Humaniste, exégète, hébraïsant et réformateur, (C, puis Pr) (? Rouffach 8.1.1478 † Zurich, Suisse, 6.4.1556).
Fils de Conrad Kürschner, originaire de Weil der Stadt, Souabe, et d’Elisabeth Galtz ou Hahn, de Rouffach, sœur de l’humaniste Josse Hahn ©. ? I 7.8.1526 à Zurich Anne Fries († 28.10.1536), originaire de Greifensee, soeur de Johannes Fries ; 1 fils, Samuel (? 1.6.1527). ? fin janvier 1537 à Zurich Elsa Kalb. Kürschner fit ses premières études à Rouffach (1484-1491), puis à Heidelberg (1491-1492) auprès de son oncle Josse Hahn, qui y enseignait la théologie et la littérature latine. De retour à Rouffach en 1492, où il assista le maître d’école avant d’entrer comme novice chez les Franciscains locaux pour pouvoir poursuivre ses études, début 1493. Une grande partie de sa famille fut victime de la peste. Envoyé à Bâle, où il reçut les ordinations mineures (1495), il fut autorisé la même année à rejoindre le couvent des Franciscains de Tübingen pour y continuer ses études supérieures. Le prieur, Paul Scriptoris, non seulement lui donna des enseignements philosophiques et des impulsions réformatrices, mais également des cours de mathématiques et d’astronomie. Kürschner devint l’élève préféré et le secrétaire de Scriptoris. Avec son maître, il rencontra le mathématicien Johann Stoeffler (1498). Il participa avec Scriptoris à différentes réunions capitulaires de son ordre. La notoriété de son oncle Josse Hahn le mit en relations avec les sommités intellectuelles de la région rhénane. Reuchlin lui expliqua la conjugaison hébraïque en 1500. Il rencontra son confrère prosélyte israélite Paul Pferdesheimer (Johann Pauli) qui lui procura quelques manuscrits hébreux. Conrad Summenhart, ami de son maître Scriptoris et recteur de l’Académie de Tübingen, lui prêta un exemplaire du livre Stella Missae contenant des passages de l’Ancien Testament transcrits en hébreu avec traduction en allemand. Ce fut uniquement avec ce matériel qu’il apprit l’hébreu et rédigea comme premier chrétien un manuel d’enseignement avec dictionnaire d’hébreu (1501). Il collabora avec le savant israélite Mathieu Adrianus à la rédaction du dictionnaire de Reuchlin. Kürschner fut ordonné prêtre en 1501 et célébra sa première messe au couvent de Rouffach, en présence de son maître et ami Scriptoris. En 1502, il fut lecteur de théologie au couvent de Bâle où il enseigna également l’hébreu. Les imprimeurs-éditeurs bâlois Amerbach, Froben, Petri plus tard et le Zurichois Froschauer surent profiter des connaissances et du zèle désintéressé de Kürschner pour la réalisation de leurs éditions. Ses qualités furent remarquées par le légat du pape, le cardinal Raymond de Peraudi, de passage à Bâle en 1504. Il lui conféra le droit de porter le titre de docteur, sans autres formalités, dès l’achèvement de sa trentième année d’âge. Pour raisons de santé, Kürschner ne put donner suite à l’invitation du cardinal à l’accompagner à Rome. Il resta encore quelques années à Bâle, où il fut un des membres très actifs du cercle d’Amerbach. Il enseigna l’hébreu à Ludwig Ber, ami d’Erasme ©, et rédigea un compendium de dogmatique pour son protecteur l’évêque Christoph von Utenheim ©. En 1508, Kürschner fut nommé lecteur au couvent de Rouffach. Ce fut là qu’il reçut un brillant élève : Sebastian Munster ©, que ses supérieurs lui confièrent pour le perfectionner dans la langue hébraïque. Une solide amitié s’établit entre le maître et l’étudiant, qui fut par la suite (1529) son successeur comme professeur d’hébreu à Bâle. Kürschner contribua à la fameuse Cosmographie de S. Munster en écrivant, avec son neveu Conrad Wolffhard (Lycostenes ©), l’article bien documenté sur Rouffach. En 1511-1514, il fut prieur au couvent de Pforzheim, Bade-Wurtemberg. Le provincial Caspar Satzger le prit en qualité de secrétaire. Il l’accompagna de 1514 à 1517 lors des voyages d’inspection, non seulement dans la province d’Allemagne méridionale, mais également aux chapitres généraux de Rouen et de Rome. Au retour de cette dernière ville, il fut nommé prieur à Rouffach où il resta jusqu’en 1519, année de son élection au même poste à Bâle. Kürschner entra en contact avec les écrits de Luther que Froben et Petri reproduisaient alors sous l’influence d’Erasme. Partisan d’un « réveil après le sommeil profond », il s’intéressa à la nouvelle doctrine. Le 15 mai 1520, il adressa une lettre à Luther qui fut le premier salut venant de Suisse. Suspecté de luthéranisme, Kürschner fut destitué par le provincial de son gardiennat en 1523. Le Sénat bâlois en revanche révoqua les professeurs de théologie dont les chaires furent attribuées à Kürschner et Œecolampade. Kürschner était alors un des meilleurs philologues hébraïsants. Son renom lui valut d’être appelé par Zwingli à Zurich (fin février 1526) pour combler le vide laissé par le décès de Ceporin. Il quitta les ordres. À Zurich, Kürschner contribua amplement à la consolidation de la Réforme, avec Zwingli d’abord, puis avec Leo Jud ©, Bullinger, Bibliander et autres. En juin 1536, Kürschner vint à Strasbourg s’enquérir de la Concorde de Wittenberg conclue le mois précédent entre les théologiens saxons et ceux de l’Allemagne du Sud-Ouest, à l’égard de laquelle il était opposé. En septembre 1541, la ville de Zurich lui conféra le droit de bourgeoisie. En été/automne 1541, Kürschner envoya au nouvel évêque de Strasbourg, Erasme de Limbourg © la tra-duction allemande des Paraphrases du Nouveau Testament d’Erasme faite par L. Jud pour servir à l’instruction des curés ne possédant pas suffisamment le latin pour préparer leurs sermons. L’évêque lui fit don d’un calice en vermeil, mais, tenu par son serment de bourgeois lui interdisant de recevoir des dons de l’étranger, Kürschner dut le lui renvoyer et en profita pour chanter la louange du grand humaniste et de ses efforts en faveur de la paix et d’un christianisme plus conforme à l’image des temps apostoliques. En 1544, il rendit visite à sa famille à Rouffach, où il fut également reçu avec grand honneur par le magistrat. Ce fut cette même année qu’il rédigea son autobiographie à l’intention de son fils Samuel et de son neveu. C’est un ouvrage précieux pour la compréhension de l’état d’esprit en cette époque mouvementée de l’humanisme chrétien et de la Réforme, entre lesquelles il ne voyait pas de césure, vu son esprit paisible et relativement tolérant.
Ouvrages principaux : De modo legendi et intelligendi hebraea, Bâle, 1503 et Strasbourg, 1504 ; Summa der katholischen Religion, Bâle, 1504 ; Psalterium hebraicum, Bâle, 1516, 1524 ; Psalterium Davidis ad hebraicam veritatem interpretatum,Trèves, 1532 ; Commentaria Bibliorum, Trèves, 5 vol., 1528, Zurich, 6 vol., 1534-1536, 1582 ; Index Bibliorum, Trèves, 1537; Grammatica hebraica, Strasbourg, 1540 ; Chronikon C. P. R. ad filium et nepotes, 1544, autobiographie publiée par B. Riggenbach, infra.
B. Riggenbach, Chronicon Conr. Pell. Rub. ad filium et nepotes, Bâle, 1877 ; Allgemeine deutsche Biographie, XXV, 1887, p. 334-338 ; T. Vulpinus (Renaud), Die Hauschronik Konrad Pellikanus von Rufach. Ein Lebensbild aus der Reformationszeit, Strasbourg, 1892 ; Realencyklopädie für protestantische Theologie und Kirche, 3e éd., XV, 1904, p. 108 ; Sitzmann, Dictionnaire de biographie des hommes célèbres de l’Alsace, Rixheim, t. 2, 1910, p. 432-434 ; J. v. Pfluck-Hartung, Im Morgenrot der Reformation, Saint-Louis, 1923, p. 414, 672, 704 ; Historisch-Biographisches Lexikon der Schweiz V, 1929, p. 388-389 (portrait) ; Lexikon für Theologie und Kirche, VIII, 1936, c. 254-255 ; A. Hartmann, Die Amerbachkorrespondenz, I, Bâle, 1942, p. 177; E. Dejung et W. Wuhrmann, Zürcher Pfarreibuch 1519-1952, Zurich, 1953, p. 463 ; B. Moeller, Der Konstanzer Reformator Ambrosius Blarer 1492-1564. Gedenkschrift zu seinem 400. Todestag, Stuttgart, 1964, p. 163 ; H. Bullinger, Briefwechsel, I,Zurich, 1973, p. 201 ; Chr. Zürcher, Konrad Pellikans Wirken in Zurich 1526-1556. Zurich, 1975 (avec la liste des Ms et des 385 numéros provisoires de la correspondance de Kürschner) ; M. Rose, « Konrad Wirken in Zurich », Zwingliana 14, 1977, p. 380-386 ; K. H. Schröder, « Geographie an der Universität Tübingen 1512-1977 », Tübinger geographische Studien, 1977, 2-3, p. 12 ; L. Baillet, « Aspects et richesses de l’humanisme à Colmar et en Haute-Alsace », Grandes figures de l’humanisme alsacien, courants, milieux, destins, sd de G. Livet et F. Rapp, Strasbourg, 1978, p. 76, 90-92 ; Encyclopédie de l’Alsace, X, 1985, p. 5925-5926 ; G. Hobbs, « Monitio arnica. Pellicum à Capiton sur le danger des lectures rabbiniques », Horizons européens de la Réforme en Alsace, publ. par M. de Kroon et M. Lienhard, Strasbourg, 1986, p. 81-93 ; LiteraturLexikon IX, Munich, 1991, p. 109.
Pierre-Paul Faust (1994)