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CARRIÈRE Eugène

Peintre (C) (★ Cournay, Seine-et-Marne, 17.1.1849 † Paris 27.3.1906).

Fils de Léon Camille Joseph Carrière, natif de Cambrai, directeur d’assurances, et de Marguerite Élisabeth Wetzel de Bouxwiller. ∞ 1877 à Paris, Sophie Desmousseaux, fille d’un tourneur parisien. Enfance et adolescence à Strasbourg (1851-1868), il y suivit ses premiers cours de dessin, copia une lithographie de Julien à l’Académie, château des Rohan, où il remporta tous les prix, dans la classe de Gabriel Séailles (1862), et, de 1864 à 1867, travailla chez le lithographe Auguste Münch. Après des séjours à Saint-Quentin, où il admira les pastels de La Tour (1868) et à Paris (1869), il s’engagea en 1870 puis rejoignit Strasbourg (1871) où il composa Les Droits de l’homme (cabinet des Estampes) pour son ancien patron Auguste Münch, inspirés par l’écrasement de la Commune, deux petits tableaux peints à l’huile (musée des Beaux-Arts à Strasbourg, ainsi que deux autres peintures : une Jeune femme se coiffant devant son miroir et une Ménagère dans sa cuisine, connues seulement par des reproductions. Ces œuvres de jeunesse montrent un goût de l’anecdote tenu en partie de Gustave Brion, un penchant pour un certain expressionnisme sentimental non sans réminiscences de Gustave Doré. Carrière alla parfaire son métier à Londres (1877-78), puis composa successivement un portrait de sa femme, jeune mariée (cabinet des Estampes) ainsi que la première, en date, de ses Maternités (musée Calvet, Avignon), d’une force empreinte de subtilité. Ses enfants deviennent très vite ses modèles de prédilection. À Paris, où il se fixa, il affronta une misère « héroïque » et, socialiste convaincu, soutint l’action de Zola dans l’affaire Dreyfus. Sa philosophie et son expression doloristes ne firent que s’accentuer. C’est alors qu’il réalisa son projet pour un monument à Verlaine, stylisé à partir de Rodin (Nancy), et qu’il écrivit deux essais L’enseignement et l’éducation de l’art par la vie (1900) et L’Homme visionnaire de la réalité (1903). Il se fit connaître surtout comme excellent portraitiste (Paul Verlaine, A. Daudet, H. Rochefort, Puvis de Chavannes, Rodin, Edmond de Goncourt, Marguerite Carrière, sa propre fille, autoportraits, etc) mais aussi par des peintures d’inspiration religieuse (Vierge au pied de la Croix, Strasbourg, cabinet des Estampes) et par des natures-mortes. Il se lia d’amitié avec Gauguin qui lui offrit son portrait avant son départ pour l’Océanie (1891). Mais ce fut aussi l’époque où ses ennuis de santé se précisèrent et s’aggravèrent, après son retour d’Espagne. La maladie qui devait l’emporter nécessita une première opération en 1902, puis une seconde après une rémission de quelques années, mise à profit pour un voyage en Italie (1905). Deux de ses enfants héritèrent de ses dons : Lisbeth dite « Delvolvé », peintre de fleurs et de paysages († 1934) et J. René, sculpteur et peintre, influencé par Rodin. Celui qui se plaisait déjà tout enfant à contempler la cathédrale et qui devait l’essentiel de sa formation au milieu strasbourgeois s’est vu attribuer une rue au sein de la ville dans les années 1920, tandis qu’un magnifique exposition lui était consacrée en 1964 dans le château des Rohan à Strasbourg. Sur les 42 peintures d’Eugène Carrière qu’on y pouvait voir, onze se trouvent au musée des Beaux-Arts à Strasbourg. De même quatre de ses dessins sont conservés au cabinet des Estampes, sans compter deux trophées champêtres lithographiés à la plume par Carrière à l’âge de 15 ans d’après des gravures du XVIIIe siècle, dans l’atelier de Münch ou de Groskost, à Strasbourg, en date du 22.12.1864.

G. Vapereau, Dictionnaire universel des contemporains, Paris, 1893, p. 292 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 1079-1080 ; E. Carrière, En souvenir d’Eugène Carrière, Mâcon, 1907 ; Allgemeines Lexikon der bildenden Künstler von der Antike bis zur Gegenwart, herausgegeben (begründet) von Ulrich Thieme und Felix Becker, Leipzig, VI, 1912, p. 77-79 ; E. Joseph, Dictionnaire biographique des artistes contemporains, 1930, t.1, p. 243-246 ; P. Ahnne, « Note sur la jeunesse alsacienne d’Eugène Carrière », Trois siècles d’art alsacien, Paris-Strasbourg, 1948, p. 189-199 ; Dictionnaire de biographie française, VII, 1956, col. 1254-1255; P. Ahnne, V. Beyer, H. Haug, Ch. Oulmont, « Eugène Carrière 1849-1906. Exposition au château des Rohan », Strasbourg, 12.6 et 20.9.1964 ; Ch. Oulmont, « Le vrai visage d’Eugène Carrière, documents inédits sur le peintre des maternités », Sains d’Alsace, 1964, p. 312-322 ; V. Beyer, « Exposition Eugène Carrière au château des Rohan de juin à septembre 1964 », Présence de Strasbourg, 1964, n° 8, p. 29 ; Encyclopédie de l’Alsace, 1983, t. 2, p. 1078 ; M. Osterwalder, Dictionnaire des illustrateurs, 1800-1914, Paris, 1983, p. 220. Sur Lisbeth Carrière : Bénézit, Dictionnaire critique… des peintres, sculpteurs, dessinateurs…, Paris 3e éd., 1976, p. 561. Sur J. René Carrière : Revue de l’art, 66, 1934, p. 394 ; H. Vollmer, Künstler Lexikon des XX. Jahrhunderts, I, 1953, p. 396.

Gérard Cames (1985)