Architecte, restaurateur du Haut-Koenigsbourg (★ Brême 5.1.1865 † Marksburg, Braubach am Rhein 13.2.1945).
Descendant d’une famille de juristes de Hanovre. Deuxième fils de Karl Emil Chrisoph E., marchand et fabricant de meubles à Brême et d’Agnès Krollmann. ∞ 20.6.1891 Elfriede Krebs (★ 1870 † Braubach 13.12.1958, enterrée au château de Marksburg) ; 3 fils. Les impressions de jeunesse de E. à Brême et en pays rhénan furent à l’origine de son intérêt pour les constructions militaires et l’architecture historique. Il ne réussit pas dans le commerce familial qu’il avait dû reprendre et, contre la volonté de ses parents, il entreprit des études d’art au Musée des Arts Décoratifs de Berlin (1888). A défaut d’une véritable formation d’architecte, il bénéficia d’expériences concrètes, dessinant pour une importante entreprise de monuments funéraires et d’ornementation d’édifices. Son maître fut le professeur Alexander Schutz. Il édifia à Berlin-Grünau un monument pour le centenaire de la naissance de l’empereur Guillaume Ier. C’est à l’inauguration de ce monument qu’il fut présenté à Guillaume II, le 22.3.1897, et que s’amorcèrent leurs relations. En juillet 1899, parut le premier numéro de Burgwart, organe voué à l’étude des châteaux forts et de toute la fortification médiévale. B. en fut le maître d’œuvre. Au mois de mai 1899, la ville de Sélestat fit don des ruines du Haut-Koenigsbourg à Guillaume II qui, à cette occasion, les visita. Il demanda à E. une étude sur le château. E. proposa un véritable projet de restauration/reconstruction que Guillaume II fera sien. Une présentation fut organisée le 21.3.1900 au palais royal de Berlin. A la réunion, B ; présenta deux modèles, un de l’état existant (de nos jours exposé au château), l’autre de l’état futur, concrétisant son projet. Pour réaliser celui-ci, il mit en œuvre les principes définis dans son mémoire sur la restauration des châteaux forts adressé à l’empereur en réponse à sa demande. Les murailles furent dégagées pour en reconnaître l’importance et l’état puis consolidées. Les travaux de dégagement livrèrent nombre de vestiges recueillis avec méthode: fragments d’architecture et de sculptures aptes à compléter la connaissance de l’édifice et sa restitution dans le détail ; éléments mobiliers permettant de préciser la destination des salles et leur aménagement; de nombreux morceaux de poêles en céramique, par exemple, en guidèrent la reconstitution. A partir d’avril 1900, E. mit en place des installations et une organisation des plus modernes. 10000 marks versés directement par la cassette impériale à B. aidèrent ces premiers travaux. Le 13.5.1901, Guillaume posa une «première pierre» où une inscription évoquait la succession des trois dynasties, Hohenstaufen, Habsbourg et Hohenzollern, propriétaires du château. De 1901 à 1908, les années ne furent pour B. que déplacements incessants qui alternèrent avec ses présences à l’atelier de Berlin et ses séjours sur le chantier dont il suivit les progrès et où il dut souvent accueillir des personnalités, en premier lieu l’empereur et les membres de la famille impériale. Guillaume II visita le château au moins chaque printemps, la dernière fois, le 3.4.1918. Il visita aussi les entreprises qui travaillaient sous sa direction : à Berlin, l’atelier de sculpture Kretzschmar, à Nuremberg, le fabricant de poêles en céramique Hausleiter, le serrurier-ferronnier d’art Leibold, etc. Ses multiples voyages lui permirent de repérer des modèles pour la restitution de décors intérieurs vraisemblables : peintures murales, vitraux, boiseries. Ils le conduisirent à Dijon, Beaune, Sion-en-Valais (château de Valère), à Bolsano (château de Runkelstein – aujourd’hui Castelroncolo), Überlingen, Stein-am-Rhein, Salzbourg, etc. Ils lui furent occasion de participer à la constitution de l’importante collection de meubles évoquant surtout l’Alsace, la Suisse, le Tyrol des XVIe et XVIIe siècles. La promotion de « l’entreprise Haut- Koenigsbourg » fut aussi un des objectifs de E. Conférencier, il en entretint des auditoires divers; chez le libraire Schulte (1906), à Strasbourg, dans la salle du Synode au Palais Rohan (1906). Ces polémiques suscitées par la restauration diverses et le climat politique contribuèrent à déprécier durant de longues années, et jusqu’à une date récente, l’œuvre remarquable de E. Celle-ci ne le mobilisa pas entièrement. Il restaura, agrandit de nombreux châteaux forts, notamment la Marksburg, à Braubach, sur le Rhin (1901-1905) qui sera le siège de la DBV. E. y mourut et y fut inhumé. La restauration du Haut-Koenigsbourg s’acheva officiellement le 13.5.1908, jour de gloire pour E. qui guida la visite du château par l’empereur qu’un défilé historique ayant pour thème la prise de possession par les Sickingen en 1533, avait précédé. Dans son discours qui couronna la partie officielle de la cérémonie, le souverain ne manqua pas de vanter les talents de son architecte. De 1908 à la guerre, E. continua de travailler au Haut-Koenigsbourg. Il s’intéressa surtout à parfaire le décor intérieur. E. fit compléter les boiseries de la salle des fêtes d’après celles de l’hôtel de ville de Uberlingen. Il en dessina et fit exécuter le mobilier, table, chaises garnies de cuir repoussé et dorées aux armes des Hohenzollern. Quand, en 1941, parut le premier volume de son Die Wehrbau Europas im Mittelalter, E. en fit hommage à Guillaume II qui le remercia sur un ton tout spécialement cordial. Guillaume n’oublia pas son architecte ; il l’inscrivit sur la liste des objets souvenirs qu’il destinait à diverses personnes de son entourage ou qu’il estimait particulièrement. A Bodo E. fut destiné un dessin représentant le Haut-Koenigsbourg, œuvre de Roland Anheisser (1877-1949). Le souvenir de la forteresse restaurée les unissait. L’empereur mourut le 4.6.41. E. tenta, peu après (1.8.41), avec l’appui du ministre Albert Speer © l’autorisation de reprendre les travaux de Haut- Koenigsbourg mais en vain. Il y vint cependant avec Speer et sa femme en juin 1942 et séjournera trois semaines à Kintzheim en compagnie de son épouse. Il étudia son œuvre de jeunesse et reconnut que sur certains points il ne procéderait plus de même.
Portraits : lllustrierte Zeitung, n° 3394, Leipzig, 7.5.1908 (photographie) ; E. se fit représenter de nombreuses fois dans le Haut- Koenigsbourg. On le reconnaît, en bois sculpté et peint, parmi les personnages porteurs d’armoiries des boiseries de la salle des Chevaliers, et, en relief, sur le manteau de la cheminée d’une chambre, tenant équerre et compas et marchant à grands pas sur la route de Berlin. A la voûte de la salle des chevaliers, Leo Schnug l’a peint chassant un vol de guêpes qui symbolise les attaques des partisans du donjon rond dessiné sur un parchemin que tient un écrivain équipé d’une plume d’oie et d’un encrier et accompagné d’un corbeau tenu en laisse.
Kladderadasch, Die Jugend, Simplicissimus, ULK, Caricatures, avril-mai 1908.
Deutsche Burgen, 1, Berlin, 1898-1902, 2, Berlin, 1903-1907; Denkschrift über die Wiederherstellung der Hohkönigsburg, Berlin-Grunewald, 1900; Eine Burgenfahrt. Tagebuchblätter von einer im Herbst 1901, Auftrage Sr. Majestät des Deutschen Kaiser unternommenen Studienreise, Berlin, 1901 ; Führer durch die Hohkönigsburg von Bodo Ebhardt, Berlin, 1902; Die Hohkönigsburg im Elsass. Baugeschichtliche Untersuchung und Bericht über die Wiederherstellung, Berlin, 1908; Die Burgen Italiens, Bd 1-5, Berlin, 1909-1925;.Krieg und Baukunst in Frankreich (château de Coucy) und Belgien.. Mit 134 Abbildungen, Berlin, 1915; Schloss und Doerf Landonvillers, Besitz des Landrats a.D. John von Haniel, Berlin, av. 1916; Die zehn Bücher der Architektur des Vitruv und ihre Herausgeerseit 1484, Berlin, 1918; Die Marksburg und ihre Geschichte. Ein neuer Führer, Marksburg, 1935; Der Wehrbau Europas im Mittelalter, Bd I, Berlin, 1939, Bd II, (1-2), Stollham, 1958.
Kl. Ebhardt, B. Ebhardt (1865-1945); Burgen und Schlösser, n° 15, 1974, p. 141-144; A. Bekiers, Bodo Ebhardt (1865-1945), Architekt Burgenforscher Restaurator – Leben und Früwerk bis 1900, Berlin, 1994 (bibliographie détaillée des projets, réalisations et publications de B.E.); M. Bischoff, Geschichte der Deutschen Burgenvereinigung 1899-1957, Die Âra Ebhardt. Veröffentlichungen der D.B.V., Reihe B., Schriften, Band 5; J. Favière, Otto Piper; Notice parue dans le NDBA, p. 3020-3021 ; ouvrage collectif, Le Haut-Koenigsbourg, Besançon-Paris, 1991 ; ouvrage collectif, Haut-Koenigsbourg. Numéro spécial de Connaissance des Arts, 1996; Saur, Allg. Künstler-Lexikon, p. 32, München, Leipzig, 2002, p. 5; M. Fuchs, La restauration des décors du château du Haut-Koenigsbourg, CAAAH, XLVI, 2003, p. 137-152.
Jean Favière 2004