Minéralogiste, (C) (★ Pontechianale, Italie, 6.2.1708 † Villefort, Lozère, 19.11.1785).
Fils d’Antoine Gensanne, propriétaire dans la vallée de Château-Dauphin (Casteldelfino) relevant jadis du Dauphiné français, et d’Anne-Marie Meyer. ∞ v. 1742 à Paris Françoise Jouniaux. Études supérieures de mathématiques et de physique à Montpellier où s’étaient établis certains membres de sa famille. Vers l’âge de 28 ans, il fut admis à l’Académie des Sciences de Montpellier où il présenta en 1736 son premier mémoire manuscrit intitulé Description d’un planisphère, cadran et machine, pour observer les astres par le méridien, suivi en 1738 d’Observations sur un météore igné en forme de comète ; dès cette époque, le jeune savant porta le titre d’ingénieur du roi et ne signa plus sans la particule. L’orientation de ses recherches changea brusquement ; en 1741, Gensanne présenta trois études applicables à la prospection minière, notamment pour le dégagement des puits et des galeries : Manière d’employer l’eau pour les pompes ; Nouvelle correction faite aux pompes ; Observations sur un niveau construit de manière que ses pièces essentielles soient à l’abri du vent. Établi à Paris à partir de 1742, il entra l’année suivante dans la Compagnie des mines d’Alsace et de Franche-Comté, formée dans la capitale avec des capitaux britanniques, pour l’exploitation des gisements non ferreux de Plancher-les-Mines, du comté de Belfort (Giromagny) et de la vallée de Saint-Amarin (Urbès). Investi des fonctions de directeur général de la compagnie minière, il en fut également le principal technicien. En 1751, la réorganisation de la société fit d’A. de Gensanne le principal concessionnaire des mines d’argent et de cuivre du sud de l’Alsace et du nord de la Franche-Comté, après avoir effectué en 1748-1749 une importante tournée d’inspection dans les domaines de l’abbaye de Lure et dans toutes les vallées et vallons de Haute-Alsace. Tout en redonnant consistance aux exploitations de Plancher par la réouverture d’anciens puits, Gensanne envoya des ouvriers sur les filons de cuivre découverts à Osenbach, près de Soultzmatt – dans les terres du prince-évêque de Strasbourg -, mais aussi et surtout à Urbès, au fond de la vallée de Saint-Amarin. Ayant demandé à cet effet une concession exclusive, il obtint des lettres patentes les 4 janvier et 26 février 1752. Mais l’ingénieur du roi n’a pas attendu ce moment pour faire démarrer les travaux au pied du col de Bussang et constituer une sous-société pour financer cette nouvelle entreprise minière ainsi que la construction d’une fonderie à Urbès. C’est également à A. de Gensanne que l’on doit la redécouverte des houillères de la région belfortaine (Ronchamp et Champagney), dont l’exploitation ne se développa guère sur le moment, mais qui ont joué un rôle non négligeable dans le développement de l’industrie mulhousienne à la fin du XVIIIe siècle et au début du XIXe siècle. Ses recherches ayant fait autorité, Gensanne devint, en 1757, membre correspondant de l’Académie royale des sciences de Paris et présenta son fameux mémoire « Sur l’exploitation des mines d’Alsace et du comté de Bourgogne » publié dans les Mémoires de mathématique et de physique… (tome IV, Paris, 1763) puis réimprimé dans Gobet, Les anciens minéralogistes... (tome II, Paris, 1772). En 1770 et 1776 parurent à Paris les deux volumes de son Traité de la fonte des mines par le feu du charbon de terre qui fit de lui l’un des pionniers de la fonte au coke et connut une large diffusion. À la suite de difficultés survenues entre les nouveaux associés de la Compagnie des mines d’Alsace et de Franche-Comté, Gensanne quitta définitivement la région à la fin des années 1760. Par la suite, lui-même, puis son fils Antoine-François, tentèrent sans succès d’obtenir de nouvelles concessions en Haute Alsace. Après l’abandon des exploitations de Plancher et d’Urbès, Gensanne fut appelé en 1763 par la Compagnie des mines du Roussillon pour prendre la direction de l’entreprise d’Arles-sur-Tech, au sud de Perpignan. Cette société ayant périclité à son tour, il retourna à Montpellier pour se consacrer à ses recherches et à ses visites d’inspection. De 1770 à 1776, il effectua des voyages pour le compte des entrepreneurs des mines de la principauté de Nassau-Sarrebruck, de celles de l’électorat de Trêves, de Hayange en Lorraine et de Montcenis près du Creusot, où il tenta de poursuivre les essais du minéralogiste Gabriel Jars sur l’utilisation du coke dans les hauts-fourneaux. En 1776, il publia à Montpellier : La géométrie souterraine ou Traité de géométrie appliqué à l’usage des travaux des mines ; Gensanne était alors député par les États de Languedoc pour l’inspection des mines de cette province. De 1776 à 1779 parurent à Montpellier les cinq tomes de son maître ouvrage, l’Histoire naturelle de la province du Languedoc, partie minéralogique et géoponique, avec un règlement sur la manière d’exploiter les mines de charbon de terre. En 1780, le gouvernement cherchant à endiguer la crise du bois envoya à tous les concessionnaires de houillères du royaume un fascicule rédigé par Gensanne et intitulé Mémoire sur la manière de préparer le charbon de terre et de le rendre propre à remplacer le charbon de bois dans les forges à fer et autres usages. Son dernier ouvrage imprimé, Mémoire sur les fossiles du Bas-Dauphiné, parut à Avignon en 1781. Le 15 février de cette année, il demanda sa vétérance à l’Académie des sciences de Montpellier puis se retira à Villefort auprès de son fils Antoine-François qui, après avoir été chargé de mission du gouvernement en Corse, avait succédé à son père comme inspecteur des mines du Languedoc, puis était devenu concessionnaire des mines des Cévennes et directeur des exploitations de Villefort. Gensanne, qui a œuvré près de vingt ans dans le sud de l’Alsace, peut être considéré comme « l’un des plus grands noms de l’industrie minière dans la seconde moitié du XVIIIe siècle » (H. Lüthy).
Archives paroissiales de Pontechianale (prov. de Cuneo, Italie), registre des baptêmes ; Archives départementales de la Lozère, C Suppl. 3248 et état civil de Villefort; Archives départementales de l’Hérault, C 2704 n° 8 (mines de Villefort), C 2712 (correspondance sur les mines), D 154, 262, 269 (activités à l’Académie de Montpellier) ; Archives départementales du Haut-Rhin et Archives départementales de la Haute-Saône : nombreuses références sur les mines d’Urbès et de Plancher (voir ouvrage cité ci-dessous de J.-M. Schmitt, notes des chapitres I à V du Livre II ; P.-F. de Dietrich, Description des gîtes de minerai, forges, satines, verreries de la Haute et Basse Alsace, t. 2, Paris-Strasbourg, 1789 ; Notice biographique lacunaire et partiellement erronée dans L.-G. Michaud, Biographie universelle, Paris, 1811-1862, t. 16, p. 191; J.-M. Schmitt, Aux origines de la Révolution industrielle en Alsace, Strasbourg, 1980, p. 128-132 et passim ; Dictionnaire de biographie française, XV, 1982, 1073 (même remarque que pour la notice figurant dans la Biographie universelle).
Jean-Marie Schmitt (1988)