Skip to main content

ERASME de Rotterdam (Gerhart Desiderius Erasmus Roterodamus)

Humaniste (★ Rotterdam ou Gouda 28.10.1466 ou 67 ou 69 † Bâle 11.7.1536).

Grâce à son intelligence exceptionnelle, il parvint à vaincre les difficultés qu’opposait à son ascension sociale sa naissance illégitime.

Formé par les Frères de la Vie commune à Deventer, il entra en 1487, dans l’ordre des Chanoines de Windesheim. Secrétaire de l’archevêque de Cambrai, dès 1495, à Paris, il entreprit de développer sa connaissance des lettres antiques et de la théologie. Il avait pris, en effet, la résolution de devenir orateur, c’est-à-dire écrivain et poète.

Un premier séjour en Angleterre (1499) lui permit de rencontrer Thomas More qui allait devenir son meilleur ami. Il subit également l’influence de John Colet qui, avec le cordelier Jean Vitrier, lui fit découvrir clairement sa seconde vocation : il s’efforça désormais de travailler à la réforme de la communauté chrétienne en l’invitant à retourner aux sources évangéliques.

Son existence fut transformée par le succès de ses livres qui bénéficiaient largement de l’essor de l’imprimerie. Il avait rédigé, à l’intention des jeunes gens dont il devait assurer l’éducation des manuels de conversation, les Colloques, dont la faveur ne cessa de grandir. En 1500, sortit des presses la première édition des Adages, un recueil de quelque 800 proverbes gréco-latins. Trois ans plus tard, l’Enchiridion militis christiani résumait avec élégance et force sa conception de la vie chrétienne.

Docteur en théologie de l’Université de Turin (1506), Erasme fit en 1507 un séjour prolongé dans l’officine du fameux imprimeur italien Alde Manuce. Sur le chemin du retour, peut-être en passant par l’Alsace, il conçut le projet de l’Encomion Moriae ; il mit la dernière main à cet Éloge de la folie, chez Thomas More (1509) et ce fut Schürer ©, à Strasbourg, en 1511, qui le publia pour la première fois.

Après un nouveau séjour en Angleterre, il se crut autorisé, en raison de la notoriété dont il jouissait désormais, à faire paraître une Institutio principis christiani, qui expose les principes dont doit s’inspirer un souverain. Il avait mis en chantier en 1514 l’édition du Nouveau Testament qui parut chez Froben à Bâle. Dédiée au pape, elle n’en choqua pas moins par sa hardiesse les théologiens attachés à la tradition. En se rendant à Bâle, au cours de l’été 1514, Erasme s’était arrêté quelques jours à Strasbourg. Il tenait à travailler avec l’imprimeur Schürer. La société littéraire qu’animait Jacques Wimpheling © et qui regroupait les esprits les plus distingués de la ville Sébastien Brant © en tête, le reçut avec empressement et déférence. L’ammeister Ingold © et son conseil firent sur l’humaniste une excellente impression, dont l’éloge de la constitution strasbourgeoise inséré dans la lettre de remerciement à Wimpheling (21 septembre 1514), est un fort beau témoignage. Pour chacun des convives avec lesquels il avait pu s’entretenir pendant le banquet offert en son honneur, Erasme avait eu des mots aimables qu’il pria Wimpheling de transmettre à leurs destinataires. Les ténors de l’humanisme alsacien étaient alors de tempérament conservateur et ne souhaitaient nullement rompre avec le proche passé de l’Eglise.

L’ascendant d’Erasme s’exerça plus facilement sur la jeune génération. Beatus Rhenanus devint, à partir de 1513, le proche collaborateur de l’illustre néerlandais qui, pendant les années qu’il passa à Bâle, entre 1522 et 1529, travailla beaucoup avec ce brillant érudit. Erasme n’était pas toujours facile à vivre et il appréciait vivement l’égalité d’humeur de Rhenanus qu’il appelait son alter ego et qui peut-être lui inspira un éloge de Sélestat, magnifiant le nombre et la qualité des savants nés dans cette cité. Paul Volz, bénédictin, abbé de Honcourt dans le Val de Villé, fut également distingué par l’humaniste qui lui dédia l’une des éditions de l’Enchiridion. Sapidus ©, le directeur de la célèbre école latine de Sélestat, était également l’ami d’Erasme, dont les idées séduisirent aussi le jeune dominicain Bucer © et le théologien Capiton ©.

Au moment où la popularité d’Erasme dans les milieux cultivés d’Europe était si grande qu’il était considéré comme le prince de « la république des lettres », les imprimeurs alsaciens ne contribuèrent pas médiocrement à la diffusion de ses œuvres. Schürer réalisa 57 éditions d’Erasme en dix ans ; Jean Knobloch prit le relais après la mort de Schürer en 1520 et fit paraître 50 éditions. Le record de ces publications fut atteint aux environs de 1520. Haguenau, Sélestat et Colmar, jouèrent un rôle plus effacé, mais au total des presses alsaciennes sortirent 191 éditions d’œuvres érasmiennes. Bien qu’il eût été considéré comme le précurseur de la Réformation, – on disait qu’il avait « pondu l’œuf couvé par le moine allemand » – Erasme prit position contre Luther. Si certains humanistes alsaciens, Wimpheling et Rhenanus adoptèrent le même parti, la plupart d’entre eux, de Volz à Bucer, se rangèrent dans le camp des réformateurs. Bucer en 1530 lui fit tenir une Epistola apologetica. Erasme finit par leur adresser une Responso à laquelle ses adversaires ne répliquèrent plus. Erasme qui avait quitté Bâle en 1529, y revint toutefois pour mourir. Son influence, quoique diminuée, n’avait pas disparu. Hédion © et Capiton traduisirent certaines de ses œuvres encore en 1533 et 1534.

J. Cl. Margolin, Erasme par lui-même, Paris, 2e éd., 1970 ; du même, Bibliographie érasmienne, Paris, 1963, 1969, 1977 ; Erasme, l’Alsace et son temps (Public. de la Société savante d’Alsace et des régions de l’Est VIII), Strasbourg, 1971. Erasmus v. Rotterdam, Vorkämpfer für Frieden und Toleranz. Ausstellung zum 450. Todestag veranstaltet vom Historischen Museum Basel 26.4.-7.9. 1986, Basel, 1986.

† Francis Rapp (1986)