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RÜHL Philippe Jacques,
enseignant, administrateur, homme politique de la Révolution Française, (PI) (★ Strasbourg 3.3.1737 † Paris 29.5.1795, suicide). Fils de Jean Philippe Jacques Rühl (originaire de Worms, étudiant à Strasbourg en 1730 † Zehnacker 2.2.1761) enseignant et pasteur à Strasbourg, Barr et Zehnacker, et d’Élisabeth Krug.
Célibataire. Étudiant en théologie à Strasbourg en 1751, et, après la mort de son père, en droit à Tübingen. 1762, précepteur du fils du Wild- et Rheingraf Karl Ludwig Wilhelm von Grumbach. En 1765, il prit la fonction de recteur du gymnase de Dürkheim, résidence du prince Karl Friedrich Wilhelm von Leiningen-Hardenburg. Il devint aussi le précepteur des deux filles cadettes du prince. Celui-ci le chargea, en 1769, du classement des archives. En 1770, le prince, pour défendre ses intérêts dans un procès d’héritage concernant les possessions des Linange à Dabo, lui confia une mission particulière. En 1774 Rühl fut nommé conseiller aulique et devint le chef rigoureux de l’administration du comté. Le prince tira beaucoup parti de son efficacité et de son engagement. Grand amateur de littérature et de théâtre, Rühl organisa pendant l’été des représentations de pièces de théâtre à la cour de Dürkheim. En 1777, Rühl engagea C. F. Bahrdt pour la direction d’un institut philantropique à Heidelsheim. Mais les deux hommes se brouillèrent. Le portrait de Rühl que Bahrdt brosse dans son autobiographie est peu flatteur (homme dur, orgueilleux, égoïste, peu doué pour la gestion des affaires et terrorisant ses subordonnés). Mais ce portrait trouve quelques corrections dans le livre d’un auteur anonyme (Die Frankenrepublik, 1794, p. 36) qui considère Rühl comme un homme très utile, intègre, mais orgueilleux et ambitieux, un bon connaisseur de la littérature et amateur de livres. Sa santé fragile l’obligea à quitter son poste à Dürkheim en 1784 et à se retirer à Strasbourg. Mais il garda l’administration du comté de Dabo et recevait du prince de Linange en compensation une pension de 2 400 livres. Rühl fut pénétré de la pensée des Lumières. Procureur fiscal au Grand Sénat de Strasbourg en 1789, il devint l’un des 38 administrateurs du département du Bas-Rhin en 1790. Le 17 février 1791, il devint membre du Directoire du département. Les élections en août 1791 le firent entrer à l’Assemblée législative où il devint l’un des neuf députés du Bas-Rhin. On peut le considérer comme un homme de gauche, qui, cependant, garda son indépendance. Il se montra un député très actif. Il fit partie du comité diplomatique dirigé par Koch ©. Rühl dénonça les agissements des émigrés, notamment du cardinal de Rohan à Ettenheim. Il demanda l’examen des traités et l’accélération des négociations sur les possessions des princes étrangers en Alsace. Au début de juillet 1792, il demanda « couvrez le Rhin, couvrez l’Alsace ». Le 15 juillet, il se plaignit que la France soit trahie. Le 10 août 1792, il se rangea du côté de la Montagne et des républicains. Sa vision cosmopolite se manifesta le 26 août quand il intervint en faveur de Friedrich Schiller, qui, avec d’autres étrangers, fut nommé, grâce à son intervention, citoyen honoraire de la nation française. Rühl fut un ennemi déclaré de Frédéric de Dietrich ©, l’ancien maire de Strasbourg ; il est à l’origine d’un décret à l’Assemblée nationale ordonnant le transfert de celui-ci à Paris. Réélu à la Convention, il présida la première séance comme doyen d’âge. Il prit place sur les bancs de la Montagne, mais ne se mêla pas aux luttes des factions. Rühl développa une importante activité parlementaire comme député de la Convention. Ses interventions touchaient les relations avec l’Allemagne, la situation en Alsace, l’éducation publique, la Bibliothèque nationale et les accusations contre les généraux Westermann © et Wimpffen ©. De plus, il fut le destinataire de nombreuses suppliques. La ville de Worms lui demanda une réduction des contributions imposées par Custine. En 1792 d’autres Rhénans envoyèrent des adresses à Rühl pour être incorporés dans la République. En conséquence il désigna le 3 novembre 1792 les Mayençais comme étant « le peuple de l’Allemagne le plus digne de la Liberté ». En même temps il prit part à la commission qui examina les papiers de l’armoire de fer. Le 27 décembre 1792, il fut envoyé en compagnie de Dentzel et de Couturier en mission dans les départements de l’est « pour prendre toutes les mesures nécessaires et urgentes pour le Salut de l’État ». Grâce à ce voyage Rühl ne compta pas parmi les régicides. Mais en janvier 1793, pendant le séjour à Strasbourg, il s’opposa aux mesures de Couturier qui avait relégué les membres de la municipalité et du département. Les jacobins strasbourgeois dénoncèrent Rühl comme un modéré et un égoïste. Mais Rühl garda, grâce à ses multiples activités parlementaires, la confiance de la Convention. Le 11 juillet 1793, il fut nommé secrétaire de la Convention et le 14 septembre il devint membre du Comité de la sûreté générale. Peu après, il fut envoyé en mission dans les départements de la Marne et de la Haute-Marne pour y garantir la levée en masse. Il s’engagea de plus à améliorer la situation précaire du ravitaillement de la région. Rühl montra publiquement à Reims sa ferveur républicaine en brisant sur l’ancienne place royale devant la cathédrale la Sainte-Ampoule. En novembre 1793 une autre mission le conduisit à Neu-Sarrewerden pour accélérer l’intégration de ce district dans la République. Le mauvais traitement de 1000 prisonniers français retenus par les Prussiens à Mayence provoqua la colère de Rühl qui demanda à la Convention la destruction des châteaux des princes allemands. En conséquence les châteaux de Karlsberg, Dürkheim et Oggersheim furent détruits par l’armée révolutionnaire. Rühl refusa — seul avec Lindet — de signer l’accusation de Danton. Il fut alors l’un des rares révolutionnaires qui avait osé s’opposer publiquement à Robespierre. Et par la suite, il compta en juillet 1794 (9 Thermidor) parmi ceux qui avaient préparé la chute de Robespierre. Après le 9 Thermidor, il quitta de lui-même le Comité de sûreté générale. On le vit de nouveau en mission dans les départements de l’est. Le 20 mai 1795, il se prononça à la Convention pour le maintien de la constitution de 1793. Pendant la révolte des journées de la faim à Paris, il essaya de calmer le peuple.
Garran-Coulin demanda son arrestation. Son accusation fut décrétée dans le rapport Sevestre. Pour prévenir un procès indigne, Rühl préféra se suicider le 29 mai 1795. Sa bibliothèque comptait plus de 8 000 ouvrages et fut vendue en 1797 à Strasbourg. Elle est la plus grande bibliothèque d’un révolutionnaire français qu’on connaisse actuellement.
Rühl est l’auteur de quelques publications juridiques et historiques : Gegen die Ansprüche der H.H. von Leiningen-Dabo, 3 vol., Karlsruhe, 1772-1774 ; Tractatio iuridica de legitimis natalibus inter illustres præsumendis a Fr. de Dieterich, 1776 ; Recherches historiques et généalogiques sur la maison de Linange-Dabo, Strasbourg, 1789 ; Exposé analytique des faits et des actes publics qui établissent la domination absolue du Roi sur l’universalité des terres et habitants de la Haute- et Basse-Alsace, Strasbourg, 1790 ; Catalogue des livres de Rühl, Strasbourg, 1797. Les papiers de Rühl sur ses activités à l’Assemblée nationale se trouvent aux Archives nationales F7 4775, 5-4775.7.
A. Corda, « Le représentant Rühl à Vitry-le-François en 1793 », La Révolution française 31, 1896, p. 261-273. A. Maurer, Rühl, ein Elsässer aus der Revolutionszeit, Strasbourg, 1905 ; A. Becker, « Philipp Jakob Rühl (1737-1795) », Leininger Geschichtsblätter, 1909, p. 1-3 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 623-624 ; A. Kuscinski, Dictionnaire des conventionnels, Paris, 1917, p. 545-547 ; G. Laurent, « Le conventionnel Rühl à Reims. La destruction de la Sainte-Ampoule », Ann. hist. Rév. fr. 3, 1926, p. 136-167 ; R. Cobb, « Le témoignage de Rühl sur les divisions au sein des comités à la veille du 9 Thermidor », ibidem 27, 1955, p. 110-114 ; Bopp, Die evangelischen Geistlichen in Elsass-Lothringen, 1959, p. 459-460 ; M. Eude, « Le « suicide héroïque » d’un montagnard en prairial an III. Jacques-Philippe Rühl (1737-1795) », Publications de l’Institut d’études du Massif Central 1, 1966, p. 183-187 ; J. Voss, « Der Mann, der Schiller zum Ehrenbürger Frankreichs machte : Philippe-Jacques Rühl (1737-1795) », Francia 17/2, 1990, p. 81-94 ; E. Kell, Das Fürstentum Leiningen, Kaiserslautern, 1993 ; J. Voss, « Die Bibliothek eines Fürstendieners, Aufklärers und Revolutionärs aus dem Grenzraum deutscher und französischer Kultur : Philippe Jacques Rühl und seine Bücher », Festschrift Fritz Nies, Tübingen, 1994, p. 377-406.

Jürgen Voss (1998)