Orfèvre, (Pl) (★ Strasbourg 6.3.1721 † Strasbourg 23.5.1795).
Fils de Jean-Daniel Baer, orfèvre à Strasbourg (maître en 1716), et de Marguerite Barbe Stroehlin, fille de l’orfèvre Jean-Pierre Stroehlin. ∞ Strasbourg Robertsau 3.3.1765 Charlotte Louise Wagner, fille de fermier seigneurial, native d’Ingwiller, établie à Strasbourg depuis 1746; 4 fils dont Jean-Frédéric, orfèvre (★ Strasbourg 8.2.1766 † Strasbourg 3.5.1795) qui effectua son apprentissage chez son père de 1779 à 1784 et épousa Sophie-Louise Kastner. Comme son
frère aîné Jean-Daniel (★ Strasbourg 10.12.1721 † Strasbourg 24.2.1778), il effectua
son apprentissage dans l’atelier parental, de 1734 à 1738. Après son compagnonnage, il ne
revint pas immédiatement au métier mais s’établit à Londres, chez un banquier. Il ne demanda l’autorisation de commencer sa pièce de maîtrise à Strasbourg que le 30.9.1745, requête qui lui fut accordée dans l’atelier d’un des trois maîtres contrôleurs, Jean-Daniel Ott. Le 25.2.1746, il présenta son chef-d’œuvre aux trois contrôleurs qui le reçurent comme excellent. Le 1er mars suivant, il fut admis à la corporation de métiers de l’Échasse. De même que son père et son frère, Jean-Frédéric B. apparaît régulièrement dans les registres de procès-verbaux de l’Échasse, notamment lorsqu’il accueillait des apprentis ou des compagnons. Il devait jouir d’une bonne réputation au sein de la corporation : lorsqu’il demanda un certificat d’honorabilité à son tribunal le 29.9.1784, on reconnut qu’il était un travailleur et un artiste fort adroit et qu’on ne pouvait trouver le moindre grief à lui porter, que ce fût dans les protocoles de la corporation depuis qu’il en faisait partie, ou lorsqu’il assumait les responsabilités de maître de la corporation en 1770 (poste auquel il fut élu le 21.12.1769) et de contrôleur juré, de 1773 à 1774. Avec probablement son fils ou éventuellement son neveu homonyme (Joh. Friderich Baer, junior), il fit partie du groupe des huit artisans (un orfèvre, quatre bijoutiers et joailliers et trois batteurs d’or) qui demandèrent l’autorisation d’établir un laminoir pour l’exercice de leur profession le 5.1.1785.
Deux de ses œuvres, alors en collection privée, furent exposées à Paris chez Kugel en 1964 : un couteau à dessert en vermeil et un étui à cacheter en or de trois couleurs. L’existence d’une autre œuvre, de grande importance non seulement dans la carrière de cet orfèvre, mais aussi pour l’histoire de l’orfèvrerie strasbourgeoise, fut révélée au public en 2003, année de sa mise en vente. Il s’agit de la pièce de maîtrise de l’orfèvre. Cette pièce de grande qualité, agrémentée de personnages mythologiques, de scènes militaires, allégoriques, de genre, d’animaux… était restée dans une collection familiale depuis au moins 168 ans, après son acquisition par un grand collectionneur de Mayence, Jean-Baptiste Bollermann, dans des circonstances qui demeurent inconnues. Cette famille possédait en outre un portrait de l’orfèvre représenté avec son chef-d’œuvre à son côté, probablement dû à un peintre strasbourgeois ; elle décida de le vendre avec la coupe. Nagler nous apprend que par cette coupe exceptionnelle, l’orfèvre s’attira les honneurs d’une mention par « l’Académie de Paris». Les actes notariés révèlent que l’orfèvre conserva sa pièce de maîtrise jusqu’à sa mort. Auparavant, le 28.3.1773, malade, il fit venir un notaire chez lui pour l’enregistrement d’un codicille comportant ses dernières volontés. Au terme de cet acte fut ajouté un paragraphe dans lequel l’orfèvre demanda que sa pièce de maîtrise fût léguée, après son décès, à l’Université en hommage perpétuel à Jean-Daniel Schoepflin ©. Sept ans plus tard, le 20.5.1780, il fit annuler complètement les dispositions de ce premier codicille par un second où ne figure plus aucune mention particulière concernant la coupe. L’inventaire après décès de l’orfèvre, daté du 20.7.1795, reflète son aisance. Dans l’énumération des biens, on trouve outre les mentions de matières et l’outillage communs à tous les ateliers d’orfèvres, celles de machines plus importantes dont un laminoir pour l’argent, une filière (ou banc à étirer), un tour et ses accessoires avec une machine à guillocher… Cette dernière nous rappelle que l’orfèvre aurait, d’après Nagler, inventé une machine de ce type. L’inventaire cite également le chef-d’œuvre du défunt. Jusqu’à maintenant, il n’a pas été possible de trouver ce qui advint de la coupe entre la rédaction de l’inventaire après décès et l’acquisition de l’œuvre par le collectionneur Bollermann.
Archives municipales de Strasbourg : XI 103; XI 104; XI 112; 4 R 108; Archives départementales du Bas-Rhin, 6 E 41, 742; 7 E 41, 895 ; 7 E 57, 4, 5 ; G. K. Nagler, Neues allgemeines Künstler Lexicon oder Nachrichten von dem Leben und den Werken der Maler, Bildhauer, Baumeister, Kupferstecher, Formschneider, Lithographen, Zeichner, Medailleure, Elfenbeinarbeiter, etc., tome I, A-Boe, Munich, 1835, p. 223; FI. Haug, Le siècle d’or de l’orfèvrerie de Strasbourg, Paris, 1964 (notices 206 et 207 du supplément non paginé); E. Fritsch, « Une pièce magistrale de l’orfèvrerie strasbourgeoise du XVIIe siècle », Cahiers alsaciens d’archéologie, d’art et d’histoire, XLVI, 2003, p. 87-108; Cahiers alsaciens d’archéologie, d’art et d’histoire, XLI, 2003, p. 82.
Emmanuel Fritsch (2004)