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CASALIS Georges

Théologien universitaire (Pr) (★ Paris 4.1.1917 † Managua, Nicaragua, 16.1.1987).

Fils d’Alfred Hamilton Casalis, médecin né au Bassoutoland, et d’Evelyne Herding, née à La Force. ∞ Bâle, 1.10.1940 Dorothée Thurneysen, théologienne; 3 fils (dont 2 décédés), 2 filles. Après s’être inscrit en médecine pendant un an, Casalis a fait des études de théologie à Paris de 1935 à 1939, entrecoupées d’une année à Bâle en 1938. Ce passage à Bâle lui a permis de rencontrer Karl Barth, déjà célèbre, non seulement par sa réflexion théologique innovante, mais aussi par la création en 1934 de I’ « Église Confessante » (die bekennende Kirche), devenue plaque tournante de la résistance au nazisme. Casalis, de son côté, sensibilisé par son histoire familiale, dans laquelle son grand-père avait été artisan de la libération du Lesotho de la colonisation anglaise, avait décidé en 1933 de contester l’idéologie nazie. A travers cette décision, Casalis s’est inscrit dans la théologie de la résistance pour toute sa vie, à l’encontre de tous les pouvoirs, de quelque nature qu’ils eussent pu être, inaugurant ainsi la « théologie de la libération » avant la lettre, et l’articulant à tous les champs d’activité qu’il eût pu exercer. Pendant son séjour à Bâle, Casalis fut hébergé par l’ami de Barth, Eduard Thurneysen, pasteur et professeur de théologie pratique dont il épousa la fille aînée. À la même date, il devint Secrétaire général de la Fédération Française des Associations Chrétiennes d’Etudiants (FFACE, dite « la Fédé »), il revigora sa revue interdite par le gouvernement de Vichy. Avec Suzanne de Dietrich ©, Madeleine Barot et les équipes envoyées, Casalis cofonda le « Comité Inter-Mouvements d’Aide auprès des Évacués » (CIMADE). Casalis y a exercé la fonction de vice-président et a participé activement au sauvetage de nombreux juifs, essentiellement des enfants. Sous l’influence de Barth, Martin Niemöller et des Thèses de Barmen, il participa à la rédaction des Thèses de Pomeyrol. Ces thèses furent adoptées par beaucoup de pasteurs et de laïcs et contribuèrent à créer une sorte de mentalité «confessante» au sein du protestantisme français.

La période de 1941 à 1943 fut l’occasion pour Casalis de vivre en concentré l’ « imbrication du politique, du social et du théologique » en collaborant avec Roland de Pury, élève de Barth comme lui, alors pasteur à Lyon, devenue capitale de la résistance Sud. Cette collaboration fut une mise en œuvre rigoureuse d’une « théologie de la libération » au sens le plus pratique du terme. Casalis continua de s’occuper de la Fédé, et d’organiser des camps pour jeunes, en Oisans et dans le Queyras. À l’initiative de Roland de Pury, Casalis fut nommé pasteur à Moncoutant en Vendée à partir du 1er octobre 1943, dans un pays réputé catholique conservateur, mais dans une paroisse qui avait une grande conscience politique. C’est là qu’il a été ordonné au ministère pastoral en avril 1945. Casalis fut envoyé en Allemagne à l’initiative de Marc Boegner, président de l’Église réformée de France. Il fut d’abord aumônier militaire à Baden-Baden, à partir du 1.10.1945. Le 1.1.1946, Casalis fut envoyé à Berlin où il reprit contact avec les membres de l’Église confessante. Du 1.8.1946 au 1.6.1950, il fut conseiller ecclésiastique auprès du Gouvernement militaire, avec lequel il eut des rapports conflictuels. En 1947, les Alliés le nommèrent aumônier de la prison de Spandau où se trouvaient les sept dignitaires nazis condamnés : Dönitz, von Schirach, von Neurath, Raeder, Funk, Rudolf Hess et Albert Speer, tous protestants. Entre Casalis et Speer, l’« architecte du Führer », s’établit une intense relation. À partir du 1.5.1950, Casalis obtint une bourse pour une thèse de doctorat. Il avait prévu de travailler un sujet néo-testamentaire sous la direction du barthien Théo Preiss ©. Le doyen Hauter © (anti-barthien) lui proposa un sujet de dogmatique : « Kénose et histoire, le système christologique de F.H.R. von Franck (1827-1894). Essai de lecture herméneutique » que Casalis soutint en 1970 avec Gérard Siegwalt. Le 1.10.1951, Casalis fut nommé pasteur administrateur à Strasbourg Robertsau II dans le cadre de l’Église de la Confession d’Augsbourg d’Alsace et de Lorraine (ECAAL). En automne 1953, Casalis arriva à Saint-Nicolas II et fut nommé pasteur le 1.5.1954 (prédication et catéchèse, travail de jeunesse qu’il introduisit à la lecture de Barth, et pour laquelle il organisa des camps d’été). Il stimula le protestantisme strasbourgeois en organisant des « Rassemblements protestants » au Wacken et des conférences de «Positions protestantes» à l’Aubette. Casalis fit un séjour de deux mois à Alger en 1957-58 ; à son retour, il stigmatisa la « guerre coloniale ». C’est là qu’il élabora la distinction entre « situation de
classe » et « position de classe » et qu’il posa alors pour lui la question : pour qui vivons-nous ? En mars 1958, il fut témoin au procès de Besançon en faveur du pasteur Mathiot et d’une étudiante catholique comparaissant pour aide au FLN. Au 31.10.1961, Casalis donna sa démission de l’ECAAL et commença une carrière de professeur de théologie pratique à la faculté de Théologie de Paris où il resta jusqu’en 1982. La maison de la Cimade à Strasbourg (quai Saint-Nicolas) porte son nom depuis.

Toute la période de son enseignement a été marquée par des événements extérieurs. À travers la création de la Conférence Chrétienne pour la Paix, dont Casalis fut co-fondateur, il a pu entrer en relation avec le professeur de théologie systématique de Prague, Josef Hromádka (co-fondateur et président de la CCP). Casalis sortit du mouvement de Prague en 1970 (la même année il rejoint le « Secours Rouge » de Jean-Paul Sartre). Casalis qualifia de « révolution » les événements de mai 1968, à l’intérieur de laquelle, pour lui, « la société de consommation, en fait la société de l’aliénation, devait disparaître de l’histoire ». Au début des années 1970, la faculté de Théologie de Paris et celle de Montpellier furent restructurées (déménagement de la « théologie pratique » de Paris à Montpellier) et Casalis perdit son poste. Il entra à l’Institut Œcuménique du Développement des Peuples (INODEP), où il travailla au département « Tiers-Monde, Amérique Latine, Théologie de la Libération ». Casalis devint membre permanent du Tribunal International Russel, puis co-fondateur de la Ligue pour le Droit et la Liberté des Peuples. En 1981, un an avant sa retraite, la Société d’Histoire du Protestantisme Français appela Casalis à diriger le musée Calvin à Noyon. Ayant déjà participé à des séminaires du département œcuménique d’investigations, il était allé, dans les années 80, huit fois au Nicaragua. Il a assuré une formation théologique et biblique, surtout herméneutique, tant pour les protestants que pour les catholiques à travers le pays. Son inaugurale théologie de la résistance se retrouva dans sa finale théologie de la libération : « Je suis ordonné à l’humanité ».

Son épouse Dorothée (Pr) (★ Leutwil, Argovie, Suisse, 13.8.1917), fille d’Eduard Thurneysen, professeur de théologie pratique, et de Marguerite Meyer, a en toutes circonstances secondé son mari, l’a soutenu dans toutes ses causes, et l’a accompagné sur tous ses terrains de lutte. Elle s’était d’abord engagée dans les mouvements de jeunesse suisse en pratiquant un scoutisme laïc, puis en France dans le « Mouvement Jeunes Femmes «avant de devenir présidente de la branche féminine des Unions Chrétiennes en 1964. C’était l’époque des changements dans la pédagogie associative : les Jeunes Aînées (J.A.) et Cadettes qui faisaient partie avec le scoutisme de l’Alliance des Équipes Unionistes, voyaient leurs effectifs baisser, les Unions Chrétiennes de Jeunes Filles (UCJF) disparurent, et toutes ces filières furent regroupées dans l’Union Chrétienne de Jeunes Gens (UCJG). En 1966, elle entra à l’Institut National des Techniques de la Documentation et obtint son diplôme en 1968.

Œuvres : outre une liste de plus de deux cent cinquante titres, d’articles et de conférences publiés dans différentes revues, Casalis a publié les ouvrages suivants : Paix sur la Terre, édition de l’Illustré Protestant, 1958 (autour de la guerre d’Algérie); Karl Barth, un portrait, Labor et Fides, 1960 (traduit en allemand et en espagnol); Luther et l’Eglise Confessante, Seuil, 1962, réédité au Cerf 1984, (l’Évangile est-il aussi important pour les athées que pour les croyants?) ; Prédication, acte politique, Cerf, 1970, (autour de mai 68; le Saint-Esprit à l’œuvre dans l’histoire ?) ; Protestantisme, Larousse, 1976, (articles variés, traduits en espagnol) ; Les idées justes ne tombent pas du ciel, Cerf, 1977, (recevabilité respective de la théologie déductive et de la théologie inductive; traduit en allemand et en espagnol). Casalis a traduit le livre de son beau-père Die Lehre von der Seelsorge en français sous le titre Doctrine de la cure d’âme, Delachaux et Niestlé, 1958, ainsi que le cantique des frères Moraves Lob Gott getrost mit Singen (1544) en français : Dans toutes nos détresses, 1959. Il fut collaborateur de la Traduction Œcuménique de la Bible, Cerf/Les Bergers et les Mages, 1972 (N.T.), 1975 (A.T.); Co-auteur de Église et Pouvoir, document de la Fédération protestante de France, 1971.

K. Anschutz, » Casalis, Georges (1917-1987) », Encyclopédie du Protestantisme, Paris-Genève, 1995; idem, Gemeinschaftlich mit Deutschen unterwegs: der franzosische Militärpfarrer Georges Casalis in Berlin (1946-50), Die vier Besatzungsmächte und die Kultur in Berlin 1945-1949, 1999 ; D. Casalis-Thurneysen, Von Basel nach Managua. Georges Casalis – Ein Leben im Widerstand, Westberlin, 1990 ; D. Casalis, Chemins de vie 1917-1970, Paris, 2002; A. Dumas, « Georges Casalis, 1917-1987 », Encyclopaedia Universalis, Universalia, 1988; T. Trautmann, « Un ex-habitant d’Oberhausbergen: le professeur Georges Casalis », L’Ami, n° 187, octobre 2001, et « Georges Casalis à Oberhausbergen », L’Ami, n° 188, décembre 2001; Bulletins de la paroisse d’Oberhausbergen.

Théo Trautmann (2004)