck de façon sûre, à partir de 1141. Les origines des Geroldseck sont obscures ; on ne leur connaît pas de parenté avec les Geroldseck über Rhein ©. Certains indices suggèrent qu’ils descendent peut-être des comtes de Saarbrücken. Le fondement de leur fortune est l’avouerie de Marmoutier, qu’ils doivent à l’évêque de Metz. Au haut Moyen Âge, en effet, ce dernier avait pris pied en Basse-Alsace (dans la région de Saverne, mais aussi dans le Kochersberg et le long de la Zorn jusqu’en aval de Brumath), et fondé les abbayes de Neuwiller (dont, contrairement à ce que prétend Lehr, les Geroldseck n’ont jamais été avoués) et de Marmoutier, qui lui appartenaient à titre d’EigenkIöster. Mais dans la deuxième moitié du XIIe siècle, l’évêque de Strasbourg s’efforça de reprendre la haute main sur les positions messines en Alsace. Plutôt que de combattre les Geroldseck, à qui il eût incombé de les défendre, il semble avoir préféré acheter leur neutralité en leur donnant l’avouerie de ses propres Eigenklöster de Haslach (au plus tard 1156), Saint-Étienne (au plus tard 1157) et peut-être Surbourg, avant de les écarter de Saverne par la diplomatie (1193). Tous les avoués avaient coutume de s’enrichir aux dépens des églises qu’ils étaient censés protéger, mais les Geroldseck ont pressuré Marmoutier d’une façon particulièrement rigoureuse, profitant de ce que la contre-offensive de l’évêque de Strasbourg paralysait celui de Metz. Tant et si bien que la marche de Marmoutier devint peu à peu la seigneurie de Geroldseck, et que partout où l’on trouvait aux Xl-Xlle siècles des biens de l’abbaye, on rencontre aux XIII-XIVe siècles des biens des Geroldseck et (ou) des Ochsenstein © (branche des Geroldseck) et des Greifenstein © (branche des Ochsenstein). En effet, au plus tard en 1186, une branche cadette des Geroldseck a pris le nom d’Ochsenstein et reçu en partage, notamment, la frange Sud de la marche de Marmoutier et l’avouerie de Haslach. Au XIVe siècle encore, les Geroldseck et les Ochsenstein avaient des fiefs communs, par exemple Wangen, Scharrachbergheim et Surbourg. Malgré cette amputation, la fortune et le prestige des Geroldseck ne diminuèrent nullement. En témoignent leur présence régulière au Grand Chapitre de Strasbourg depuis le XIIe siècle, et leurs alliances : quand ils ne s’unissaient pas à des familles de même rang qu’eux (Horburg, Esch en Luxembourg, Fénétrange ©, Louppy), les Geroldseck du XIIIe siècle se mariaient avec des membres de familles comtales (Wildgraf von Kirburg, Werd-Réchicourt, Tierstein, Fribourg, Veringen, Lupfen, Neuchâtel, Deux-Ponts, Fürstenberg). Au XIVe siècle, les mariages comtaux se firent plus rares ; dans la deuxième moitié du siècle, on vit même deux filles de Geroldseck épouser l’une un d’AndIau ©, l’autre un Wangen © (familles d’origine ministérielle, mais particulièrement prospères). C’est qu’entre-temps la famille de Geroldseck s’était divisée en plusieurs branches — deux vers le milieu du XIIIe siècle, quatre à la génération suivante — d’où en 1287-88 une série d’actes de partage (Archives Nationales, K 2340/1) qui apporte des renseignements fragmentaires, mais bienvenus sur le patrimoine familial : c’est ainsi que certains biens des Geroldseck en Lorraine (Insming, Metting et Postroff (?), Guermange et Langatte, etc.) émergent de l’obscurité à cette occasion. Mais chaque branche ne disposait évidemment que d’un quart du patrimoine familial, et il n’y avait peut-être même pas un château pour chacune: deux branches au moins se partageaient Gross-Geroldseck, dans une troisième apparut au milieu du XIVe siècle le surnom de Stenzeler, qui fait allusion au château de Stenzel (auj. Geroldseck-sur-Sarre, commune de Niederstinzel) ; la quatrième résidait peut-être à Klein-Geroldseck, qui est cité en 1360 (P. Marichal, Cartulaire de l’évêché de Metz, II, 1908, p. 148), et remonte certainement au XIIIe siècle d’après son architecture (en revanche, on ne voit pas sur quoi se fondent Moeller et Freytag von Loringhoven pour localiser à Klein-Geroldseck une branche de la famille au XIIIe siècle). La ville de Marmoutier, fief messin, était commune aux quatres branches ; les Geroldseck lui octroyèrent des franchises entre 1274 et 1294 (ABR, FI 610/6-7). Simon von Geroldseck tenta aussi de faire de Landersheim une ville (Archives Nationales, K 2340/1 : 1290), mais échoua. Les quatres branches de la famille s’éteignirent l’une après l’autre au XIVe siècle. Volmar von Geroldseck, dernier du nom, mort vers 1390, conclut avec l’évêque de Metz, en 1381, un accord sur la dévolution de ses fiefs messins : la moitié ferait retour à l’évêché, l’autre reviendrait à sa mère Walburg von Lützelstein (de La Petite-Pierre) et à ses sœurs, mariées à Rudolf von Ochsenstein et Erhard von Wangen. Des parts de la seigneurie de Geroldseck passèrent ainsi aux Wangen, et (par mariage avec une Lützelstein) aux Rappoltstein. Comparés aux autres familles baronniales d’Alsace, les Geroldseck. n’ont connu ni l’ascension des Lichtenberg ou des Rappoltstein, ni la déchéance des Greifenstein ou des Horburg. Ils ont acquis d’emblée une position très solide, fondée pour l’essentiel sur l’avouerie de Marmoutier (celle de Haslach a passé aux Ochsenstein, celle de Saint-Étienne a été sous-inféodée aux Wangen, celle de Surbourg apparemment aux Scharfenberg, puis aux Fleckenstein, cf. Archives départementales du Haut-Rhin, E 835 p. 71 ; l’avouerie locale de biens de Schwarzach n’a pas joué un grand rôle). Cette position, ils ont su la maintenir, mais non la dépasser. Ils ne se sont signalés comme fondateurs ni d’établissements religieux, ni de villes, et n’ont pas eu de politique castrale perceptible. Mais en fait il est prématuré de porter un jugement d’ensemble sur une famille qui, ayant trouvé trop tôt son historien, reste fort mal connue. En particulier, son versant lorrain est beaucoup plus obscur que son versant alsacien, et il reste à étudier son insertion dans les réseaux féodo-vassaliques.
Lehr, « Les dynastes de Geroldseck-ès-Vosges », Bulletin de la Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace, 7, 1870, p. 22-64, et 8, 1872, p. 113-115 ; F. Sigrist, L’abbaye de Marmoutier, 1899 (à utiliser avec précaution) ; R. P. Levresse, « Prosopographie du chapitre de l’église cathédrale de Strasbourg de 1092 à 1593 », Archives de l’Église d’Alsace, 18, 1970, p. 1-39 ; M. Parisse, Actes des princes lorrains, 2/1, Les évêques de Metz (2 fasc. parus, sans date) ; D. Schwennicke, Europäische Stammtafein NF 11, 1986, pl. 76 et introd.; B. Metz, « Note sur l’histoire de Klein-Gerolseck », Études Médiévaies, 4, 1988.
Bernhard Metz (1988)