Chimiste et député du Bas-Rhin, (C) (★ Paris 2.2.1802 † Paris 11.5.1887).
Fils d’un officier retraité de l’Empire, et d’Elisabeth Münch, fille du bourgmestre de Wetzlar. ∞ 7.1.1835 à Lampertsloch Marie Salomé Alexandrine Adèle Le Bel, fille d’Achille Le Bel, propriétaire des mines de Lobsann et du domaine du Liebfrauenberg, ancien couvent transformé en manoir, et de Marie Salomé Krauss ; 2 enfants : Joseph, qui suit, et Mme Crozet. Après des études secondaires incomplètes, il s’échappa de ce « laminor », comme il appela le collège ; il prit goût aux sciences physiques et naturelles, puis suivit pendant trois ans les cours libres des célèbres professeurs Thénard, Biet, Gay-Lussac, Cuvier et Villemain. A partir de 1818, il continua ses études à l’École des mineurs de Saint-Étienne, établissement où, devenu préparateur, il étudia, de sa propre initiative, la combinaison du silicium avec le platine et la présence du silicium dans le fer et l’acier. Le mémoire qui résulta de ces recherches et qu’il qualifia lui-même dans ses mémoires de « base de sa fortune scientifique », fut publié dans la suite par Gay-Lussac dans les Annales de chimie et de physique. De retour à Paris, il accepta un poste en Alsace aux mines d’asphalte de Lobsann, dont l’un des propriétaires était Achille Le Bel ©. Pendant son séjour dans cette industrie, il modernisa l’exploitation, en se référant à l’appareillage qu’il avait vu un an plus tôt à Seyssel, sur le Rhône. Poussé par Alexandre de Humboldt, dont il avait fait la connaissance à Paris, il partit pour le Vénézuéla, à la demande du général Bolivar. Celui-ci lui assigna la mission de fonder une école d’ingénieurs à Bogota et d’explorer, en même temps, les richesses minières du pays. Mais après son débarquement en Amérique du Sud, alors en pleine révolte contre l’Espagne, Bolivar le nomma colonel d’état-major, fonction que le jeune savant doubla de multiples qualifications, telles que, pour ne citer que les plus connues, de géologue, minéralogiste, de chimiste, de physicien, de géographie, de botaniste, d’ethnographe et d’explorateur, fonction qui lui permit d’accomplir la mémorable ascension du Chimborazo. C’est au cours de cette époque mouvementée qu’il rédigea de nombreuses communications qui furent accueillies à Paris par les Annales de chimie et de physique. Revenu en France après dix années d’absence, Boussinguault enseigna à la Faculté des Sciences de Lyon, d’abord comme professeur, puis comme doyen. En 1839, il fut élu membre de l’Académie des Sciences, avant d’être nommé professeur d’économie rurale au Conservatoire des Arts et Métiers. Sous la Seconde République, il représenta le Bas-Rhin à l’Assemblée Constituante, puis devint conseiller d’État, poste qu’il résigna après le coup d’État du 2 décembre 1851 pour revenir définitivement à ses recherches scientifiques. « Il y a peu de savants, à qui la politique ait réussi, écrivit-il plus tard, et la Science y a toujours perdu ». De par son mariage, il devint en 1842, par voie d’héritage, propriétaire du Liebfrauenberg, où il installa un laboratoire de chimie agricole et une ferme modèle. Dorénavant, il expérimentera, et au laboratoire et dans les champs, sur de grands ensembles. Au Liebfrauenberg, Boussinguault étudia l’atmosphère et le sel, les milieux nourriciers des plantes, les fonctions des feuilles, les échanges gazeux entre l’air et le végétal pendant la fixation du carbone, la nitrification qui est simplement une combustion de matières azotées. Ces expériences qui eurent une immense portée théorique et pratique, lui permirent d’améliorer les assolements et de déterminer la valeur alimentaire exacte des produits végétaux donnant par, ailleurs une vue détaillée sur le cycle de l’azote dans la nature. Tous ces travaux aboutirent à la publication de l’œuvre de sa vie, intitulée Économie rurale, qui le mit, avec tant d’autres études, au premier rang des fondateurs de la chimie agricole et de la physiologie végétale, parmi lesquels brillait d’un éclat tout particulier le chimiste allemand Liebig. Cette activité inlassable semblait braver les atteintes de la vieillesse. Elle ne put non plus entamer la fidélité qu’il avait vouée au Liebfrauenberg, même au-delà des événements douloureux de 1870. D’ailleurs, une série de ses plus célèbres expériences datait de cette époque. Elle consistait à renfermer à l’abri de l’air des terres rigoureusement analysées, dans de grosses bonbonnes. Si à la fin de ces expériences l’azote total n’avait pas augmenté, par contre la quantité d’azote nitrique s’était accrue. Donc, sans aucun apport d’azote libre, il y avait eu nitrification, c’est-à-dire oxydation de l’azote ammoniacal dans le sol expérimenté. Ce n’est que plus tard que d’autre savants montrèrent que la nitrification est un phénomène biologique, dû à la présence de microorganismes nitrificateurs, les bactéries nitreuses et nitriques. Ces dernières recherches faites par le savant bactériologue Winogradsky intervinrent après la mort de J. B. Boussinguault.
Mémoires de J. B. Boussingault, 5 vol., publiés entre 1892 et 1903, Paris ; A. Pfleger, « J.-B. Boussingault und Schloss Liebfrauenberg », Elsassland, 1921, p. 362 ; Académie des Sciences, Séance publique du 13.12.1926, « Notice historique sur J.-B. Boussingault » par M. Alfred Lacroix, secrétaire perpétuel ; Histoire générale des Sciences, publiée sous la direction de René Tatin, t. III, La Science contemporaine, vol. I, Le XIXe siècle, p. 464 (chapitre V, Physiologie végétale – Les nitrates et la nitrification ; Dictionnaire de biographie française, VII, col. 32 ; – Portrait : Jahres-Bericht des Vereins zur Erhaltung der Altertümer in Weissenburg und Umgegend, t. 5, 1910, p. 108.