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AUNEAU DE VISÉ (d’) Louis Philippe

Vicaire-général et official du diocèse de Strasbourg, (C) (★ Paris 1666 † Strasbourg 21.6.1729).

Issu d’une famille de militaires qui n’était peut-être pas sans liens avec l’homme de lettres Jean Donneau de Visé, le fondateur du Mercure galant. Origine parisienne et noble : le frère du prélat était lieutenant de vaisseau en résidence à Nantes. Mais de petite noblesse. Louis-Philippe était le type de ces abbés qui s’attachaient à la fortune d’un ou plusieurs fils de grandes familles, promis à l’épiscopat. À la Sorbonne, il était le condisciple des futurs archevêques et évêques de Toulouse, Langres, Sens et Autun. Ce dernier le choisit comme vicaire-général. Ordonné en 1710. En 1715 il était rapporteur d’une commission à l’assemblée générale du clergé. Chemin faisant, il obtint de ses puissants protecteurs des bénéfices : une abbaye à Lesterps, au diocèse de Limoges, un prieuré à Lieurey, au diocèse d’Evreux. Il est vraisemblable que c’est au cours de l’été 1716, lorsque le cardinal de Rohan  © multiplia les rencontres avec les évêques (dont celui d’Autun, François d’Hallencourt de Drosmesnil) pour parvenir à un accommodement sur la question de la Bulle Unigenitus, qu’il fit plus amplement connaissance avec l’abbé de Visé et décida de lui confier la charge de grand-vicaire. Sa double expérience des affaires générales de l’Église de France (assemblée du clergé, Bulle Unigenitus) et de l’administration particulière d’un diocèse (Autun) ne pouvait que séduire la cardinal. S’y ajoutait une ligne de conduite adoptée dans la crise religieuse du temps qui convenait parfaitement au titulaire du siège de Strasbourg. Éloigné de toute complaisance à l’égard du jansénisme, il n’en avait pas moins été formé, tout comme le cardinal de Rohan lui-même, par la vieille Sorbonne qui s’offusquait des propositions de morale trop laxistes tout comme de la théologie incertaine de quelques membres de la Compagnie de Jésus. Ainsi, il surveillait les jésuites établis dans le diocèse (et en particulier ceux de Molsheim). Il s’opposa également à l’introduction de pratiques pieuses qui lui parurent en opposition avec la tradition catholique (procession du Vendredi-Saint à Molsheim, dévotion au Sacré-Cœur). Cette rigueur exprimée sans ménagements, jointe à la conscience très nette de la supériorité épiscopale face aux privilèges de toutes sortes, tels ceux honorifiques du Grand Chapitre, en faisaient un bon représentant de cet épiscopat français du début du XVIIIe s. Mais attaché à ces principes qui sont ceux de l’Église gallicane, il perdait de vue la réalité alsacienne. Il fut de tous les vicaires généraux de la période 1685-1789 celui qui poussa le plus loin la tentative d’harmonisation de l’Église de Strasbourg à celle du royaume. On comprend qu’une telle attitude n’ait pas été sans heurts (avec le Grand Chapitre, avec les particuliers, avec le Conseil souverain, avec son clergé) et que finalement, mal soutenu par le prince-évêque, il ait dû, non sans amertume, en rabattre beaucoup sur ses prétentions initiales. Quoi qu’il en soit, son œuvre, dans le diocèse de Strasbourg, reste importante. Sa grande préoccupation fut, à l’instar des prélats réformateurs français du XVIIe s., la formation d’un clergé digne et compétent. Mandements et opuscules se succédèrent pour réaliser cet objectif. Dès 1718, il voulut obliger chaque prêtre séculier, non pourvu d’une paroisse, à se présenter chaque année devant lui, pour faire renouveler ses pouvoirs. À tous les clercs, il imposa la lecture assidue des « cas de conscience » et des ouvrages consacrés au sacrement de pénitence. L’année suivante, il fixa la bibliothèque « idéale » des curés et institua à l’évêché un véritable dépôt de livres pour que les ecclésiastiques viennent s’y pourvoir. C’est à leur intention encore qu’il publia les Selectae E Conciliis, SS. Patribus, Piisve Authoribus Sententiae de Vita, et Moribus Clericorum, Strasbourg, 1724, sous forme de méditations quotidiennes ou encore ses Monita Generalia de Officiis ad usum Diocesis Argentin, Strasbourg, 1722. Dans ce dernier traité se révèle pleinement son esprit rigoriste. Mais ce spirituel était aussi un administrateur. Les années où, sous l’autorité du cardinal de Rohan, il dirigeait le diocèse, sont parmi les plus actives du XVIIIe s. pour les créations de paroisses, les règlements concernant leur administration, la répartition des fonctions entre curés et vicaires, etc. C’est qu’il ne ménageait pas sa peine. Dès son entrée en fonction, il adressa, suivant une habitude déjà bien établie chez les vicaires généraux depuis 1685, un questionnaire à tous les curés. L’année suivante, il entreprit méthodiquement la visite du diocèse, par chapitre rural, et il dressa un procès-verbal détaillé de chaque paroisse. Dans l’année qui suit, l’archiprêtre est chargé de s’assurer de l’exécution des ordonnances épiscopales. Le Codex Decretorum, qui subiste pour une partie du diocèse, montre un prélat préoccupé, en priorité, de l’organisation de la vie religieuse à l’intérieur de la paroisse. Amélioration du service du culte et souci d’un meilleur clergé : tels sont bien les deux aspects de son œuvre. En cela son action se situe pleinement dans le grand courant de réforme catholique des XVIIe-XVIIIe siècles. Évêque de Fez in partibus en 1719 (1718-1729).

Louis Châtellier (1982)

Sources :

Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace I, p. 69 ; L. Châtellier,Le diocèse de Strasbourg à la fin de la guerre de Trente Ans aux Lumières, Strasbourg, 1981 ; P. Levresse, « Les suffragants de Strasbourg », Archives de l’Église d’Alsace, t. XXXVII, 1974, p. 13-19.