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ECKBRECHT de DURCKHEIM Ferdinand Frédéric Charles Eckbrecht de Durckheim-Montmartin, comte de

Préfet du Haut-Rhin, inspecteur-général des Postes et Lignes télégraphiques, conseiller général du Bas-Rhin, (PI) (★ Château de Thurnhoefen près de Feuchtwangen, Bavière, 1.7.1812 † Château d’Edla près d’Amstetten, Autriche, 24.6.1891).

Fils de 6. ∞ I 1834 Mathilde de Turckheim (1815-1847), fille de Frédéric de T., banquier, député et maire de Strasbourg, et de la comtesse de Degenfeld-Schomberg ; un fils, Edgar, chef d’escadrons français (1836-1870) tué devant l’ennemi, ∞ II 1849 Françoise dite Fanny de Turckheim, sœur de la précédente (1816- 1906) ; trois fils, Wolf, officier au service de l’Autriche, et Albert qui prit sa succession dans l’administration du domaine et des forêts de Froeschwiller. Ferdinand séjourna au château de Thurnhoefen jusqu’en 1821. Son père le plaça dans la Maison Redslob, modèle de ces institutions d’éducation strasbourgeoise, à mi-chemin entre le préceptorat et le Gymnase, où nombre de jeunes gens et de jeunes filles de la bourgeoisie et de la noblesse rhénanes recevaient une éducation bilingue. Après son baccalauréat, il fit des études de droit à Strasbourg (1829-1833) tout en fréquentant assidûment les salons strasbourgeois et les châteaux du voisinage de Blaesheim où s’est établi sa famille : Reichnach à Obernai, Montbrison et de Hell à Obernai, Bernard de Turckheim à Krautergersheim et surtout Frédéric de Turckheim à Thurmenau. L’avènement des Orléans ayant fait de Frédéric de Turckheim une « clé de voûte politique » de l’Alsace, la carrière du gendre était assurée : après un stage à la Préfecture du Bas-Rhin (1834), il fut nommé sous-préfet à Espalion, Aveyron (1836). Dès 1838 il fut à Nantua. Enfin le 5 juin 1840, il revient en Alsace : à Wissembourg. Il attribua à l’influence du député ministériel de Wissembourg, Cerf-Berr © sa mutation à Péronne (1844). F. de DM ne resta que quelques mois dans la Somme, mais assez longtemps pour faire la connaissance d’un de ses illustres résidents : le prince Louis-Napoléon Bonaparte, incarcéré à Ham. Le père du sous-préfet avait été ambassadeur à la cour du roi Louis de Hollande. La famille DM avait continué de fréquenter la petite cour de la reine Hortense à Arenenberg. Elle était également familière de la cour de la tante du prétendant, la Grande Duchesse Stéphanie de Bade, à Mannheim ou dans son petit château à Fribourg. C’est à Provins où il fut nommé à l’automne 1844, dans la circonscription d’un des grands du régime, le comte d’Haussonville, gendre de Broglie, que le surprit la Révolution de Février. Il fut révoqué (février 1848). Il s’en revint en Alsace, et s’établit à Niedernai. Dès l’élection de Louis-Napoléon à la Présidence de la République, il fit des offres de service, encouragé par la Grande-Duchesse Stéphanie et fut nommé sous-préfet de Sélestat au mois de mai 1849.

Les émissaires du Prince-Président l’ont trouvé assez rallié, pour lui confier la Préfecture du Haut-Rhin (1850). Il fera donc partie du réseau d’autorité et d’influence qui fondera le régime bonapartiste en Alsace, autour des généraux Magnan et Waldner de Freundstein, des Bussierre à Strasbourg et Heeckeren d’Anthès dans le Haut-Rhin. Comme West dans le Bas-Rhin, E. assura le succès du coup d’Etat du 2 décembre dans le Haut-Rhin. Le nouveau découpage électoral, le choix des candidats officiels des élections de 1852, on les lui doit, sous la haute direction du duc de Morny, ministre de l’Intérieur : ils restèrent en place jusqu’en 1869. N’empêche, deux préfets alsaciens, anciens orléanistes et protestants pour deux départements, où il faut tenir compte du suffrage catholique et paysan, c’est beaucoup. Lorsque Persigny devint ministre de l’Intérieur, il lui fallait des bonapartistes plus purs, ou au moins non-originaires. E., tout comme Westun peu plus tard, fut congédié. Il réclama une compensation : ce fut l’Inspection générale des Postes et Lignes télégraphiques. Il inspecta ainsi la France entière et l’Algérie. Mais son centre d’intérêt était désormais son nouveau domaine de Froeschwiller, qu’il avait pu racheter à ses lointains cousins, Strauss-Durckheim, où il fit construire un petit château. Il fut élu conseiller général du canton de Woerth en 1861. C’est à Metz, où il avait organisé le télégraphe de campagne, puis à Paris auprès du directeur général des Lignes télégraphiques qu’il vécut les défaites de la France et la chute de l’Empire. C’était le sixième changement de régime que connut ce noble possessionné sur les deux bords du Rhin. Par Berne et Karlsruhe il regagna Froeschwiller, où son château avait été transformé en lazaret. Comme tous les militaires alsaciens de l’empire déchu dont la défaite venait de consacrer la cession de l’Alsace-Lorraine à l’Allemagne, E. sait qu’il a son avenir derrière lui. Il a toujours été très lié au milieu du protestantisme orthodoxe ; après Reichard, c’est Klein, auteur de « la Chronique de Froeschwiller » qui a été pasteur de la paroisse. Karl Hackenschmidt a été précepteur de ses enfants. Le gouverneur général de Bismarck-Bohlen, très influencé par ces cercles alsaciens, vit en Durckheim le type même de ces notables qui pouvaient et devaient représenter l’Alsace qui se situe « sur le terrain des faits accomplis, c’est-à-dire des préliminaires de paix ». Il lui demanda de se joindre à une députation auprès de Bismarck, composée de Jules Sengenwald, A. Herrenschmidt, Ch. Reichard, Xavier Nessel, qui fut appelée « députation de la Chambre de Commerce de Strasbourg » (mars 1871). De cette députation, nous retiendrons la réaction d’E., qui apprit du chancelier que la résolution était prise d’imposer sans délai le service militaire obligatoire allemand aux jeunes Alsaciens-Lorrains : « mes fils iront donc servir en Autriche ». C’est ce que fit en effet, l’aîné issu de son second mariage. E. rendit encore quelques menus services : membre désigné par le Gouvernement d’Alsace-Lorraine au jury agricole de l’Exposition universelle de Vienne (1873), candidat dit « deutschfreundlich » sans espoir, mais pour faire plaisir, aux élections. En 1883, il laissa à son fils Albert son domaine de Froeschwiller et se retira dans un petit château autrichien acquis par son fils Wolf, à la suite de son mariage. Pressé par Hackenschmidt, il écrivit là des souvenirs, Erinnerungen alter und neuer Zeit, 1887, où sur 642 pages, 600 sont consacrées à sa carrière en France : bavardages non dépourvus d’intérêt sur une époque révolue et des gens disparus. Six pages sont consacrées à sa députation. Mais au soir de sa vie, il ne peut s’empêcher de penser aux recettes de sa jeunesse de sous-préfet louis-philippard sur la manière de faire élire le candidat du Gouvernement : il parsema son texte de considérations diverses sur le caractère allemand des Alsaciens et la régénération qu’ils allaient désormais vivre. Il n’insiste pas trop : il était de la race de ceux qui savent qu’il faut s’amuser de ces choses et que c’est aux balourds de tomber dans ces pièges. Un de ses fils était Autrichien, l’autre resté en Alsace. L’Institut des Alsaciens- Lorrains dans le Reich ( Wissenshaftliches Insti- tut der Elsass-Lothringer im Reich) réédita en 1922 ce récit sous le titre Erinnerungen eines Elsaessischen Patrioten, en ne supprimant, selon eux, que les passages écrits en français et non traduits. Un patriote alsacien, ce noble possessionné, né en Bavière, avec des frères et un fils au service de l’Autriche, et qui avait servi deux régimes français ? Certes sur l’Alsace, il en savait sans doute plus, que ceux qui lui avaient décerné ce brevet dont il aurait pu rire et qui devait être la dernière fantaisie de cet homme dépeint comme de caractère peu ferme et par certains côtés franchement excentriques.

 

F. Eckbrecht de Durckheim, Erinnerungen alter und neuer Zeit, Stuttgart, 1887 ; Walch, Genealogische Geschichte des gräflichen und reichsfreiherrlichen Geschlechtes der Eckbrecht von Durckheim, 1787 ; Handbuch der gräflichen Häuser, Gotha, 1855, p. 187 ; E. Lehr, L’Alsace noble, Strasbourg, 1870; Sitzmann I, 416; P. Muller, p. 137, 141, 150, 155 ; NDBIV, 1959, 285 ; V. Wright, « Le Corps préfectoral et le Coup d’Etat du 2 décembre 1851 », La Revue administrative, 1968, p. 153, 156, 159; Himly, p. 177, 179, 213; DBF XII, 1970, 1111; F. Igersheim, « La politique scolaire allemande en Alsace-Lorraine (1870-1871) », Revue Germanique, 1975 ; A. Ulrich, « L’inspecteur général de Durckheim- Montmartin », Diligence d’Alsace; Bulletin des Amis de l’Histoire des PTT d’Alsace, n° 12 et 13, 1974 et 1975; P. Charbon, « L’inspecteur général des Postes et Lignes télégraphiques Durckheim-Montmartin », Revue Française d’Histoire des PTT, 1974 ; Dans une notice préparée pour l’Atlas historique de l’Alsace (non paru), P. Leuilliot avait commenté ainsi la carrière de Ferdinand DM dans les années 1848-1853 : « Révoqué en février 1849, ayant voté le 10. 12. 1848 pour Cavaignac. Réintégré comme sous-préfet de Sélestat (8. 5. 1849). Préfet du Haut-Rhin (11. 5. 1850), il reçut le Prince-Président en août 1850 ; il assura le succès du coup d’Etat de 1851 dans son département. Dénoncé en 1852 à Persigny comme orléaniste, démissionnaire quand il se vit refuser la Préfecture de Strasbourg parce que protestant. Il fut alors remplacé par Cambacérès © le 4. 11. 1853 ».

 

Photographie en frontispice dans F. de DM Allerlei, Gereimtes und Ungereimtes, Stuttgart, 1890 ».

F. Igersheim