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EDELIN

Abbé de Wissembourg († 12.10.1293). On ignore tout des origines et de la formation de celui qui, placé à la tête de l’abbaye depuis 1262, la dirigea pendant 31 ans avec une énergie exceptionnelle. L’observation scrupuleuse de la devise qu’il avait fait graver dans son anneau pastoral (« Attrahe, punge, feri, qui quaeris pastor haberi ») n’empêcha pas Edelin de faire preuve d’une prudente circonspection et d’un sens remarquable de la justice. L’architecte qu’il fut – encore qu’il soit difficile d’établir dans quelle mesure précisément il participa au dessin des plans- imprima une marque durable à la ville comme à l’abbaye. C’est d’abord lui qui en étroite collaboration avec les bourgeois, acheva les travaux de fortification de la ville entrepris sous son prédécesseur, l’abbé Frédéric (1251- 1262). Au monastère même, il restaura ou reconstruisit des bâtiments vieillis (le dormitorium des moines par exemple) ainsi que le rappelle une inscription gravée qui se trouve à quelques pas de l’abbatiale : « Anno Dni MCCLXXXVIII Edelinus Quadragesimus Quintus Abbas Wizenburgensis Flanc Domun Construxit et alia plura aedificia ». Mais c’est surtout comme constructeur de l’abbatiale gothique St Pierre et St Paul qu’il manifesta ses qualités d’architecte et de meneur d’hommes. Il ne vit pas l’achèvement des travaux de la magnifique église érigée en remplacement de l’abbatiale romane de Samuel (et dont il ne reste que le clocher). Cependant, dès le 4 juin 1284, il put inviter l’évêque de Spire, Frédéric de Bolanden, à consacrer 4 autels. En 1290 le chœur, la tour et le transept étaient achevés, de même que la grande rosace dont Edel était le donateur et dans laquelle d’ailleurs il est représenté, avec sa crosse abbatiale, au pied d’une Annonciation. Prince d’Empire, Edel a joué un rôle politique essentiel. Jusqu’à la fin de sa vie il entretint d’étroites relations avec l’évêque de Spire, Frédéric, et avec celui de Strasbourg, Conrad de Lichtenberg, un constructeur de la même trempe que lui. Plusieurs actes publics datés de Wissembourg attestent les visites que lui rendirent les empereurs Rodolphe de Habsbourg, Adolphe de Nassau, etc. En 1281 il investit Louis le Palatin de ses fiefs wissembourgeois, en présence de Rodolphe et de sa suite. Ce sens aigu de l’administration et de la politique se manifesta encore par la rédaction de statuts et règlements tels que la charte de 1265 qui fixait les droits et devoirs réciproques de l’abbaye et de la ville dans le domaine de l’économie, en particulier du commerce et du monnayage. Toutefois, dix ans plus tard, le privilège de Rodolphe de Habsbourg du 31 mars 1275 en faveur des bourgeois de Wissembourg restreignit les droits de l’abbé sur l’administration du Mundat, même s’il y conservait une large prépondérance. Mais en ce domaine, son œuvre majeure fut sans conteste le Codex Possessionum, appelé aussi Codex Edelini ou Polyptique d’Edelin, dont la rédaction s’échelonna entre 1280 et 1284.

Conservé actuellement au Landesarchiv de Spire, ce document comporte 315 mentions de possessions réparties dans près de 300 localités ainsi que le détail des redevances et prestations en faveur de l’abbaye. Le texte de l’épitaphe d’Edel disparue, était : « Rerum ditator abbas, veterum renovator, litis sedator, Edelinus, pacis amator. Hic pausat, munus tribuat sibi trinus et unus vivat ut in caelis cum iustis ipse fidelis. Hoc tu qui cernis carmen, nec cernere spernis, ora propitia quod sit tibi virgo maria ». Ce texte fut partiellement repris en 1936 sur une plaque que l’on apposa dans le transept de l’abbatiale et où figure en médaillon une image d’Edel : « In memoriam rm dm Edelini abbatis 1262-1293 – rerum ditator, abbas, veterum renovator, litis seda- tor, Edelinus, pacis amator, veri zelator, huius dei templi creator ».

Zeuss, Traditiones possessionesque wizenburgenses, 1842 ; J. Rheinwald, L’abbaye et la ville de Wissembourg, 1863 ; Sitzmann I, 418 ; Th. Tyc, L’immunité de l’abbaye de Wissembourg, 1927 ; H. Haug, L’Art en Alsace, 1962, p. 63 et 70 ; R. Biedermann, Die ehemalige Abteikirche St Peter und Paul, 1964 ; EA V, 1983, 2644.

Bernard Weigel (1986)