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DONFRIED (DONFRID) Johann

Editeur de musique, (C) (? Veringstadt (Siegmaringen) vers 1585 † Rottenburg am Neckar 4.8.1650) auteur d’une extraordinaire série d’anthologies publiées à Strasbourg sous le titre générique de Promptuarium musicum (PM signifie bibliothèque musicale) et diffusées dans toute l’Europe au XVIIe siècle et au-delà. On sait peu de choses sur Johann Donfried sinon qu’il a fréquenté l’université de Dillingen à partir de 1601 et qu’il fut nommé cantor (1612) puis recteur (1622) de l’école latine à Rottenburg am Neckar. Travail de praticien de la musique (les œuvres de Donfried lui-même se réduisent à peu de chose), le PM répond à la série homonyme qu’Abraham Schadaeus et Caspar Vincentius avaient déjà publiée à Strasbourg entre 1611 et 1617. Il s’agit d’une collection destinée à donner aux cantores et maîtres de chapelle des motets latins pour l’ensemble de l’année liturgique. Le PM comprend trois gros volumes imprimés par Paul Ledertz en 1622, 1623 et 1627. Donfried a également publié un recueil de pièces consacrées à la Vierge (Viridiarum musico marianum, chez Lazare Zetzner, 1627) et un volume de messes (Corolla musica missarum, Zetzner, 1628). Une anthologie de pièces pour Noël (Jubilus Bethlehemiticus, Paul Ledertz, 1628) qui contenait notamment 13 noëls allemands, probablement composés par Donfried lui-même, semble irrémédiablement perdue depuis 1944. Toutes ces anthologies ne contiennent pas moins de 981 compositions (dont 40 messes complètes), publiées en l’espace de sept années seulement. Comme celui de Schadaeus, le PM de Donfried contient surtout des œuvres italiennes. Contrairement à celui de son prédécesseur qui comprenait des motets composés surtout pour 5-16 voix, il marque une rupture capitale : il répercute l’arrivée et diffuse le petit concert sacré italien que les compositeurs allemands vont très vite imiter puis adopter. Les pièces des compositeurs allemands (G. Aichinger, H.L. Hassler, U. Loth, mais aussi du Savernois Jelich) prirent une part croissante au fil des publications et vont constituer un panthéon de la musique allemande des années 1620-1630. Il s’agit du passage définitif d’une Renaissance prolongée au baroque et de la naissance d’une musique religieuse proprement allemande. La proximité des répertoires catholique et protestant dans la première moitié du XVIIe siècle a assuré, à ces recueils constitués par un musicien catholique, un succès remarquable auprès des cantors protestants. Le PM occupait une place de choix dans toute bonne bibliothèque musicale ; à Strasbourg même, il a constitué le fonds de répertoire des paroisses protestantes à partir de 1625, au moins jusqu’à la diffusion de la cantate protestante vers 1660. C’est ainsi que Brossard put en acquérir encore des exemplaires vers 1700 et rendre un hommage très éclairé à leur auteur en 1724, soit un siècle après leur publication : « quand elles n’auroient servi qu’a conserver et faire parvenir jusques a nous ces noms d’une quantité surprenante d’autheurs tres respectables, tant par leur antiquité que par leur capacité; on les [les anthologies de Donfried] doit estimer, mais outre cela, on trouvera dans les recueils (…) une quantité prodigieuse d’excellentes pieces, qui ont servy et devroient encor servir de modelles a toutes celles qui les ont suivi, et dont La posterité n’auroit peut estre jamais eu la moindre connoissance, sans les soins que de grands hommes se sont donnez de tems en tems de les ramassez et de les faire imprime r». L’incroyable succès du PM, grâce à son caractère pratique et pédagogique, en a fait un outil indispensable pour tous les cantors allemands de l’époque baroque (J. S. Bach l’a encore utilisé à Leipzig) comme le prouvent les nombreux exemplaires conservés. D’après Johann Gottfried Walther, Donfried serait aussi l’auteur d’une importante tablature d’orgue. Il n’en reste aucune trace et il est probable qu’elle fut plutôt l’œuvre du fils de Donfried, Johann Georg, organiste à Rottenburg.

Bibliographie sélective : S. de Brossard, Catalogue des Livres de musique théorique et pratique, vocalle et instrumentalle, tant imprimée que manuscrite, qui sont dans le cabinet du Sr. Sébastien de Brossard, chanoine de Meaux, 1724-1725, BN ms. Rés. Vm8 20 ; J. G. Walther, Musicalisches Lexicon oder musicalische Bibliothek, 1732. Fac-similé Kassel-Bâle, 1963 ; A. Adrio, Die Anfänge des Geistlichen Konzertes, Berlin, 1935 ; Rainer Schmitt, Untersuchungen zu Johann Donfrids Sammeldrucken unter besonderer Beücksichtigung der geistlichen Konzerte Urban Loths, Bonn, 1974 ; J.-L. Gester, « La musique italienne à Strasbourg et en Alsace dans la première moitié du XVIIe siècle », Studi Musicaii, Accademia Nazionale di Santa Cecilia, Anno XXV, Rome, 1996; A. Beer, « Donfried, Johann » dans : Die Musik in Geschichte und Gegenwart, Personenteit 5, col. 1259-1260, Kassel-Stuttgart 2001 ; J.-L. Gester, La musique religieuse en Alsace au XVIIe siècle, Strasbourg, 2001.

Jean-Luc Gester (2004)