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GÉRANDO Marie-Anne Suzanne de Rathsamhausen, baronne de

Epistolière, (C) (★ Grussenheim 31.5.1771 † Thiais 21.7.1824). Issue de la branche d’Ehenweyer, rameau de Grussenheim, fille de Léopold Evrard de Rathsamhausen, (★ 1728 † 1795), et de Marie-Suzanne Frédérique Lambert, fille de Jean Lambert, baron de Malsen de Tilborch, et de Marie-Anne, baronne de Valcourt. ? 27.12.1798 à Riquewihr Joseph Marie de Gérando, de Lyon, alors réfugié à Colmar au régiment des Chasseurs à cheval, futur conseiller d’État, pair de France, membre de l’Institut, créé baron par Napoléon Ier (décret du 15 août 1809 suivi de lettres patentes du 17 mars 1811) sous la dénomination de baron de Rathsamhausen. Ruinée par la Révolution, Annette fut remarquable par la vigueur de son esprit qui tranchait sur la condition imposée aux femmes à cette époque. « Abandonnée à moi-même depuis la mort de ma mère (1789), je n’ai pas eu les ressources de l’éducation qu’elle eût été bien capable de me donner » (sa mère avait été élevée à Saint-Cyr). « Mon ignorance en bien des choses est excessive ». C’est à force de veilles et de lectures qu’elle est parvenue à la dissiper, par la volonté, sans doute mais aussi par ses fréquentations : elle partageait son temps entre Grussenheim, où elle avait une maison, et la famille des demoiselles de Berckheim © et de Pfeffel © qui, disait-elle, « lui a servi de père et qui est le meilleur de (ses) amis ». Avec sa femme et ses quatre filles, le baron de Berckheim avait quitté sa propriété de Schoppenwihr pour venir habiter Colmar ; une véritable amitié lia les jeunes filles aux filles du poète ; les rejoignirent les nièces de Dietrich ©, premier maire de Strasbourg, et la fille de la baronne d’Oberkirch : tel fut le groupe, auquel se joignit Annette, qui formait une petite « société littéraire », présidée et dirigée par le poète. Les unes et les autres laissèrent des lettres, mémoires et journaux intimes d’une valeur littéraire incontestable. Annette de Rathsamhausen s’enthousiasmait
pour la littérature allemande : « Je lis avec ravissement quelques strophes, une ode de Klopstock. Lisez la Louise de Voss… Hermann et Dorothée de Goethe » ; elle lisait Kant et appréciait sa philosophie à laquelle elle initia son fiancé, Gérando qui y excella. Sa foi catholique ne fut pas entamée par le rationalisme de Pfeffel, elle pratiquait la tolérance religieuse, s’indigna des proportions effrayantes prises par le paupérisme à Strasbourg en 1798 : ·« Les riches sont si durs, si blasés… » ; elle suivit la carrière de son mari devenu en 1804 secrétaire général du ministère de l’Intérieur mais qui ne réussit pas à obtenir la transformation, en lycée, du collège de Colmar. La baronne resta en relations avec les « Illuminés d’Alsace » sous la Restauration. Elle fut un bel exemple de « double culture » et de la volonté justifiée d’émancipation féminine et spirituelle manifestée au sein du groupe de Pfeffel.

Lettres de la baronne de Gérando, née de Rathsamhausen, suivies de fragments d’un journal écrit par elle de 1800 à 1804, publiées par le baron de Gérando, son fils, Paris, 2e édition, 1880 ; Souvenirs d’Alsace. Correspondance des demoiselles de Berckheim et de leurs amis (1797-1846), Paris, 1894 ; Th. Schoell, « Pfeffel et le baron de Gérando », Revue d’Alsace, t. 47, 1896, p. 61-86 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. I, 1909, p. 582 ; P. Leuilliot, L’Alsace au début de XIXe siècle, t. 3, Religions et culture, Paris, 1960 ; M.-J. Bopp, « Le groupe de Pfeffel », Les Lettres en Alsace, Strasbourg, 1962, p. 167-178 ; Dictionnaire de biographie française, XV, 1981 1199 ; Encyclopédie de l’Alsace, VI, 1884, p. 3348.

† Georges Livet (1988)