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BILGER Joseph Théodore

Syndicaliste paysan et homme politique (C) (★ Seppois-le-Haut 27.9.1905 † Clichy-la-Varenne, Hauts-de-Seine, 2.10.1975).

Fils de Jules Bilger, cheminot et cultivateur et de Virginie Oser. ∞ 25.11.1930 : Marie Suzanne Gillet d’Ingersheim. 4 enfants. Études primaires supérieures à Delle. Journaliste à l’Elsässer Kurier Colmar. Devint en 1929 secrétaire de l’Union paysanne d’Alsace (Elsässischer Bauernbund), fondée en 1924 à Colmar par André Gestermann © pour grouper les petits agriculteurs. Avec l’appui initial de Rossé © et de Sturmel ©, il donna une vigoureuse impulsion à l’Union et l’introduisit dans certaines régions du Bas-Rhin et de la Moselle sous le nom d’Union paysanne d’Alsace et de Lorraine. Pour détruire l’influence de la Fédération agricole et du Groupement des comices, il édifia un réseau d’institutions coopératives particulièrement influentes dans le Sundgau, la Coopérative Saint-Morand, la C.A.U.P.A., la Banque paysanne alsacienne. Il mena des luttes violentes pour évincer les notables ruraux traditionnels et unifier, sous sa direction, les organismes professionnels du Haut-Rhin : ainsi la « bataille du lait » de Mulhouse en 1936 ou la tentative avortée en 1938 de constituer une Union corporative des paysans. Il chercha même à étendre son mouvement à l’ensemble de la métropole et à l’Algérie, ce qui l’opposa à Dorgères avec qui il avait collaboré en 1935-1936 et qui lui aurait emprunté l’uniforme de la Défense paysanne : chemise verte et cravate rouge.

 

À partir de 1934, il constitua un mouvement politique sur le modèle des ligues d’extrême droite. Le Front National du Travail qui regroupait, outre l’Union paysanne, une Union corporative du Travail (Werkbund) et des Jeunes Frontistes (Jung-Front). Violemment antiparlementaire, antimarxiste et antisémite, J. Bilger faisait campagne pour un État corporatif, régionaliste et chrétien, la « IVe République des Ouvriers et des Paysans » sous l’égide symbolique de Jeanne d’Arc. Ses ambitions politiques l’amèneront à rompre avec l’U.P.R., d’où sa candidature aux élections législatives de Guebwiller en 1936 contre Gullung ©. Il organisa de grandes manifestations contre le Front populaire, notamment à Strasbourg le 18.12.1936 (ce qui lui valut une brève détention jusqu’au 22.12) et à Metz le 10.1.1937. Traduites à maintes reprises devant les tribunaux, ainsi en octobre 1937 pour « atteinte au crédit de l’État », ses avocats habituels étaient André Moser ©, maître Nuninger ©, Pierre Pflimlin ©. À partir de septembre 1938, il fit campagne pour une autonomie économique de l’Alsace qui permettrait de rétablir les relations commerciales avec l’Allemagne.

Revenu de captivité le 15 août 1940, il fut Ortsgruppenleiter intérimaire d’Ingersheim et conférencier régional (Gauredner) de l’Elsässischer Hilfsdienst. D’avril 1941 à avril 1942, il fut à Metz membre de la Landesleitung et chef de la propagande de la Deutsche Volksgemeinschaft in Lothringen ainsi que membre du Lothringischer Beirat, conseil consultatif du Gauleiter Bürckel. En juin 1942, son opposition aux projets de transfert à l’Est d’une partie de la population lorraine et son refus d’un poste d’adjoint au Gauleiter amenèrent Bürckel à l’assigner à résidence à Hambourg, mais J. Bilger continua à toucher son traitement. Protégé par le prince August Wilhelm de Prusse, Obergruppenführer des S.A., il rentra dès la fin du mois d’août 1942, mais était désormais privé de fonctions officielles. Il créa un bureau de presse privé à Metz, collabora à la Metzer Zeitung am Abend et prépara un livre Abrechnung mit der dritten Republik, qui ne fut pas publié. En 1943, il fit un voyage en zone Sud avec l’abbé Pierret, agent du S.D., et prit contact à cette occasion avec l’évêque de Metz, Mgr Heintz, le docteur Specklin © et le baron de Reinach ©. Le 13 septembre 1944, il se réfugia en Alsace où il fut arrêté le 31.1.1945. Traduit en juillet 1947 pour intelligence avec l’ennemi devant la cour de justice de Metz, il fut condamné à dix ans de travaux forcés. Libéré à l’automne de 1952, il milita au M.P. 13, mouvement « contre-révolutionnaire » favorable à l’Algérie française et en fut le secrétaire général en 1958.

Sources. ABR : AL98, p. 672 HI65 ; nombreux articles dans la presse du Bauernbund et du F.N.T. : E.-L. Bauernblatt, Volk, le Peuple libre de France et dans la presse de Moselle annexée : Mitteilungsblatt der D.V.G., Metzer Zeitung am Abend ; Affaire Joseph Bilger, brochure anonyme rédigée en 1947 pour assurer la défense de J. Bilger, s.l.n.d., 30 p. ; comptes rendus de son procès dans la presse de Metz, Sarreguemines, Strasbourg, Colmar et Mulhouse (juillet 1947). C. Mouton, La contrerévolution en Algérie, Chiré-en-Montreuil, 1972 ; H. Dorgères, Au temps des fourches, 1975 ; A. Moser, De la ferme au prétoire, Steinbrunn-le-Haut, 1982 ; témoignages oraux inédits ; fragments des minutes du procès de 1947 (archives privées).

Bibliographie. B. Reimeringer, « Un mouvement paysan extrémiste des années 30 : le Bauernbund », Revue d’Alsace, 1979 et la polémique qui opposa F. Bilger à B. Reimeringer, D. Lerch et L. Strauss dans Élan, mai-juin et août-septembre 1980 suivie d’une mise au point de la Fédération des Sociétés d’histoire et d’archologie d’Alsace dans Revue d’Alsace, 1981, p. 318 ; L’action de J. Bilger est évoquée dans A. Wahl, Confession et comportement…, 1980 ; A. Gueslin, Le Crédit mutuel, 1982 ; Christian Baechler, Le parti catholique alsacien, 1982 ; S. et Chr. Gras, La révolte des régions d’Europe occidentale de 1916 à nos jours, 1982 et dans L. Strauss, « Les organisations paysannes alsaciennes de 1890 à 1930 : notables et contestataires », in Histoire de l’Alsace rurale. Strasbourg 1983.

Léon Strauss (1983)