Prêtre, représentant du catholicisme social, sociologue, (C) (★ Colmar 4.7.1847 † Mulhouse 17.11.1918).
Fils de Jean-Baptiste Cetty, tonnelier, et de Thérèse Schmitt. Famille d’origine italienne installée à Sélestat depuis le XVIIe siècle. Études à l’école des Frères de Marie (1852-1861), au Collège libre de Colmar (1861-1868) et au Grand Séminaire de Strasbourg (1868-1872). Dès alors, Cetty collabora au Volksfreund et à la Revue catholique d’Alsace où il publia, en 1870, un article en faveur de l’infaillibilité pontificale. Ordination en août 1872. Préfet de discipline et professeur au Petit Séminaire de Zillisheim jusqu’à sa fermeture par l’autorité allemande (1872-1874). Précepteur dans la famille Ritter de Guebwiller (1874-1878), il s’initia à la question sociale par la lecture de Le Play et de Charles Périn, mais aussi par le contact direct avec le monde ouvrier. Vicaire du curé Winterer © à Saint-Étienne de Mulhouse (octobre 1878-mai 1886). En 1883, il fit un séjour au Val-des-Bois de Léon Harmel ; plus tard, il adapta certaines de ses institutions sociales à Mulhouse. Curé de Sentheim (mai 1886-janvier 1889), puis de la paroisse ouvrière de Saint-Joseph de Mulhouse (février 1889-novembre 1918). Il fit construire l’église Saint-Fridolin qui fut érigée en paroisse en 1906. Chanoine honoraire de la cathédrale de Strasbourg le 8.5.1900. Par ses écrits et par ses réalisations, l’abbé Cetty eut une influence décisive sur le catholicisme alsacien qu’il orienta vers la recherche de solutions concrètes à la « question sociale ». Il analysa avec un regard de sociologue la crise de la famille ouvrière (La famille ouvrière en Alsace, 1883 ; Le mariage dans les classes ouvrières, 1885), dépassant les considérations purement morales et religieuses pour mettre en évidence la responsabilité des conditions de travail dans la grande industrie. Il préconisa une intervention législative de l’État (interdiction du travail des femmes, du travail de nuit des enfants et des jeunes filles, repos dominical), mais, surtout, le développement d’associations catholiques, afin de restaurer la famille chrétienne. Dans l’Esquisse d’un programme social chrétien (1896), il affirma avec vigueur le droit de l’ouvrier à un juste salaire et à la propriété. Cetty fut aussi préoccupé par l’appauvrissement du paysan alsacien et l’exode rural (Le paysan alsacien, 1884). À côté de mesures douanières et fiscales, il conseilla la multiplication des caisses mutuelles de dépôts et de prêts. Cetty s’attacha à concrétiser ses propositions dans la paroisse ouvrière de Saint-Joseph. Il créa, dès 1889, des congrégations d’hommes, de jeunes gens, de jeunes filles et de mères chrétiennes, afin de favoriser la pratique religieuse. Il créa un Cercle d’hommes (1891) et un Cercle de jeunes gens (1892) qui associaient activités coopératives (achat de pain, de vin, de charbon), activités récréatives (musique, théâtre, sport) et formation professionnelle. Cetty créa un bureau de placement, ainsi qu’une caisse mutuelle de dépôts et de prêts pour favoriser l’épargne et permettre l’achat de logements. De 1897 à 1909, cette caisse finança la construction de près de 1 500 logements ouvriers. Ces institutions sociales servirent de modèle en Alsace et bien au-delà. Dès ses premiers ouvrages, Cetty connut la célébrité et participa régulièrement aux divers congrès organisés en France et en Belgique par les mouvements chrétiens-sociaux et démocrates-chrétiens. C’est ainsi qu’il fit des rapports aux trois congrès de la démocratie-chrétienne à Lyon (1896, 1897, 1898) et au congrès de l’A.J.C.F. de 1898 à Besançon. En 1894 et 1898, il participa aux cours chrétiens-sociaux organisés par la centrale de Mönchen-Gladbach, à Fribourg et à Strasbourg. Il multiplia les conférences en France et en Suisse et collabora régulièrement aux principales revues sociales de France, l’Association catholique de Paris, la Chronique du Sud-Est de Lyon, la Revue de l’Action populaire, la Revue sociale, le Mouvement social et l’Année sociale de Reims… La montée du socialisme à Mulhouse amena Cetty à s’intéresser à la vie politique. En 1891, malgré l’hostilité de Winterer, il présenta avec succès une liste catholique aux élections municipales. En 1893, il se présenta à l’élection au Reichstag à Mulhouse, mais fut battu par le socialiste Bueb ©. Tout en restant en retrait de la vie politique, il n’en favorisa pas moins la création d’un parti catholique à Mulhouse. Cetty développa la presse catholique en Haute-Alsace. Le 20.11.1892, il y lança le premier quotidien catholique, le Mülhauser Volksblatt. En 1893, il créa l’Œuvre de la presse qui reprit le Journal de Colmar et la Colmarer Zeitung. Le 18.3.1897, il fonda, avec plusieurs ecclésiastiques de Haute-Alsace, la « Société d’édition de Haute-Alsace », et, en assura la présidence jusqu’en 1918. Après l’interdiction de la Colmarer Zeitung et du Mülhauser Volksblatt par l’autorité allemande, le 27.3.1897, la société d’édition lança deux nouveaux quotidiens, l’Oberelsässische Landeszeitung à Mulhouse et I’Elsässer Kurier à Colmar, et, devint le plus important groupe de presse de Haute-Alsace.
Vie et œuvres de M. l’abbé Charles Braun, Rixheim, 1878 ; La Famille ouvrière en Alsace, Rixheim, 1883 ; Le paysan alsacien, Rixheim, 1884 ; Le mariage dans les classes ouvrières, Rixheim, 1885 ; Léon XIII et la Question sociale, Mulhouse, 1888 ; La famille ouvrière d’autrefois, Rixheim, 1889 ; Die altelsässische Familie, Fribourg, 1891 ; Charles Grad. Un Alsacien. Vie et œuvres, Colmar, 1892 ; « Esquisse d’un programme social chrétien », Revue catholique d’Alsace, août 1896 ; Étude sur les corporations, Rixheim, 1897 ; Une paroisse ouvrière organisée, Paris, 1899 ; L’abbé Umhang, Rixheim, 1901 ; Œuvres sociales et ouvrières en Allemagne, Paris,1905 ; L’abbé Joseph Guerber, 1824-1909, Mulhouse, 1910 ; « Le Cercle ouvrier de Saint-Joseph de Mulhouse et ses institutions économiques », Action Populaire, octobre 1910 ; Monseigneur Winterer, Mulhouse, 1912. Nombreux articles dans la Revue catholique d’Alsace, dans la presse catholique alsacienne et dans des revues françaises.
État civil de Colmar ; A. Kannengieser, Un sociologue alsacien. L’abbé Henri Cetty, curé de Mulhouse. Sa vie et ses œuvres, Colmar, 1923, portrait ; P. Stintzi, Ein elsässischer Priestersoziologe, Cetty, Secrétariat social d’Alsace, Mulhouse, 1939; Dictionnaire de biographie française, VIII, 1956, col. 81 ; J. Hincker, Les catholiques et les élections à Mulhouse de 1890 à 1914, Mémoire Strasbourg, 1973 ; C. Baechler, Le parti catholique alsacien 1890-1939. Du Reichsland à la République jacobine, Strasbourg, 1982.
Christian Baechler (1985)
