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EHRHARD Albert Marie Joseph

Prélat, professeur, théologien, (C) (★ Herbitzheim 14.3.1862 † Bonn, RFA 23.9.1940).

Fils de François Antoine Ehrhard, instituteur, et de Marie Louise Frey. Quand le jeune Albert atteignit l’âge de commencer des études, une loi de 1873 exigeait que les collèges libres, plus spécialement les petits séminaires, fussent soumis au contrôle de l’État. Le refus de Mgr Raess, entraîna la fermeture des petits séminaires de Zillisheim et de Strasbourg. L’évêque de Metz, ayant accepté les conditions imposées par Bismark, les petits séminaires de Bitche et de Montigny-lès-Metz restèrent en place. Ehrhard suivit à Bitche l’enseignement classique et entra, en 1878, au Grand Séminaire de Strasbourg. L’année suivante s’y présenta aussi Eugène Muller ©. Les deux adolescents se lièrent d’une amitié qui dura jusqu’à leur mort. Dès cette époque, Ehrhard rêvait d’une Histoire des dogmes, sujet qui le préoccupa toute sa vie : les papiers du séminariste le prouvent. En 1883, son évêque l’ordonna sous-diacre et l’envoya pour un an comme professeur d’allemand au collège libre de Brive près de Tulle, Corrèze. Il partit en 1884 avec Eugène Muller à l’Université de Munster, Westphalie, pour compléter les connaissances à la faculté de Théologie. Ehrhard y fut ordonné prêtre le 23 décembre 1885. Les deux amis allèrent à Wurzbourg de 1886 à 1888 et y présentèrent leurs thèses de doctorat ; E. traita des écrits de saint Cyrille d’Alexandrie. Pendant ses recherches il découvrit, grâce à ses connaissances de la paléographie grecque, qu’un traité sur l’incarnation attribué à Cyrille sortait de la plume de Théodoret de Cyr. Puis en été de cette année 1888, pendant que Muller était nommé professeur au Grand Séminaire de Strasbourg, Ehrhard se rendit d’abord à Bonn, à Tübingen et finalement à Rome pour se perfectionner en paléographie, en archéologie chrétienne et en histoire de l’art ; c’est en octobre 1889 qu’il rejoignit son ami au Séminaire de Strasbourg. Il devait y enseigner la philosophie, la patrologie et l’histoire de l’art chrétien.

Dès 1892 il fonda, avec son ami, les Strassburger theologische Studien, dont dix volumes parurent entre 1892 et 1908 ; 31 travaux y furent publiés, dont trois seulement concernent le diocèse de Strasbourg.

En cette même année 1892, Ehrhard accepta à l’Université de Wurtzbourg, la chaire d’histoire de l’Église, matière dans laquelle il s’était spécialisé par sa thèse de doctorat. Il avait une haute conception de sa mission d’enseignant ; les querelles modernistes engagées par Harnack (1851-1930) allaient le montrer. Selon ce dernier, le seul message des évangiles consistait dans la révélation de la bonté divine, à l’exclusion de toute idée de Rédemption ; celle-ci ne se serait constituée qu’à la suite de l’hellénisation des propos tenus par Jésus-Christ. Ehrhard voulait aboutir à une histoire de l’Église universelle, héritière et représentante du Christ, ainsi qu’à l’exposé d’une évolution dans la formulation des dogmes sans les vider de leur substance. Entre temps il avait accepté son transfert à l’Université de Vienne (1898). C’est là qu’il exposa certaines de ses idées dans un ouvrage sur le catholicisme et le XXe siècle (1901) ; l’année suivante (1902), son catholicisme libéral devait répondre à ses adversaires. Léon XIII l’éleva au rang de prélat dès 1901. Pour échapper à l’agitation viennoise, il accepta l’appel de l’Université de Fribourg/Br. En même temps, les négociations du Gouvernement allemand avec le Saint-Siège aboutirent à la création d’une Faculté de Théologie catholique à Strasbourg. Ehrhard y obtint aussitôt la chaire d’histoire de l’Église et son ami Muller celle de dogmatique. C’est Ehrhard qui prononça le discours d’ouverture de la jeune faculté le 22 octobre 1903.

Ses contacts constants, aussi bien avec le peuple des fidèles que dans le monde des universitaires portèrent sa renommée au loin. Ses cycles de sermons sur la « vie religieuse », « le Christ aujourd’hui », le « Pater noster », par exemple, tenus à la cathédrale de Strasbourg attiraient les foulent autant par leur clarté et leur finesse que par leur présentation imagée et enthousiasmante. Lors des grandes manifestations catholiques, l’on eut recours à son éloquence, ainsi au congrès de la Goerres-Gesellschaft à Constance (1896), à Ravensburg (1899) et à Strasbourg (1903), ou au grand congrès des catholiques allemands (Katholikentag) à Strasbourg (1905). Mais certains de ses propos, ou de ses écrits, que justifièrent amplement par la suite les décisions du concile Vatican II (1962-1965), furent mal interprétés lors de la crise moderniste. Pie X, successeur de Léon XIII, qui entama la lutte contre le modernisme théologique, lui retira le titre de prélat en 1908 ; il dut faire une déclaration de loyauté entre les mains de son évêque, Mgr Fritzen, à Strasbourg ; celui-ci ne lui fit aucun reproche, bien au contraire : en 1914, il le nomma chanoine honoraire de la cathédrale de Strasbourg. Rome ne lui rendit son titre de prélat qu’en 1922, quand le cardinal Ratti, qui avait connu Ehrhard à l’Ambrosienne de Milan, occupa le Saint-Siège sous le nom de Pie XI. Ehrhard remit à Mgr Fritzen en 1916 le diplôme de docteur honoris causa. Recteur en 1911-1912 ; il fut par trois fois élu doyen de sa faculté. Les Universités de Breslau, d’Oslo, d’Ecosse, d’Athènes, le nommèrent, l’une après l’autre, docteur honoris causa.

La victoire des armées alliées en 1918 entraîna automatiquement le départ de tous les employés ou fonctionnaires de souche allemande. Ehrhard aurait pu rester, il était de souche alsacienne, et le corps professoral alsacien fut incorporé à l’Université française. Ce fut le cas du professeur Eugène Muller. Mais Ehrhard se sentait trop lié au monde universitaire allemand ; il partit donc, sous la protection de Muller, et franchit le pont de Kehl le 19 décembre 1918, la mort dans l’âme, mais volontairement. En attendant de retrouver un point d’attache, il laissa son ménage à Strasbourg sous la garde de sa sœur Elisa. Il trouva d’abord un logement provisoire chez un ami à Wurtzbourg ; puis, à Munich, son ancien collègue, le cardinal Faulhaber, le casa dans une pension. En décembre 1919, il fut appelé à la chaire d’histoire de l’Église à Bonn et à la présidence du Wissenschaftliches Institut der Elsass-Lothringer im Reich à Francfort. Il se remit au travail, mais ne put terminer ni l’histoire de l’Église, ni l’histoire des dogmes qu’il avait envisagées dès le début de son professorat. En 1927, à 64 ans, il quitta sa chaire pour « lier en gerbes la moisson qu’il avait accumulée ». Pour compléter sa documentation, il se rendit souvent de Bonn à Munich, où la bibliothèque pouvait lui fournir des sources. En 1935 il s’installa pour quelque temps à Kehl. Car son ami Muller lui avait obtenu une carte de frontalier lui permettant de passer des journées entières à la Bibliothèque nationale et universitaire de Strasbourg. Muller s’y faisait envoyer en communication des manuscrits, surtout grecs, de la Bibliothèque nationale de Paris. Ainsi Ehrhard put les consulter pour son ouvrage sur la littérature hagiographique et homilétique de l’Église grecque. Ehrhard publia quelques ouvrages témoignant d’une force de travail et d’une puissance de synthèse peu communes. Avant d’arriver au but qu’il s’était fixé, la maladie le surprit et l’emporta. Il fut inhumé au cimetière de Poppelsdorf à Bonn.

Die altchristliche Literatur und ihre Erforschung seit 1880, 2 vol., Freiburg/Br., 1894-1900 ; Der Katholizismus und das XX. Jh. im Lichte der kirchlichen Entwicklung der Neuzeit, Stuttgart, 1901 ; Liberaler Katholizismus, Strasbourg, 1902 ; Die Kirche der Märtyrer, Munich, 1932 ; Die katholische Kirche im Wandel der Zeiten. I Urkirche und Frühkatholizismus. II Die altschristlichen Kirchen im Westen und im Osten, 2 vol., Bonn, 1935-1937 ; Ueberlieferung und Bestand der hagiographischen und homiletischen Literatur der griechischen Kirchen, 3 vol., Leipzig, 1936-1952 ; sa « dépouille littéraire », très importante, est conservée à l’abbaye OSB de Scheyern, Bavière, RFA.

État-civil de Herbitzheim ; Standesamt Bonn I ; Beiträge zur Geschichte des christlichen Altertums und der byzantinischen Literatur. Festgabe Albert Ehrhard zum 60. Geburstag (14. März 1922) ; A. Dempf, A. Ehrhard, Der Mann und sein Werk (avec bibliographie et portraits), Colmar, 1944 ; J. M. Hoeck, « Der Nachlass A. Ehrhards und seine Bedeutung für die Byzantinistik », Byzantion 21, 1951, 171-178 ; Lexikon für Theologie und Kirche, III, 1959, 719 ; Neue Deutsche Biographie, IV, 1957, 357 ; J. Zemb, Zeuge seiner Zeit : Chanoine Eugène Muller 1861-1948, Colmar, 1960 ; « Professor Albert Ehrhard zum 100. Geburtstag », Le Nouvel Alsacien du 11.3.1962 (avec portrait) ; Université de Strasbourg, Faculté de Théologie catholique : Mémorial du cinquantenaire 1919-1969, Strasbourg, 1970, 55, 65-66 ; Encyclopédie de l’Alsace, V, 1983, 2672.

André-Marcel Burg (1986)