Jésuite, (★ Metz 8.6.1667 † Reims 9.3.1743).
Il fut l’un des maîtres de grande valeur qui illustrèrent le collège royal jésuite de Strasbourg. Il commença à se faire connaître en 1696, lorsqu’il présenta, à Reims, sous la direction du P. Flavet © une thèse de théologie où il essayait de montrer l’accord entre la doctrine de Molina (le théologien jésuite si contesté) et la doctrine de saint Augustin. L’archevêque, Charles-Maurice Le Tellier, censura la thèse et promulgua une ordonnance célèbre qui contribua à la reprise des querelles religieuses à l’intérieur du royaume. A la suite de cette affaire, Baltus fut envoyé, comme son maître, le P. Flavet, au collège de Strasbourg, où il n’avait guère à redouter les foudres d’augustiniens intransigeants. Chargé, en 1698, de l’enseignement de l’Ecriture Sainte, il occupa à partir de1702 la chaire de théologie positive qu’il conserva jusqu’en 1712, date à laquelle il fut nommé recteur de cette même maison. Ces fonctions disent assez son rôle de premier plan dans l’Alsace catholique, à une époque où le collège/séminaire a d’abord pour mission de former un clergé nombreux et de qualité pour un diocèse en pleine reconstruction. Illustration de cette activité alsacienne : son oraison funèbre de Pierre Creagh, archevêque de Dublin et évêque suffragant de Strasbourg (1705). En 1717, ses compétences reconnues en haut lieu le font appeler à Rome, auprès du général des Jésuites, où il occupe les fonctions de censeur général des livres. Dès lors, sa carrière l’éloigne de l’Alsace.
À Strasbourg, le P. Baltus ne fut pas seulement un professeur mais aussi, et peut-être surtout, un écrivain engagé dans les combats d’idées de son temps. C’est dans cette ville en effet qu’il écrivit ses deux ouvrages les plus célèbres. Dans sa Réponse à l’Histoire des Oracles de M. de Fontenelle, Strasbourg, 1707, il s’en prend au grand académicien. Grâce à sa connaissance parfaite de la patristique, à sa compétence d’hélléniste et de philologue et même à son ironie, B. fut très vite considéré comme la principal adversaire de Fontenelle. Quelques années plus tard, il fit paraître sa Défense des SS. Pères accusez de Platonisme (Paris, 1711), dirigée cette fois-ci contre le ministre protestant Matthieu Souverain, qui cherchait à prouver que les Pères de l’Eglise avaient puisé dans les écrits de Platon leurs idées sur la Trinité et le Logos. Pour Baltus il y a un lien entre Fontenelle et Souverain : l’un accuse les Pères de rapporter des fables, l’autre les dit tributaires de la pensée païenne. Ces deux importants ouvrages écrits par le P. Baltus au cours de son séjour sur les bords de l’Ill, montrent à la fois le haut niveau de l’enseignement dispensé dans le collège royal au début du XVIIIe siècle et en même temps le rôle tenu par Strasbourg, dès cette époque, comme centre de résistance au mouvement de critique et d’émancipation que l’on appelle, depuis P. Hazard, « la crise de la conscience européenne ».
De Backer-Sommervogel, Bibliothèque de la Compagnie de Jésus, 12 vol., Bruxelles-Paris, 1890-1932, T. I, col. 856-860 ; Catalogi sociorum et officiorum provinciae Campaniae societatis Jesu ab anno 1616 ad annum 1773, édité par L. Carrez S.J., 10 vol., Châlons, 1906-1914, t. IX et t. X ; M. Bouchard, L’histoire des oracles de Fontenelle, Paris, 1947 ; A. Cioranescu : Bibliographie de la littérature française du dix-huitième siècle, Paris, 1965, t. I, p. 271 ; également, nombreux articles dans le Dictionnaire d’Histoire et de Géographie ecclésiastique et surtout le Dictionnaire de Théologie Catholique (ainsi, article Molina, t. X, 2 col. 2094-2187).
Louis Châtellier (1983)