Abbesse de Saint-Jean-des-Choux (? † 1724). (L’expression Saint-Jean-des-Choux n’apparut que vers 1700 dans les actes du Conseil Souverain et dans sa correspondance avec l’abbaye et n’a pas d’équivalent en allemand : on disait « St. Johann bei ou nächst Elsass-Zabern »).
M.-A. de Davier serait originaire du Danemark ou du Nord de l’Allemagne. D’après les Mémoires de Lagrange (cf. L’Alsace en 1700, 1975) elle était originaire du Danemark. Dans « l’Instrumentum » de 1720, pièce officielle du couvent, il est dit « von Edelen Eltern aus dem Hertzogthum Sachsen geboren », (Archives départementales du Bas-Rhin, H2890). Sa mère. Maria Catharina von Davier, née Stenglin von Necken, Wittib, mentionnée en 1672 (Archives départementales du Bas-Rhin, H 2923) est une « Frey-Reichsgeborene in dem Fürstentum Sachsen-Anhalt ». M.-A. de Davier s’était trouvée en Souabe probablement par suite de la carrière de son père (originaire du Danemark) : « Ihr Vater war Rittmeister in Würtenberg gewesen », selon Léon Bachmeyer… Elle était entrée en religion dans le couvent bénédictin d’Urspringen près d’Ulm, dépendant de l’abbaye de Sankt Georgen, Forêt-Noire. D’abord prieure des bénédictines d’Urspringen, puis élue abbesse de Saint-Jean en 1668. Comme telle, elle se fit rendre l’hommage de fidélité de la part des religieuses de Saint-Jean ainsi que des sujets de ce village et de ceux de Sornhofen (27 novembre 1668). Forte personnalité, l’abbesse fit preuve durant les 56 années passées à la tête de l’abbaye (1668-1724), et malgré une quasi-cécité, d’une intense activité aussi bien sur le plan spirituel, par le recrutement et la formation des moniales (aidée par la prieure, Reding von Bibereck et la sous-prieure, Élisabeth Hanger), que sur le plan temporel, par beaucoup de travaux utiles ; et ceci malgré les terribles guerres, celles de Louis XIV contre la Hollande, suivie de celle de la succession du Palatinat. De grands dégâts accablèrent son couvent, quand en 1676, le maréchal de Luxembourg battant en retraite devant l’armée impériale, occupa les hauteurs de Saverne ; l’armée dévasta tout et le couvent lui-même ne fut pas épargné. En 1680, après la paix de Nimègue, elle fut même obligée par un arrêt pris par le Conseil Souverain d’Alsace (réunion de ce territoire et de l’évêché de Strasbourg à la Couronne de France) de reconnaître la souveraineté du roi de France, auquel elle rendit hommage en 1681, conservant implicitement toutes les prérogatives, biens, droits et revenus. Le petit territoire fut constitué en prévôté bailliagère. Les liens avec Sankt-Georgen étaient rompus ; en 1715 elle demanda son affiliation à la Congrégation bénédictine du diocèse. Mais grâce aux édits royaux relatifs à la reconstruction et au repeuplement, l’abbesse favorisa l’agriculture, distribua les biens caducs, permit aux nouveaux habitants de reconstruire des fermes. Plus important encore, l’acte de concession du 10 mars 1698, qui aboutit à la création du petit village de Sornhofen, (variantes Sornhoven, Sornhoffen, rarement avant la Révolution la forme actuelle, Zornhoffen), – qui succéda au rétablissement du moulin et de la scierie (1686). De nouveaux habitants s’installèrent à Sornhofen. Elle fit renouveler aussi le terrier de la commune de St-Jean et reconstruire la tuilerie du Martelberg avec l’autorisation de la corporation des tuiliers d’Alsace, dont le siège était à Colmar, en versant au prévôt de cette tribu quarante écus d’empire. Mais en même temps qu’elle pourvut aux réfections matérielles, elle soutint plusieurs procès difficiles avec l’évêque Egon de Fürstenberg, puis avec le cardinal de Rohan. Le premier lui ayant contesté les droits de juridiction, une sentence du Conseil Souverain du 15 mars 1701 maintint l’abbesse dans la possession de la haute juridiction. Pour mettre fin ensuite à de longs conflits, elle céda le 28.4.1718 aux instances renouvelées du cardinal A. Gaston de Rohan, en lui abandonnant le domaine de Sornhofen avec ses habitants et tous ses droits, afin de lui permettre de réaliser son plan d’élargissement du parc du château de Saverne et le creusement d’un canal de plaisance ; en échange elle reçut le village d’Eckartswiller (habitants, juridiction, revenus), qui dépendait du temporel de l’évêché par l’acte d’échange de 1718 (Archives départementales du Bas-Rhin, H 2891). Cet échange donna lieu à une foule de discussions entre l’abbesse et les officiers et la chambre des comptes. En 1718 elle fut placée sous la protection de l’évêque de Strasbourg. En 1720 parut le Statutenbuch où sont notés les droits et les biens réels ou prétendus du couvent et qui constitue une source de renseignements sur l’état des choses. Après une vie aussi bien remplie, A.-M. de Davier s’éteignit, couronnée de mérites exceptionnels, qui ont valu à l’abbesse d’être considérée comme la seconde fondatrice du monastère.
D. Fischer, « L’abbaye de Saint-Jean-des-Choux », Bulletin de la Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace, 1868, p. 1-28 ; D. Fischer « Notice historique sur Monswiller et Zornhofen », Revue d’Alsace, 1874 p. 325-346; J. Levy, « Necrologium monasterii Sancti Joannis ad Caules » Bulletin de la Société pour la conservation des monuments historiques d’Alsace, t. 20, 1902, p. 231-288; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. I, 1909, p. 352 ; A. Wollbrett, articles « Saint Jean-Saverne », Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, n° 51-52, III-IV, 1965 ; « Saint-Jean-Saverne », Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, n° spécial 127 bis, 1984 « Monswiller Zornhof », Société d’histoire et d’archéologie de Saverne et environs, cahier 131, 1985.
Georgette Krieg (1986)