Famille noble de Lorraine thioise, étroitement mêlée à l’histoire de la Basse-Alsace. Les Fénétrange descendent des nobles (Edelfreie) de Malberg an der Kyll (Eifel), dont une branche a acquis avant 1136 l’avouerie des biens de Remiremont autour de Fénétrange. Merboto de Malberg (1195-1233) s’est nommé de Fénétrange à partir de 1224. Son fils aîné Cuno fonde la branche des Fénétrange-Brackenkopf, seigneurs de Faulquemont, son fils puîné Brunicho celle des Fénétrange-Schwanenhals, ainsi surnommées d’après le cimier de leurs armoiries; le mariage de leur sœur Ida avec Burkhard de Wangen avant 1225 semble une légende tardive. Dès la première moitié du XIIIe siècle, les Fénétrange –par mariage avec une héritière de Merboto de Greifenstein ©, selon D. Schwennicke- avaient des biens entre Saverne et Sarrebourg, et d’autres le long de la Mossig, de Wasselonne à Mutzig, en particulier les villages de Dahlenheim (avant 1221: Regesten der Bischöfe von Strassburg, II, 871) et de Wolxheim, plus tard inféodés aux Hohenstein. La liste de leurs vassaux, dressée vers 1240, montre l’étendue de leurs relations en Alsace; en particulier, de nombreux ministériaux de l’Empire (Rathsamhausen, Hochfelden, etc.) et de l’Église de Strasbourg (Beger, Wolxheim, Truchtersheim, Epfig, le maréchal de Strasbourg, Blide) tiennent d’eux des fiefs, dispersés entre Sélestat et Saverne.
Bibl. sur les Fénétrange au XIIIe siècle: V. Châtelain, «Histoire de la seigneurie de Créhange», Annuaire de la société d’histoire et d’archéologie lorraine, 3, 1891, 175-224 (l’auteur étudie les origines des Fénétrange parce qu’il croit, à tort, que les Créhange descendent d’eux); V. Châtelain, «Ein Vasallenverzeichnis der Herren von Finstingen aus der Mitte des 13. Jhs», ibid. 5/2, 1895, p.1-68; M. Parisse, La noblesse lorraine, 1976 (thèse reprographiée); M. Parisse, Noblesse et chevalerie en Lorraine du XIe au XIIIe siècle, Nancy, 1982, p.155-158, 385-386 et index.
1. Heinrich
(† 26.4.1286), 3e fils de Merboto; chanoine de Strasbourg (1241-65 au moins), chantre de Verdun (1250), doyen de Metz (1254), archevêque de Trèves (1260-86). En juin 1261, il soutint l’évêque Walter de Geroldseck ©, son parent, contre la ville de Strasbourg, mais retira rapidement ses troupes après l’échec d’un assaut sur le faubourg Sainte-Aurélie.
A. Hessel & M. Krebs, Regesten der Bischöfe von Strassburg II, 1928, index; W. Wiegand, Bellum Waltherianum, 1878, p.62-64; R. P. Levresse, «Prosopographie du chapitre cathédral de Strasbourg de 1092 à 1593», Neue Deutsche Biographie, 17, 1970, p.12-15; Neue Deutsche Biographie, XIII, 1969, 403 (avec bibliographie).
2. Hugo (Schwanenhals)
(★ 1270 † 1304), fils de Brunicho; par son mariage avec Katharina von Zweibrücken (Deux-Ponts), il devint seigneur de Diemeringen avant 1275 et conféra des franchises à cette ville en 1289.
K. Pöhlmann & A. Doll, Regesten der Grafen von Zweibrücken, 1962, n°232; H. W. Herrmann, «Beiträge zur Gesch. der Stadt Diemeringen», Pays d’Alsace 104, 1978/III, p.15.
3. Heinrich
(★ 1309 † 1335), fils de Johann von Vinstingen-Brackenkopf; partisan de Louis de Bavière, qui en fit son Landvogt (grand bailli) en Alsace en 1323-24. Enterré à Fénétrange avec sa femme Walburg von Horburg († 1362).
Châtelain, «Créhange», art. cité, p.182; J. Becker, Geschichte der Reichslandvogtei im Elsass, 1905, p.31-32; cf. aussi J. Becker, «Die Landvögte des Elsass 1308-1408», Beilage zum Jahresbericht des bischöfl. Gymnasiums zu Strassburg, 1894, et J. Becker, «Die Wirksamkeit und das Amt der Landvögte des Elsass im 14. Jh.», Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins, 49, 1895, p.321-360.
4. Johann
(★ 1318 † 1379), fils de Heinrich de Fénétrange, chanoine de Strasbourg (1318-29) et de Cologne (1339), puis marié (?); tint la Landvogtei (grand bailliage) d’Alsace en gage de Charles IV pour 600 marcs d’argent (1348-49) et pardonna aux villes d’Empire, au nom du roi, les pogroms de 1348.
Levresse, art. cité, p.22; Becker, Geschichte, ouvr. cité, p.37.
5. Ulrich
(★ 1334 † 1387), frère de Johann, Unterlandvogt (lieutenant du grand bailli en titre, le duc Wenceslas de Luxembourg) en 1367-69, 1370-71 et 1377-84.
Becker, Geschichte, ouvr. cité, p. 45-46 et 50-51.
6. Hugo ou Hugelmann (Hügelmann) von Vinstingen (Schwanenhals)
Doyen du chapitre cathédral de Strasbourg, (C) (★ vers 1360 † Strasbourg (?) 1422/23, avant 7.12.1423). Arrière-arrière-petit-fils de Hugo, fils de Jacob I et de Margarete von Vinstingen (-Brackenkopf), fille d’Ulrich. Chanoine du Grand Chapitre de Strasbourg déjà en 1375, il en devint en 1412 le doyen, après avoir évincé son prédécesseur sous prétexte que celui-ci était aussi évêque d’Augsbourg. Selon une supplique du 10 janvier 1421 il était encore chanoine et chorévêque de la cathédrale de Cologne (déjà en 1414), recteur de la paroisse Saint-André de Strasbourg et de l’église de Wolxheim. Le fait d’être boiteux ne l’empêcha pas de concevoir le projet ambitieux de supplanter l’évêque Guillaume de Diest © qui dilapidait le temporel de l’évêché et rançonnait le clergé. En mars 1405 Hugo s’assura la connivence du Magistrat de Strasbourg et de la majorité du Grand Chapitre et fut nommé en mars 1406 comme un des trois commissaires chargés pour dix ans d’administrer, à l’exclusion de l’évêque, ce qui restait des possessions épiscopales. Au début de 1415 il conclut un accord avec la Ville, dans lequel il promettait de laisser à celle-ci pendant plusieurs années les revenus de l’évêché s’il devenait évêque. En été de la même année le Grand Chapitre porta plainte devant le Concile de Constance contre Guillaume de Diest, mais celui-ci n’obtempéra pas à la citation des pères conciliaires. Aussi le 3 décembre 1415 Hugo et ses complices du chapitre et de la ville s’emparèrent-ils à Molsheim de l’évêque et entamèrent-ils pour de bon le procès contre celui-ci devant le Concile. En même temps Hugo s’assura l’appui du clergé diocésain par la conclusion entre ce dernier et le Grand Chapitre de la Grande Confraternité du 23 décembre 1415, qui pendant plus d’un siècle mit un frein efficace à l’arbitraire des évêques strasbourgeois. À la suite de longues discussions et tractations au Concile, Hugo et ses acolytes furent excommuniés le 3 juin 1416 et ne furent absous que le 22 mars 1418, après avoir libéré Guillaume de Diest. En raison des dissensions nées dans le Grand Chapitre et de la volte-face de la ville en octobre 1418, les efforts de Hugo pour faire déposer l’évêque échouèrent : celui-ci fut confirmé par le pape Martin V le 7 octobre 1420, mais dut finalement s’arranger le 4 mai 1422 avec le Grand Chapitre et le clergé en reconnaissant leurs prérogatives accrues. De guerre lasse, Hugo essaya en vain en 1421 de devenir doyen de la cathédrale de Cologne.
Ph. A. Grandidier, Oeuvres historiques inédites, t.IV, Colmar, 1866, p.253, 273, 281-319; H. Finke, «Der Strassburger Elektenprozess vor dem Konstanzer Konzil», Strassburger Studien, 2 (1884), p.101-112, 285-304, 403-430; du même, «Die grössere Verbrüderung des Strassburger Clerus vom Jahre 1415», Westdeutsche Zeitschrift für Gesch., 3 (1884), p.372-385; H. Kaiser, «Die Konstanzer Anklageschriften von 1416 und die Zustände im Bistum Strassburg unter Bischof Wilhelm von Diest», Zeitschrift für die Geschichte des Oberrheins 61 (N.F.22, 1907), p.387-455 (v. spéc. p.412-414); Acta Concilii Constantiensis, hsg.v.H. Finke, t.II et IV, Münster i.W., 1923-1928, passim; Repertorium Germanicum, t.3 (1409-1417), bearb. v.U. Kühne, Berlin, 1935, col. 179, et t. 4 (1417-1431), bearb.v.K.A. Fink, Berlin, 1941-1943, col. 1488; L. Pfleger, Kirchengesch, der Stadt Strassburg im Mittelalter, Colmar, 1941, p.151-155; Fr. Rapp, Réformes et Réformation à Strasbourg… (1450-1525), Paris, 1974, p.122-127; Europäische Stammtafeln N.F.hsg.v.D. Schwennicke, t.XI, Marburg, 1986, pl.44 (les indications sur les dates et dignités de Hugo sont en partie sujettes à caution).
Jean Rott (1988)
7. Jean (Johann)
(★ 1422 † 1467), fils de Heinrich ©, neveu d’Ulrich ©.; appelé Schan ou Tschan (prononciation allemande de Jean) dans les chroniques alsaciennes. Maréchal de Lorraine. En guerre avec les Lichtenberg, il prit à son service, en 1439, une troupe d’Armagnacs et la mena en Alsace, où elle commit les pires excès. Lorsque les Armagnacs reparurent en Alsace en 1444, cette fois sous la conduite du dauphin Louis, il leur servit d’informateur et d’intermédiaire auprès des pouvoirs locaux. Ce jeu trouble l’enrichit (par exemple aux dépens de Hans von Wangen: Archives municipales de Strasbourg III 205/9), mais le fit détester. Après le départ des Armagnacs en 1445, il poursuivit les hostilités contre Strasbourg. C’est parce qu’elle était dirigée contre lui que la guerre de Wasselonne (1448), dont la principale victime fut son vassal Walter von Dahn, fut si populaire. En 1451, il fut l’allié des Lichtenberg dans leur guerre victorieuse contre les Leiningen (Linange) et les Ochsenstein. Avec ses deux filles s’éteignit la branche de Fénétrange-Schwanenhals. Celle de Fénétrange-Brackenkopf disparut au début du XVIe siècle avec Johann, archidiacre de Trèves.
Sur Jean: H. Witte, Die Armagnaken im Elsass, Strassburg, 1890, p.13, 73, 83, 86, 150; Code historique et diplomatique de Strasbourg II, 1848, p.163, 165, 177,180-181, etc. Sur l’ensemble de la famille: D. Schwennicke, Europäische Stammtafeln XI, 1986, n°44-45 et introduction.
Bernhard Metz (notices 1-5 et 7)