Professeur puis recteur d’Académie, (C) (★ Paris 8.7.1797 † Paris 15.1.1887).
Famille originaire de Cerdagne. Fils de Denis Laurent Delcasso (★ Saint-Pierre-des-Forçats 15.12.1739) d’abord curé constitutionnel de Mont-Louis, Pyrénées Orientales, puis député à la Convention et aux Cinq Cents et époux d’une parente de Cambacérès, qui se rallia au gouvernement consulaire et impérial. Son fils Laurent, boursier au lycée de Pau, passa ensuite 3 ans à l’École Normale, Paris, où il subit l’influence de son maître. Cousin. Excellait autant en littérature qu’en histoire et en philosophie. Carrière universitaire sans faille ni surprise : maître répétiteur au collège royal de Douai, régent au collège communal de Thionville, y enseigna et composa des vers (ce qu’il fit toute sa vie). Devint agrégé des classes supérieures, nommé professeur de 4e au collège royal de Strasbourg (1827-1829) chargé de l’enseignement de l’histoire (1829-1835). Prépara une thèse de doctorat sous la direction de Jean Geoffroi Schweighaeuser, titulaire à la faculté des Lettres de la chaire de littérature grecque. Soutint ses deux thèses : latine et française. Essai sur les lyriques grecs, 46 pages le 1.5.1828. Docteur ès lettres, il fut appelé comme suppléant à la faculté après la Révolution de 1830 : de Bautain © d’abord, (1830-1832) pour le cours de philosophie (le calme était rétabli après le déchaînement des passions anticléricales) ; de Charles Cuvier © ensuite (1833-1835) en histoire. Il fut nommé en 1835 (6 nov.) comme professeur de littérature latine. Succéda à Bautain comme doyen, à titre provisoire (5.4.1841) puis définitif (18.10). Il exerça cette fonction pendant 14 ans (1841-1855). Reprit l’enseignement de la philosophie « pour apaiser les esprits » émus par l’affaire Ferrari (1842-1848), suppléé alors dans sa chaire de littérature latine par Faustin Colin (1842-1844), puis Célestin Hippeau (1844-1845) et Henri Weil (1845-1848). En 1848, retourné à sa chaire de littérature latine (Paul Janet nommé en philosophie), il inaugura en 1855 les cours à l’Hôtel de ville mis à la disposition de la faculté, par le maire Coulaux. Un nombreux et distingué public s’y pressait. En 1855 (19 novembre) il succéda à J. Rinn, recteur frappé d’apoplexie au cours de la séance de rentrée, dans le rectorat nouvellement créé. Comme recteur, Delcasso administra les trois ordres d’enseignement et appliqua une politique en rapport avec les directives du Gouvernement. Il présida les séances de rentrée de l’Université : les 5 facultés, l’École supérieure de Pharmacie et l’École préparatoire de Mulhouse, chaque faculté menant encore sa vie autonome et non réunie en corps ; il préside en 1857 à l’union de la faculté de Médecine et de l’École de Santé militaire (11 nov.) « Par cette union, l’Académie de Strasbourg est devenue en quelque sorte le siège d’une École polytechnique des sciences médicales, chirurgicales et pharmaceutiques… ».
Il soutint l’enseignement secondaire, présida les distributions des prix du lycée impérial de Strasbourg, aida à la transformation en lycée du collège de Colmar (art. de J. Joachim, Annuaire de la Société historique et littéraire de Colmar 1959, p. 136). Esprit nourri de culture classique ouvert à la philologie allemande en plein essor, a compris la nécessité d’un enseignement scientifique (uni aux lettres dans l’enseignement secondaire) et professionnel (à créer) : une école des sciences appliquées est créée à Mulhouse (décret impérial du 22.9.1855, voir ouvrage de R. Oberlé, L’enseignement à Mulhouse, p. 204) et développe dans la cité l’enseignement professionnel. Un collège fut fondé à Guebwiller ; l’enseignement spécial y fut organisé dans les établissements secondaires conformément aux directives du gouvernement, dans la mesure des disponibilités financières. Des cours de sciences appliquées, ouverts à Strasbourg avec l’aide bénévole des professeurs de lycée, connurent un succès passager.
Autre rôle essentiel : dans l’enseignement primaire où il s’efforce de développer la connaissance de la langue française. Dans son Règlement de l’emploi du temps pour les écoles primaires publiques de l’Académie de Strasbourg, il confirme les dispositions du règlement de 1853 et modifiait la répartition des langues d’enseignement, provoquant des levées de boucliers en faveur de la Muttersprache. Dans les écoles primaires dont il favorise le développement à la campagne, il prôna l’utilisation du chant : en union avec un maître de l’École normale de Strasbourg, Pierre Gross, il publia un Recueil de chants pour les écoles primaires en trois volumes gradués. Il crée des bibliothèques rurales, organise des cours d’adultes, des cours du soir (place du Château), en liaison avec les efforts de culture populaire entrepris par Jean Macé. À sa retraite prise le 1.1.1866, il demeure à Strasbourg ; il est remplacé comme recteur par Chéruel ©, dernier recteur de l’Académie (Jules Zeller nommé le 20 août 1870 n’ayant pu être installé). Il participa aux travaux de la Société littéraire de Strasbourg, créée en 1861 par le préfet Migneret. Féru de musique et de poésie (sainte Odile) il a traité dans la Revue catholique d’Alsace (fondée en 1859 et où il trouvait cependant des adversaires de sa politique linguistique) différents sujets : organisation des études littéraires dans les lycées et collèges (1866), l’enseignement primaire obligatoire (1867). Avec le parti catholique, il se prononce contre le principe de l’obligation. Il quitta l’Alsace après l’annexion après avoir passé 43 ans dans notre ville.
L’épouse de Delcasso s’appelait Marie Élisabeth Habay, née en 1806. Leur fille Marie Charlotte Adélaïde, née à Strasbourg le 28.3.1829 épousa le 5.9.1855 François Antoine Boullet, né à La Chapelle Saint-Guillain (Haute-Saône) le 23.10.1817.
Rapports des séances de rentrée des Facultés (imprimés) 1854-1869.
Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. I, 1909, 359-360 ; C. Pfister, « Professeurs d’autrefois. Laurent Delcasso », Revue d’Alsace, 1925, p. 415-430 et 571-580 ; F. Ponteil, L’opposition politique à Strasbourg sous la Monarchie de Juillet, 1830-1848, Paris, 1932, p. 659, 661, 663 ; P. Leuilliot, L’Alsace au début du XIXe siècle, t. 3, Religions et cultures. 1960, p. 270, note I (« Delcasso, neveu par mariage du maréchal Molitor ») ; R. Oberlé, L’enseignement à Mulhouse de 1798 à 1870, Paris, 1961, p. 53, 145-263 ; G. Christmann, Recherches sur la Faculté des Lettres de Strasbourg, les grades à la Faculté des Lettres de 1809 à 1870, DES d’histoire moderne, 1964 ; Chr. Baechler, L’enseignement primaire dans le Bas-Rhin sous le Second Empire, DES Strasbourg, 1965 ; Dictionnaire de biographie française X, 1965, 777 ; Himly, Chronologie de la Basse Alsace, Strasbourg, 1972, p. 222 et 225.
Georges Livet (1986)