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DELFIS Nicolas (DELEFIS, DELFILS)

Abbé de Lucelle (★ Vaufrey, Doubs, 11.2.1683 † Lucelle 6.11.1751).

Élu à la tête de l’abbaye cistercienne de Lucelle le 20.11.1708, N. Delfis est une des figures les plus brillantes du catholicisme alsacien. Reçu à l’abbaye en 1703, ordonné prêtre trois ans plus tard, il poursuivit l’œuvre de restauration commencée par son prédécesseur, le Fribourgeois Antoine de Reynold (1700-1708). Sa désignation s’explique par des raisons politiques : étant sujet du roi de France, il fut choisi de préférence à un candidat étranger. Sous son abbatiat, la communauté recouvra une discipline solide et se fit plus nombreuse : une cinquantaine de moines en 1720 au lieu d’une quarantaine dix ans plus tôt. Les études se développèrent sous la conduite d’un théologien venu de l’abbaye de Salem, Raphaël Köndig, qui rédigea notamment un Elenchus Privilegiorum (1728), et de l’archiviste Bernardin Walch († 1760). L’exaltation des privilèges de l’abbaye résonnait comme une sorte de défi face à l’évêque de Bâle qui tenta vainement d’imposer sa juridiction temporelle à plusieurs occasions (en 1716 à propos des dîmes, en 1743 au sujet des limites du ban de Lucelle). En 1728, Delfis fut nommé vicaire général de l’ordre de Cîteaux pour l’Alsace, la Suisse et le Brisgau et chargé par le nonce de visiter les abbayes de Lure et de Murbach. Mais c’est surtout comme administrateur que Delfis a laissé une empreinte durable. Les domaines abbatiaux firent l’objet de terriers plus complets tandis qu’une gestion plus rigoureuse permit de liquider des dettes vieilles, parfois, d’un siècle. À Lucelle même, l’église reconstruite après l’incendie de 1699, fut dotée d’une nouvelle décoration en stuc, de six nouveaux autels (conservés à Bouxwiller et à Winckel), d’un orgue de quarante registres dû au facteur Joseph Valentin (1725) et d’oeuvres de ferronnerie. Les bâtiments conventuels furent complétés par une auberge (1725), tandis qu’on aménagea de vastes jardins (1712-1735). Les maîtres d’œuvres et les artistes réunis par Delfis, les peintres Stauder, Hauviller et Jehl, par exemple, ou les maçons originaires de l’arc alpin, furent actifs dans la plupart des possessions de Lucelle. Ainsi, les prieurés de Saint-Apollinaire (vestiges du mobilier visibles à Michelbach-le-Haut), de Blotzheim (v. 1733), de Schlierbach (v. 1722-1725), tous les trois conservés, et celui de Lutterbach (cour domaniale incendiée en 1721), furent reconstruits ou restaurés, de même que les maisons curiales de Ferrette, Froeningen, Pfetterhouse, Morschwiller le Bas, Koestlach ou Miécourt. Plusieurs églises firent l’objet de travaux : Koestlach, Phaffans (1734-1749), Froeningen (clocher de 1749). Les armoiries parlantes de Delfis – des dauphins – sont encore visibles en de nombreux endroits.

Iconographie : portrait aujourd’hui disparu reproduit dans Chèvre, op. cit., et Varry, op. cit.

L. D., « Les derniers abbés de Lucelle », Revue Catholique de l’Alsace, 1858 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. I, 1909, p. 360 ; S. Friederich, « Das Seelbuch von Lützel », Annuaire de la Société dhistoire sundgauvienne, 1943-1948; M. Mangold, « L’ancien prieuré de Blotzheim », Annuaire de la Société dhistoire sundgauvienne, 1953 ; P. Stintzi, « Erinnerungen an Lützel », Annuaire de la Société dhistoire sundgauvienne, 1973 ; A. Chèvre, Lucelle, histoire d’une ancienne abbaye cistercienne, Porrentruy, 1973 ; L. Abel, « Un palais curial aux champs : le Prieuré de Schlierbach », Espace alsacien, n° 22, 1982 ; D. Varry, « Une seigneurie du pays belfortain. La paroisse de Phaffans au XVIIIe s. », Belfort, Bulletin de la Société belfortaine démulation, 1985.

Georges Bischoff (1986)