Céramiste, (C) (★ Guebwiller 2.1.1823 † Sèvres, Hauts-de-Seine, 15.5.1891).
Fils de Richard Deck, teinturier en soie, et de Marguerite Hach. Dès l’époque de ses études au collège de Lachapelle-sous-Rougemont, le jeune Deck se passionna pour la chimie des colorants. Entré en 1842 comme apprenti chez le maître-poëlier Hugelin à Strasbourg, il y découvrit les bases des faïences style Renaissance de Saint-Porchaire, en grande vogue à cette époque. Son voyage de compagnonnage conduisit Deck à Salzbourg, Graz, Vienne, Budapest, Prague, Dresde, Leipzig, Berlin, Hambourg ; il travailla aussi à l’exécution de poëles monumentaux dans plusieurs châteaux, notamment à Schönbrunn. Embauché en 1847 chez le maître-poëlier Vogt à Paris, il n’y resta qu’un an et, après la Révolution de 1848, vint s’établir à Guebwiller où il installa un atelier de modelage. De retour à Paris en 1851, il devint contremaître dans la fabrique de poëles Dumas.
En 1856, en collaboration avec son frère Xavier, Deck s’établit à son compte et installa, au boulevard Saint-Jacques, les ateliers « Faïences d’art Th. Deck », transférés en 1858 passage des Favorites. Il y fut rejoint par son neveu Richard, et ouvrit un magasin de vente rue Halévy, que dirigea sa sœur Annette. Spécialisé un moment dans la faïence de Rhodes et celles de style persan et extrême-oriental, il réalisa également des panneaux décoratifs (ainsi la magnifique salle de bains de la villa Schlumberger, reconstituée au Musée du Florival à Guebwiller) ainsi que des plats à portraits. Il bénéficia dans ce domaine de la collaboration suivie d’artistes de grand talent, ainsi Paul Helleu et surtout Albert Anker, le grand peintre suisse. Ses travaux conduisirent Deck à élaborer le fameux bleu turquoise dit « bleu Deck », à retrouver la formule du vert céladon et à exceller dans les fonds or.
Il exposa notamment à Paris (médaille d’argent, 1861), à Londres en 1862, à l’Exposition Universelle de 1878 et à Mulhouse en 1879. La production de son atelier, où il forma de nombreux céramistes, connut un grand succès commercial ; la fabrication s’y poursuivit jusqu’en 1907, bien après le décès de Deck (1891). Celui-ci consigna ses techniques et secrets de fabrication dans son ouvrage La faïence, publié à Paris en 1887. La même année, D. fut nommé directeur de la Manufacture de Sèvres, poste qu’il conserva jusqu’à sa mort. Officier de la Légion d’honneur, il connut encore un grand renom posthume, et son monument funéraire, au cimetière Montparnasse, à Paris, fut réalisé par son célèbre ami le statuaire Auguste Bartholdi ©. À Guebwiller, une plaque signale sa maison natale (n° 10, rue de la Monnaie), une rue porte son nom et un monument commémoratif orne le parc de la Marseillaise. Des collections de ses oeuvres sont conservées au musée du Florival à Guebwiller, au musée Cantini à Marseille, au musée des Arts Décoratifs à Paris, au musée national de céramique à Sèvres, au musée d’Unterlinden à Colmar, au musée de l’Impression sur Étoffes à Mulhouse (fonds de la Société Industrielle de Mulhouse), au Kunstmuseum à Berne, au Muséum Bellerive à Zurich, au Victoria and Albert Museum à Londres. Deck peut être considéré comme l’un des plus grands céramistes français du XIXe siècle, et l’un des inspirateurs de la céramique du XXe siècle.
R. Ménard, L’art en Alsace-Lorraine, 1876, p. 134 ; A. Girodie, « Théodore Deck », Revue alsacienne illustrée, vol. V, n° 2 (mars 1903), p. 45-66 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. I, 1909, p. 354-355 ; A. Girodie, Théodore Deck, céramiste, Nancy, 1912 ; A. Lebert, « Théodore Deck », l’Alsace française du 8.11.1924, p. 1 057 ; U. Thieme et F. Becker, Allgemeines Lexikon der Bildenden Künstler, t. 8, 2e éd., Leipzig, 1 940-1 947, p. 51 8 ; F. Zeller, « Un grand artiste, Théodore Deck, enfant de Guebwiller », L’Alsace, nov.-déc. 1952 (6 suites) ; Larousse du XXe siècle, 1960, t. 2, p. 707 ; Dictionnaire de biographie française X, 1963, 486 ; R. Maury, « Théodore Deck, un magicien du feu », ABC Décor, le guide des Antiquités, n° 61 (nov. 1969), p. 35-39 ; Ch. Wetterwald, « Théodore Deck, céramiste », Guebwiller à travers son passé, Guebwiller, 1971, p. 137-142 ; H. J. Heuser, Französische Keramik zwischen 1850 und 1970, München, 1974, p. 68-82 ; L. Sittler, Hommes illustres d’Alsace, Colmar, 1976, p. 123 ; A. Halle, « Théodore Deck, directeur de la Manufacture nationale de porcelaine de Sèvres de 1887 à 1891 », La Maison d’Alsace, n° 20 (nov-déc. 1979), p. 9-13 ; A. Gardner, « Un poëlier originaire de Guebwiller devient un grand artiste de la céramique », La Maison d’Alsace, n° 20 (nov.-déc. 1979), p. 14-17 ; B. Jacqué, « Les céramiques de Théodore Deck au Musée d’Unterlinden à Colmar », Bulletin de la Société Schongauer à Colmar, 1979-82, p. 129-141 ; P. Kjellberg, « Théodore Deck », Connaissance des arts, 1979, n° 331 ; B. Jacqué, « Théodore Deck, céramiste », Bulletin de la Société industrielle de Mulhouse n° 4/1982, p. 135-143 ; S. Kuthy, A. Anker, Fayencen in Zusammen arbeit mit Théodore Deck, Zürich-Schwäbisch Hall, 1985.
Théodore Deck, magicien du feu, catalogue de l’exposition présentée à l’Hôtel de Ville de Guebwiller, octobre 1976 ; Théodore Deck, catalogue de l’exposition présentée au Musée Cantini à Marseille, janvier-février 1980 ; A. Anker, 1831-1910, Die Fayencen/Les faïences, catalogue de l’exposition présentée au Haus zum Rechberg à Zurich, mai-juin 1985, au Kunstmuseum de Berne, juillet-août 1985, et au Musée du Florival à Guebwiller, septembre-octobre 1985.
Jean-Marie Schmitt (1986)