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FAHRENBIEHLER Marie Anne Agathe

En religion Sœur Marie Anne, des Sœurs de la Charité de Strasbourg (★ Sélestat 5.2.1767 † Sélestat 5.5.1852).

Fille de Michel Fahrenbiehler, originaire de Riegel/Bade, tailleur d’habits, et d’Anne Marie Guth, native de Châtenois, domiciliés à Sélestat. Deux frères Chartreux à Molsheim : Anton et Michael Fahrenbiehler. Le 2 juillet 1787, elle fut reçue dans la communauté des Sœurs de la Charité de Saverne, fondée dans l’hôpital de cette ville en 1734 par le cardinal de Rohan. Dès les premiers jours de la tourmente révolutionnaires les sœurs furent chassées de l’hôpital, le mardi gras de l’an 1790. Sœur Marie Anne Fahrenbiehler réussit à sauver deux documents importants ; le Règlement de la Congrégation – précieux manuscrit rapporté en 1734 de Chartres où avaient été formées les premières sœurs – et le Registre des Professions. Appelée le 15.3.1790 à Colmar, à l’hôpital dont la « commission » demandait des sœurs de la Charité, elle en fut chassée le 15 juin 1792, ayant refusé de se rendre, avec les orphelins, au culte des prêtres assermentés. À la demande de monsieur le supérieur Charles Spitz, sœur Marie Anne Fahrenbiehler raconte son périple dans un manuscrit de 1849. Sœur Marie Anne se décida à émigrer. Elle falsifia un ancien passeport de son frère Ignace (le chartreux P. Michael) déjà sorti de France, le fit valoir comme laisser-passer pour tout un groupe de religieuses en extorquant une signature à un douanier, et entra ainsi en Suisse, à pied, en octobre 1792. À Bremgarten, elle obtint de servir comme garde-malade au couvent Sainte-Claire. La mère abbesse, confia d’abord à ses services Fräulein von Moor, atteinte d’épilepsie, puis trois nobles émigrées françaises dont la princesse Adélaïde d’Orléans, fille de Philippe Égalité, sœur du futur roi Louis-Philippe, qui résida lui-même à Bremgarten sous le nom de monsieur Corby, à partir de l’automne 1793. Interprète, dame de compagnie, « la petite sœur de Charité », selon un récit de l’époque, « prit part aux discussions philosophiques de ces dames et a souvent réduit au silence madame de Genlis, marquise de Sillery, la spirituelle gouvernante de la princesse d’Orléans.

La piété solide et l’esprit naturel, la répartie vive de la religieuse ont toujours triomphé des idées hasardées de la femme philosophe. Sœur Marie Anne trouva aussi des mots de réconfort quand arriva la nouvelle de l’exécution sur la guillotine de l’époux de la marquise (31.10.1793) et du père de la princesse (6.11.1793). Adélaïde d’Orléans, dont la retraite avait été découverte, dut bientôt émigrer ailleurs. Sœur Marie Anne Fahrenbiehler quitta le couvent de Bremgarten le 29.1.1797, munie d’une attestation élogieuse de la Mère abbesse, pour se rendre à Ettenheim où le cardinal Louis René de Rohan-Guéméné, avait accueilli dans sa résidence en pays de Bade, les sœurs de la Charité chassées de Haguenau et celles qui avaient pu les rejoindre successivement. Sous la conduite de sœur Vincent Lamy, elles y assuraient le service dans l’hôpital et bientôt dans les deux lazarets ouverts par le cardinal. Sœur Marie Anne Fahrenbiehler fut admise dans cette communauté, elle y servira pendant deux ans, puis devra répondre avec d’autres compagnes à une demande de l’hôpital de Fribourg en Brisgau où elles resteront jusqu’en 1816, tandis que les sœurs d’Ettenheim retourneront à Saverne en 1804 après la mort du cardinal de Rohan (17.2.1803). Dès 1801, les autorités du régime napoléonien avaient souhaité leur retour en France, mais le cardinal, après l’assassinat du duc d’Enghien, les avait retenues. À Fribourg, sœur Marie Anne Fahrenbiehler s’attira la reconnaissance des autorités et de la population par un travail remarquable, notamment pendant les deux épidémies de typhus de 1809 et de 1814-1815. Elle y fut supérieure de 1808 à 1816. Elle s’acquit l’amitié de monsieur Galura, curé de Saint-Martin à Fribourg. Celui-ci, devenu évêque de Brixen, contribuera à l’implantation des sœurs de la Charité dans le Tirol. En 1816, devant des différends croissants entre le personnel médical et administratif et les « sœurs welsches », les supérieures de la congrégation rappelèrent la communauté de Fribourg. Les sœurs traversèrent le Rhin à Sasbach en mars 1816. Sœur Marie Anne Fahrenbiehler fut alors nommée supérieure de l’hôpital de Sélestat, sa ville natale, meurtrie par deux sièges successifs, où les Soeurs hospitalières étaient revenues en décembre 1806. Elle prit sa fonction dans le bâtiment de l’ancien couvent des Dominicains de Silo dont l’adaptation à sa mission sanitaire était en plein chantier. L’ordre y était alors difficile à maintenir, car on y hébergeait malades civils et militaires, vieillards, invalides et orphelins.

En plus, on manquait de tout, de nourriture et de linge. Sœur Marie Anne Fahrenbiehler se débrouilla comme une mère peut le faire pour ses enfants. On avait beaucoup de respect pour « la bonne mère » ou « le major à cornette ». Ce respect s’accrut encore quand on apprit ses relations avec la maison d’Orléans. Le 11.8.1830 arriva la nouvelle de l’appel au trône en date du 9.8 de Philippe d’Orléans et sœur Marie Anne sut que le « Roi de la Liberté », acclamé dans toute la ville que décorait le drapeau tricolore, n’était autre que monsieur Corby qu’elle avait reconnu à Bremgarten. Il n’est pas certain que le roi Louis-Philippe au cours de sa visite rapide du 21.5.1831 à Sélestat, où il passa en revue la Garde nationale au Champ de Mars, se fut enquis de la « petite sœur de la charité », à présent supérieure à l’hôpital, mais il semble véridique que la supérieure ait chargé un général de la suite du roi de saluer madame Adélaïde. De cette époque date en effet la reprise des relations entre sœur Marie Anne Fahrenbiehler et sa compagne de Bremgarten, dont elle obtint, à sa demande le 5.9.1836, « une chasuble pour la chapelle, évaluée à 300 francs » et en décembre 1843, « un magnifique tableau dont la richesse et la beauté sont encore moins remarquables que les circonstances particulières dans lesquelles ce don a été fait ». Ce tableau de l’Assomption de la Vierge, copie de celui de Murillo, est toujours à sa place au-dessus de l’autel de la chapelle de l’hôpital Saint-Quirin. Sœur Marie Anne mourut quatre ans après la chute et le nouvel exil de ses « amis royaux », deux ans avant que la maison- mère des sœurs de la Charité ne s’établisse à la Toussaint dont on leur donne souvent le nom. La tombe de sœur Marie-Anne Fahrenbiehler se trouve au cimetière de Sélestat, avec celle des sœurs de la Charité des hôpitaux de cette ville.

Archives municipales Sélestat, état-civil, actes de baptême, 1767 et de décès, 1852 ; Archives des Sœurs de la Charité de Strasbourg ; Courrier du Bas-Rhin du 23.6.1831 ; M. Vogeleis, Erlebnisse der elsässischen Barmherzigen Schwester Marie Anna Fahrenbiehler während der Grossen Revolution, Colmar, 1922 ; E.C. Scherer, Die Kongregation der Barmherzigen Schwestern von Strassburg. Ein Bild ihres Werdens und Wirkens von 1734 bis zu Gegenwart, 1930 ; P. Adam, Histoire des Hospices et Hôpitaux de Sélestat, Sélestat, 1960.

Henri Fleck et Sr M.-Antoinette Waechter (1987)