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GERHAERT von LEIDEN Nicolaus

Sculpteur (? inconnue vers 1430/40? † probablement 1473 à Wiener-Neustadt).

Fils de Nicolaus Gerhaert ? N. N. ; 2 enfants : Peter, demeure à Strasbourg jusqu’en 1489 ; Apollonia, épouse de Jörg Schongauer (g), orfèvre.

Célèbre sculpteur de la fin du XVe s., mentionné sous différentes dénominations : nicola gerardi de leyd (1462) d’après l’inscription gravée sur la pierre tombale de Jacob von Sierck, archevêque de Trèves : Niclasen Pilhawer dans la lettre de l’empereur Frédéric III du 2 décembre 1463 ; Claes. (G)erhaert. Soen d’après la légende du sceau de l’artiste de 1464 ; Niclaus von Leiden, der Bildehouwer zu Straszburg dans le contrat d’entretien du portail de la Chancellerie de Strasbourg du 14 juin 1464 ; Meister Niclaus von Leiden, der bildehower d’après l’inscription au livre de bourgeoisie du 30 août 1464 ; Meister Niclaus der Bildhower d’après l’Almendbuch de 1466 (p. 130) ; Niclaus von Leyen sur le crucifix de Baden-Baden (1467) ; Nicolaus Werichmaister detz grossen baus zu Straspurg sur la pierre tombale de Wiener-Neustadt (cité d’après W. Paatz). Il y a lieu d’interpréter avec prudence le sens des noms de lieux de Leiden et Leien : ce dernier, désignant plusieurs localités de la région Rhin et Moselle, n’est pas forcément identique à Leiden en Hollande où la présence de l’artiste ni aucune de ses œuvres ne sont attestées. Dans la littérature récente, l’artiste est généralement cité sous Nicolas Gerhaert de Leyde ou plus simplement sous Nicolas de Leydes. Seules onze années de sa vie (1462-1473) sont documentées par des pièces d’archives. Elles nous assurent qu’il a travaillé successivement à Trèves, Strasbourg, Baden-Baden, Constance, Vienne et Wiener-Neustadt. On ignore tout de sa jeunesse et de sa formation. Mais dès 1462 il était un artiste accompli, comme le prouve l’exécution du gisant de Trèves.

On ne connaît pas la date exacte de son arrivée à Strasbourg où, avant d’acquérir le droit de bourgeoisie le 30 août 1464, il fut Schultheissenbürger, c’est-à-dire bourgeois peu fortuné n’ayant pas accès à toutes les charges politiques ou administratives de la cité. La réputation de son talent a précédé N. de Leiden à Strasbourg, car dès son arrivée il fut chargé de la décoration du portail de la nouvelle Chancellerie achevée à Pâques 1463 pour un montant de 234 florins. Le 14 juin 1464, N. de Leiden signa avec la ville un contrat d’entretien gratuit du portail d’une durée de vingt ans pour les détériorations pouvant intervenir par suite d’intempéries. La nouvelle de la qualité d’exécution de ce magnifique portail, détruit dans l’incendie de 1686 et dont il ne reste que les deux bustes, l’un conservé au Musée de l’Œuvre Notre-Dame, l’autre au Liebighaus de Francfort, a dû parvenir à la cour impériale de Vienne d’où l’empereur Frédéric III écrivit le 2 décembre 1463 au Magistrat de Strasbourg, le priant de lui envoyer le célèbre sculpteur pour travailler à la Cour. Mais N. de Leiden n’y donna pas suite immédiatement. En effet, en 1464 il réalisa l’épitaphe dite « du chanoine de Busnang » à la chapelle Saint-Jean de la cathédrale de Strasbourg, signée n. v. Leiden. Entre 1465 et 1467, il exécuta un retable en bois, aujourd’hui disparu, à la cathédrale de Constance et les stalles du chœur. En 1467 enfin, il sculpta le crucifix en pierre de l’ancien cimetière de Baden-Baden, aujourd’hui à la Stiftskirche, crucifix très proche de celui de Nördlingen qu’on lui attribue également. Une deuxième lettre de Frédéric III du 5.6.1467 dans laquelle le souverain lui demanda de faire ettlich grabstain, travail pour lequel des arrhes avaient déjà été versées, décida N. de Leiden d’aller à Vienne tout en gardant encore, semble-t-il, sa maison rue Sainte-Élisabeth à Strasbourg. Parmi les œuvres qui sont attribuées à N. de Leiden ou à son atelier, on cite généralement : les sculptures de Sainte-Marie au Capitole à Cologne, quatre bustes reliquaires de saintes, originaires de Wissembourg, aujourd’hui dispersés à New-York et à Chicago, mais dont les moulages sont conservés au Musée de l’Œuvre Notre-Dame à Strasbourg, la Vierge en buste d’Erstein qui s’apparente à ceux de Wissembourg, et le buste de l’homme accoudé en pierre, également au Musée de l’Œuvre Notre-Dame, considéré par certains historiens de l’art comme un autoportrait. Si la biographie de N. de Leiden est brève, l’influence de son œuvre est immense par la nouveauté de ses conceptions. Son art semble avoir été fécondé par la peinture des Pays-Bas, notamment par celle des van Eyck, et les deux bustes de la Chancellerie de Strasbourg prouvent des contacts avec le milieu slutérien et postslutérien. Certaines œuvres de N. de Leiden révèlent une parenté avec des gravures du maîtres E. S.

Notre artiste développe une nouvelle sensibilité réaliste et innove en introduisant la « mode » du buste accoudé. Celui-ci s’est répandu à partir de l’œuvre de N. de Leiden dans le sud de l’Empire germanique aussi bien dans la sculpture monumentale que dans celle des retables et des stalles. La nouveauté principale de ces figures en buste réside dans le rapport original qu’elles établissent entre leur regard et son objet. L’influence de N. de Leiden s’est fait incontestablement sentir autour de 1500 sur les artistes Conrad Sifer, Hans Hammer, Hans von Ach, Veit Wagner et Nicolas de Haguenau ©. N. de Leiden occupe un rôle dominant dans l’esthétique et l’iconographie de la fin du Moyen Âge.

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Monique Fuchs (1988)